Quand on parle de miséricorde, on pense d’habitude que c’est synonyme de pardon, et on n’a pas tort. Écoutons, parmi les belles pages de la Bible qui parlent de la miséricorde, le psaume 102 : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; Il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ; Il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. »
Mais en réalité, la miséricorde est plus fondamentale encore que le pardon, elle touche les origines de la vie. Une image permet de le comprendre. Le terme biblique en hébreu qui désigne la miséricorde, signifie les « entrailles ». La miséricorde est donc liée aux entrailles, au ventre, qui est le lieu du don de la vie, tandis que l’amour est lié au coeur. La miséricorde est ce lieu où la vie naît et peut reprendre lorsqu’elle a été blessée. Le pardon vient alors comme une conséquence du don de la vie, telle une mère qui, parce qu’elle a donné la vie à son enfant, lui pardonnera toujours. Par la bouche du prophète Osée, on perçoit les sentiments de Dieu, touché jusqu’au plus profond de son être : « Mon coeur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent. Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère, je ne détruirai pas à nouveau Ephraïm car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint, et je ne viendrai pas avec fureur. » (Osée 11, 7-9).
La miséricorde est liée à l’être même de Dieu. Laissons le pape François en parler : « Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité. La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le coeur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son coeur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de son péché. »
Année jubilaire
Cette réalité de la miséricorde est à la fois si importante et si méconnue que le pape François a proposé une année jubilaire de la miséricorde qui débutera le 8 décembre, en la fête de l’Immaculée Conception de Marie, et qui se conclura le 20 novembre 2016, jour de la fête du Christ Roi.
Qu’est-ce que cela signifie ?
On parle d’Année jubilaire ou d’Année sainte en référence à une très ancienne tradition juive qui nous est rapportée dans la Bible. Depuis le temps de Moïse, tous les 50 ans (c’està- dire après sept cycles de 7 ans, donc 49 ans), arrive une année de repos, de ressourcement. Durant cette année on laisse même reposer la terre, on restitue les terres à leurs anciens propriétaires, on remet les dettes, on libère les esclaves. Cela permet de repartir à neuf pour un nouveau cycle de 49 ans. D’ailleurs, le mot « Jubilé » désignait à l’origine la trompette avec laquelle on annonçait cette année particulière, faite d’une corne de bélier (« yôbel » en hébreu).
Dans le Nouveau Testament, Jésus se présente comme celui qui mène à son accomplissement le Jubilé antique : « Jésus vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année de grâce accordée par le Seigneur. »… Alors, il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Ce jour-là, quelque chose a changé pour toujours : il n’est plus nécessaire d’attendre 50 ans. Jésus nous permet d’accueillir chaque jour la grâce de la miséricorde et d’en vivre au quotidien. C’est pourquoi, l’Église à ses débuts n’a pas poursuivi la tradition juive des années jubilaires. Cependant, en l’an 1300, à une époque marquée par beaucoup de guerres et de violence, le pape Boniface VIII eut l’idée d’introduire pour les chrétiens une nouvelle forme d’année jubilaire, afin d’appeler à la paix et au pardon. Ces jubilés « ordinaires » eurent lieu au départ tous les 50 ans, puis tous les 25 ans. Le dernier fut celui de l’an 2000. L’Année Sainte de la Miséricorde qui s’ouvre est donc un jubilé « extraordinaire » puisqu’il vient en plus du rythme ordinaire de tous les 25 ans.
À l’occasion du jubilé, une série d’événements sont prévus, notamment l’ouverture de la Porte Sainte de la basilique Saint-Pierre par le pape le 8 décembre, afin de marquer symboliquement l’ouverture de l’Année sainte. Chaque diocèse aura une (ou plusieurs) Porte sainte par laquelle chaque chrétien est invité à passer, comme démarche d’accueil de la miséricorde de Dieu. Celle de la cathédrale Saint Jean- Baptiste à Lyon sera ouverte lors d’une célébration, le dimanche 13 décembre à 16h30. Les autres événements de cette Année sainte sont présentés sur le site Internet de notre paroisse.
P. Michel
Le très beau texte du pape François qui présente cette année de la miséricorde est disponible ici :