Homélie du Jeudi Saint 2020

 Jean 13, 1-15 Année A 9 04 20

Aujourd’hui commence le Triduum Pascal. La vie de Jésus en trois jours : ses paroles, ses signes, son enseignement, son réconfort, son espérance, sa prière… De nombreux éléments sont présents dans chacune des célébrations. Le Jeudi Saint a le goût d’un testament.

Le cadre de la célébration d’aujourd’hui est la Pâque. Pour les Juifs, la Pâque est un mémorial dans lequel l’amour de Dieu, qui sauve son peuple, est rappelé et actualisé. Cette fête était célébrée dans un rassemblement familial où ils se souvenaient de la libération de leurs ancêtres du joug des égyptiens, partageaient leur nourriture et, surtout, bénissaient Dieu pour sa protection.

Voilà ce que Jésus a célébré cette nuit-là avec ses disciples et, par ses gestes et ses paroles, il a donné un sens nouveau à la Pâque juive. Le passage de l’esclavage à la libération du peuple d’Israël devient le passage de la mort à la vie de Jésus. C’est sa Pâque. Sa Résurrection. Voici l’essentiel.

Donner. Autour de la table, une nouvelle vie est née. Les récits de l’institution de l’Eucharistie et du lavement des pieds sont deux gestes différents, mais ils présentent la même réalité : le don de Jésus. Avec ces gestes, Jésus donne un sens nouveau aux événements qui vont suivre. Ce ne sont pas les autres qui lui ôtent la vie, mais c’est lui-même qui la donne. Nous ne célébrons pas la mort de Jésus, mais le don de soi pour nous.

L’Évangile raconte comment Jésus se lève de table, enlève son manteau, ramasse sa serviette et commence à laver les pieds de ses disciples. Lui, qui est le maître, se détache de tout et se met au service de l’humilité comme moyen de construire la fraternité, de bâtir le Royaume de Dieu. C’est un geste qui surprend ses disciples et que Jésus lui-même leur explique sans détour : « Je vous ai donné un exemple pour que vous fassiez aussi ce que j’ai fait avec vous« .

Ces mots s’adressent également à nous : quels sont les manteaux que nous devons enlever et les serviettes que nous devons prendre ? Quels sont les pieds que nous devons laver ? Comment devons-nous servir ? Les réponses passent par notre vie quotidienne. Il est peut-être bon de commencer par se regarder soi-même pour voir de quoi nous avons rempli notre vie et ce qui nous empêche de nous approcher, de servir les autres. Il faut aussi regarder autour de nous et voir nos aînés, nos enfants, nos collègues de travail, nos étudiants, nos amis, les personnes qui vivent seules à nos côtés, ou ceux qui souffrent de l’inégalité ou de l’injustice… Chacun doit découvrir quels pieds laver et comment le faire : cela peut être en écoutant, en accompagnant, en aidant, en défendant…

Le service n’est pas une chose extraordinaire dans la vie. L’intention de Jésus est que le service devienne une attitude permanente, que toute notre vie soit façonnée par le service. Mettre notre regard, nos mains aux pieds du frère, nous amène à nous prosterner, à faire de lui le centre de notre vie.

Le service est une façon de prolonger ce que Jésus a fait pour nous tous. Cette tâche nous est confiée à tous, en tant que communauté. Le défi n’est pas d’appartenir à l’Église mais d’en faire partie, de faire fructifier – par notre attitude, nos critères et nos actions – la fraternité, le don généreux que Jésus a fait : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous« .

Faire mémoire. Avec le geste de Jésus, le pain et le vin deviennent un sacrement, une présence permanente, une nourriture pour le voyage que nous faisons ici et aujourd’hui. Le miracle de l’Eucharistie est la présence réelle de Jésus au milieu de nous pour être notre maître, réconfort, santé, guide, nourriture, souffle… pour le voyage.

Nous ne pouvons pas interpréter l’Eucharistie comme un beau souvenir de cette nuit, quelque chose qui s’est passé « hier ». L’Eucharistie est une mémoire qui se réalise « aujourd’hui », la même chose qu’à l’époque et qui nous invite à préparer le « demain » de la présence de Dieu.

Dans l’Eucharistie, nous ne sommes pas des spectateurs mais des protagonistes. Le faites ceci en mémoire de moi est une invitation à de notre existence une Pâque dans laquelle la mort cède la place à la vie. Se débarrasser de nos manteaux de sécurité, de confort, de peur… se vêtir des serviettes du service, de l’amour, du don généreux… est la conséquence concrète du partage du pain et du vin qui nous est donné. Le Jeudi Saint nous apporte de nombreux détails et éléments pour examiner notre vie en tant que personnes et en tant que croyants. J’ose les résumer par un commandement que je mets sur les lèvres de Jésus : « Soyez frères, soyez Eucharistie ! »

Père Javier