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En révélant nos fragilités, la maternité interroge sur le don de la transmission de la puissance de vie.
La fragilité à travers la naissance d’un enfant se dessine avant même que la grossesse ne soit installée. L’enfant est de moins en moins lié au destin et de plus en plus au désir. Or, le désir est fragile. Il balance entre le rêve et la réalité. Un rêve qui se nourrit d’une histoire passée, de générations, de l’enfant que l’on a été. Un rêve du bébé qu’on ne connaît pas et qu’on imagine tel qu’on voudrait qu’il soit.
Pour une femme, le moment de la grossesse et de la naissance se situe dans ce qu’il y a de plus profond en son corps, ses pensées, ses sentiments et son intime physique. Une nouvelle identité se dessine pendant neuf mois, qui déstabilise parfois les équilibres identitaires préétablis.
Et puis, physiquement, le corps de la future maman, accepte la « greffe » d’un petit être qui se développe en elle aux dépens de son immunité qui s’amenuise et se fragilise.
Au moment de la naissance, la pression de la société sur le bien vivre son accouchement se transforme parfois en « réussir son accouchement ». Engendrant des fragilités, comme si l’accouchement était une sorte de performance. Alors l’enfant peut être perçu comme celui qui la valide ou l’invalide. Et puis, lorsque l’enfant arrive, il peut faire émerger des fragilités psychiques liées à l’image que la nouvelle maman se fait de ses capacités. L’enfant révèle quelque chose de la mère, dans des lieux que parfois elle n’a jamais imaginés. L’enfant, en quelque sorte, impose une loi. D’une part, celle de le faire vivre, d’autre part, celle que l’on doit inventer pour le faire vivre, avec et en fonction de tous les sentiments insoupçonnés avant, qui se bousculent.
Enfin, la fragilité se situe aussi au niveau de la présence « d’un autre », d’un Dieu, d’un mystère, d’une spiritualité. Elle pose la question de l’invisible. Dépassant la question « pourquoi cet enfant ? » mais du don qui est fait. Du pourquoi ce don de génération en génération. Elle pose aussi la question de cette puissance de vie dont on ne sait ni d’où elle vient ni où elle va. Une puissance de vie qui s’inscrit dans quelque chose de tellement plus vaste que le désir et qui oblige à sortir du purement affectif. Alors peut être que finalement la plus grande fragilité réside dans ce que l’on ne sait pas, ce que l’on ne maîtrise pas, dans toutes ces questions que révèlent la grossesse et l’arrivée d’un tout petit.
Christelle Perrin-Fayolle, sage-femme
Vieillir : une fragilité, une maturité
C’est le lot de tout être humain, dès la naissance !
Le chemin sera plus ou moins long, mais chacun fait l’expérience des transformations de son corps, et de son esprit. Le vieillissement fait peur d’autant plus que nous vivons dans une société qui cherche à cacher tout ce qui n’est pas jeune, beau, riche et productif ! Une société qui culpabilise
presque les personnes âgées. Le culte de la jeunesse de notre monde actuel nous pousse à cultiver une certaine image tout au long de notre vie.
Le groupe Louis Querbes, composé d’une quinzaine de paroissiens, accompagnés par le père Michel, a réfléchi sur le thème de la vieillesse. Voici quelques éléments de réponses :
- Le rapport à la souffrance est difficile, même s’il peut survenir à tout âge. Seulement on sait qu’en vieillissant, elle risque d’être une compagne envahissante, physiquement et moralement.
- La vieillesse permet de faire un bilan sur sa vie, et, avec le recul et l’expérience, on a parfois des regrets.
- On a peur de ne plus se reconnaître, de changer de caractère, de devenir acariâtre. Après avoir exposé toutes leurs craintes, ils ont découvert des points positifs dans le vieillissement !
- On a le temps d’écouter les autres (les petits-enfants ont tellement de choses à raconter à leurs grands-parents…)
- La relecture de notre vie nous permet aussi d’avancer.
- Il est nécessaire de faire des deuils. Ils nous apprennent à nous adapter, à lâcher prise. Ils nous font grandir !
- Les aînés sont essentiels dans notre société, ils nous transmettent leur savoir (histoire, culture, mais aussi des recettes de cuisine, des conseils pratiques en tout genre…)
- Vieillir, c’est aller de l’extériorité à l’intériorité : en étant moins dans l’action, on peut se consacrer davantage à la contemplation, la réflexion, la méditation, la prière.
- Les aînés sont un réconfort, ils ont du recul par rapport aux événements, ils trouvent les mots justes, ils sont apaisants !
Propos recueillis par Chantal Bonnefoy
Pour aller plus loin : la parole d’un scientifique et celle de notre pape, lors de sa catéchèse du 11 mars 2014…
Xavier Le Pichon (océanographe, géophysicien, membre de la Communauté de l’Arche) , dans le livre de Jean Delumeau – Le savant et la foi -: « Dieu a pris le monde à l’envers et nous ne nous en sommes pas encore aperçus : « Il a regardé la bassesse de sa servante. Il élève les humbles et renverse les puissants de leur trône. » […]
Ceux que notre civilisation scientifique et technique semble souvent rejeter sont en fait destinés par Dieu à devenir nos sauveurs. C’est grâce à eux, en mettant science et technique à leur service, au service des personnes les plus fragiles, dans le respect de la liberté, que nous découvrons qu’ils sont le cœur de notre univers et que ce sont eux qui nous attirent vers notre fin dernière, l’Amour. »
Notre pape François : « Les personnes âgées ont un rôle très important dans la famille. La vieillesse est une vocation ; elle est une grâce et une mission particulières. La prière des anciens est un don pour l’Église et pour toute société trop affairée et trop distraite. Ils peuvent remercier le Seigneur pour ceux qui négligent de le faire, et intercéder pour les nouvelles générations. Ils peuvent faire comprendre aux jeunes qu’une vie sans amour est une vie desséchée, que l’angoisse de l’avenir peut être vaincue,
qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Leur louange soutient la communauté qui
travaille et qui lutte dans la vie. Dans la prière, les anciens purifient leur cœur et se gardent ainsi de l’endurcissement et du ressentiment qui leur feraient perdre le sens de leur témoignage de sagesse. »