Vendredi Saint 10 avril 2020 Année A
Nous arrivons au Vendredi Saint. C’est une date spéciale. La liturgie de ce jour commémore la mort de Jésus. On proclame d’abord sa Passion et on demande ensuite à la communauté des croyants deux attitudes en lien avec la Passion : une prière universelle pour toute l’humanité et l’adoration du bois de la Croix où Il est mort. Ensuite, comme le Vendredi Saint il n’y a pas d’Eucharistie, et étant donné la situation de confinement, tout fini par une communion spirituelle. Ainsi, frères et sœurs, aujourd’hui la Croix occupe le centre de la scène. La croix est devenue le signe distinctif du chrétien ; et c’est de cela qu’il s’agit : rendre justice à la Croix et redécouvrir le sens qu’elle nous offre.
En ce Vendredi Saint, nous ne pouvons pas rester indifférents à la situation que vit l’humanité en raison de la pandémie provoquée par le COVID-19. C’est sans aucun doute une façon « spéciale » d’aborder le mystère de la mort du Seigneur et qui peut nous éclairer sur la façon d’en actualiser le sens.
La Croix peut être considérée principalement sur deux points de vue : du point de vue de ceux qui le crucifient ou du point de vue du plan de Dieu, que Jésus incarne.
Pour les grands de ce monde, ceux qui le crucifient, la Croix est l’affirmation autoritaire du pouvoir, la victoire de l’injustice et de la manipulation ; la croix est la mort, l’absurdité, la négation de Dieu et des êtres humains et la consécration de la loi du plus fort. Cette perspective est d’une très grande actualité. Combien de croix sont encore distribuées aujourd’hui dans tant de coins de la planète que, comme dans le cas de Jésus, elles continuent à défigurer l’aspect humain des gens, (rappelons-nous la première lecture d’Isaïe : défiguré, il ne ressemblait pas à un homme).
D’autre part, dans le plan de Dieu, la Croix est une Bonne Nouvelle, parce que Jésus prêche et propose la croix à son peuple comme un chemin qui mène au salut : celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi ; celui qui veut sauver sa vie la perdra ; celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. Porter la croix est donc une exigence pour avancer sur le chemin du Christ vers la Vie. Cela ressemble à un paradoxe ; mais c’est ce qui se trouve dans l’Évangile. Nous sommes devant la logique du Royaume. Essayons de le comprendre.
Jésus fait une annonce joyeuse de la puissance vivifiante de Dieu qui est présente dans le monde. Pour entrevoir cette action salvatrice, nous devons être convertis et connectés à la logique de Dieu, manifestée dans sa personne et à sa manière. C’est la logique de l’amour. Mais pas d’un amour romantique, mais d’un amour qui implique : don, service, humilité, oubli de soi, dépassement de l’égoïsme et recherche du bien et du droit de l’autre ; surtout du bien et du droit des derniers, des oubliés, des appauvris, des rejetés. Jésus l’a magnifiquement exprimé dans une phrase qui résume le cœur de la Loi : aimer Dieu et son prochain comme soi-même. C’est la même proposition du Carême : la prière (Dieu), l’aumône (don aux autres) et le jeûne (partage).
Par conséquent, la croix que Jésus propose est la croix qui est propre du chrétien, n’est pas celle de la douleur pour la douleur (ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas de douleur dans la vie chrétienne). La Croix du Christ est celle de l’amour plus fort que la mort car, en fin de compte, le plus fort est celui qui aime le plus et peut donner le plus de vie. Et c’est le Dieu révélé en Jésus.
En fait, Jésus accueille et vit la Croix du Calvaire comme l’expression ultime de l’amour de Dieu ; un amour capable de transformer la mort en vie ; le péché en salut ; la nuit en jour. Jésus assume donc, avec toutes ses conséquences, la force salvatrice de l’amour qui est donné, qui sert, qui s’écarte de son chemin pour que les autres puissent avoir une meilleure existence. C’est pourquoi la Croix, en fin de compte, devient une Bonne Nouvelle et peut être interprétée comme la volonté de Dieu. Une volonté qui vide de sens chaque croix comprise comme le pouvoir du fort sur le faible et comme la destruction de l’être humain. Ce modèle n’est pas encore très bien accepté, pas même parmi les chrétiens. Mais ce modèle que nous le célébrons ensemble en ce Vendredi Saint. La Croix de Jésus se termine dans l’espérance de la vie qui triomphe de la mort dans la Résurrection.
En guise de résumé :
1. La croix qui nous sauve n’est pas le bois, mais l’humanité de Jésus dans laquelle Dieu s’est incarné et a été cloué sur elle ; par conséquent, c’est le Crucifié qui rachète, et non la Croix ; bien que, grâce à la licence que la langue permet, nous pouvons légitimement transférer ce pouvoir béni du Crucifié à la Croix.
2. Par conséquent, lorsque, à l’occasion, nous viendrons saluer la Croix, réfléchissons à ce que nous allons dire ou faire : dire oui au plan de Dieu manifesté en Jésus ; reconnaître que la voie du salut de l’être humain est le service et l’amour donné ; remercier Jésus pour la confiance qu’il nous a faite ; lui demander que nous puissions aussi porter cette Croix dans notre vie ; le supplier que l’amour triomphe d’une fois pour toutes de tant de signes de mort et de désespoir et, dans la mise en œuvre de ce désir, nous allons lui offrir notre humble collaboration…
3. Ce n’est pas la douleur qui rachète ou libère (bien que notre Dieu ne soit pas étranger à la douleur). L’amour cherche toujours la vie et la vie des autres. C’est cet amour qui libère, humanise et sauve. C’est l’amour de Dieu manifesté dans le Christ-Jésus que nous célébrons aujourd’hui autour de la mémoire de la Croix et de la mort de notre Seigneur.
Source : Service site web dominicain (Ordre des prêcheurs). Traduction p. Javier.