Au risque de sa fragilité – journal N° 29 – juin 2015

Lorsque l’on se sent fragile dans sa vie, dans ses compétences, dans ses comportements, perdu dans les objectifs contradictoires que l’on est en charge de piloter, on n’en reste pas moins libre, on n’en reste pas moins responsable.

Moi, fragilisé dans une entreprise qui, pendant 13 ans, m’a fait grandir, m’a confié de vraies responsabilités et qui aujourd’hui encore, donne des perspectives à de nombreux collaborateurs, je suis parti sans me dérober, mais par loyauté au moment opportun, j’ai passé simplement le relais car en suivant « mon étoile », je m’étais bien perdu. Je ne pouvais pas non plus, dans ma fonction de responsable ressources humaines, prôner la mobilité sans en être moi-même l’acteur lorsque l’heure des choix se présenterait. Je suis donc parti très essoufflé pour me retrouver, faire une synthèse et repartir sur des bases assainies, gagner ma vie et donner à mes compétences renouvelées une nouvelle utilité.
Oui je me sentais fragile, oui c’était un risque, oui je n’ai jusqu’à présent jamais regretté de l’avoir pris.
Et maintenant, près de 18 mois après, et malgré bien des efforts pour me redéfinir, me confronter, me remettre en question, mon marathon vers une troisième étape de carrière n’est pas achevé. Chaque jour pourtant, je me rassemble pour me présenter, me positionner, convaincre et retrouver un équilibre, une dignité, dans un travail avec un projet, une légitimité des ambitions et bien sûr, un salaire.
Le résultat viendra mais pour l’instant, je suis fragile et je pense à ce migrant qui, chaque jour, essaye sans succès de passer de l’autre côté. Curieusement, il me donne de la force.
Oui, le pape François nous invite, à juste titre, à le soutenir ce migrant. Il est seul, en grande précarité matérielle et affective, peut-être malade, il est surtout loin des siens.
Moi je suis au chaud, entouré d’une famille aimante, accueillie dans ma paroisse, soutenu par mes amis, avec un avenir en construction et pourtant, je reste fragile.
Permettez-moi de rendre grâce au Seigneur de m’avoir fait fragile, chanceux aussi, et de lui demander la force de rester libre, responsable, pour rester moi aussi attentif au plus fragile, lorsque la page chômage se tournera.

Pour les migrants de tous horizons  chaque jour en danger, si vous le voulez bien, prions le Seigneur et saint Joseph, chef de la Sainte Famille de Nazareth.

Édouard