Enseignement du dimanche autrement – st Irénée

Présentation de saint Irénée Évêque de Lyon et Père de l’Église (P. Javier)

Irénée de Lyon (en grec ancien Eirênaĩos « pacifique ou pacificateur » est le 2ème  évêque de Lyon au IIe siècle, entre 177 et 202. De culture et de langue grecque, Irénée est né à Smyrne en Asie Mineure vers 120 ou 130, de parents grecs et chrétiens. Il est fêté le 28 juin dans l’Église catholique.

Il témoigne avoir connu saint Polycarpe qui, lui-même, aurait reçu l’imposition des mains de l’apôtre Jean.
Son transfert d’Asie Mineure en Gaule a dû coïncider avec les premiers développements de la communauté chrétienne de Lyon et c’est là que, en 177, nous trouvons Irénée comme prêtre. C’est précisément cette année qu’il fut envoyé à Rome, porteur d’une lettre de la communauté de Lyon au Pape Eleuthère.
C’est cette mission romaine qui permit à Irénée d’échapper à la persécution de Marc-Aurèle, dans laquelle au moins 48 martyrs trouvèrent la mort, parmi lesquels l’Évêque de Lyon, Pothin, âgé de 90 ans, mort des suites de mauvais traitements en prison et sainte Blandine.
À son retour, Irénée fut élu Évêque de la ville. Le nouveau Pasteur se consacra entièrement au ministère épiscopal, qui se conclut vers 202-203.

D’après les témoignages de saint Jérôme au Ve siècle et de Grégoire de Tours au VIe siècle, il serait mort martyr à Lyon en 202, victime d’un édit de persécution de Septime Sévère. Ses reliques sont conservées depuis le Ve siècle dans l’église Saint-Irénée, auprès d’autres martyrs de Lyon8.
Ses écrits le classent comme le premier grand théologien de l’Église latine. Son œuvre est centrée sur la réfutation d’une des graves hérésies de l’époque, la gnose, qui divisait profondément les chrétiens et ruiné leur foi. (Nous en parlerons après)

La théologie de st. Irénée montre que l’unité de l’Église est la condition même de son existence et que son universalité ne nuit pas cette unité parce qu’elle est fidèle dépositaire et gardienne de la Foi issue des Écritures et transmise par les Apôtres.

Toujours soucieux de l’unité de l’Église, il met en valeur son nom d’homme de paix (εἰρηναῖος signifie pacifique). C’est ainsi qu’il intervient auprès du Pape Victor Ier lors de la querelle autour de la date de Pâques. Dans une partie de l’Asie, on célèbre Pâques le 14 de Nisan, comme les juifs. Ailleurs, Pâques est fêté le dimanche suivant. Après plusieurs tentatives de solution au cours du IIe siècle, le Pape veut mettre un terme à cette dispute. Vers 190, il se décide à excommunier les évêques d’Asie. Par son intervention, Irénée, lui enjoint de laisser chaque Église libre dans les matières qui ne portent pas atteinte à la Foi. Le conflit est ainsi évité.

Irénée est avant tout un homme de foi et un Pasteur. Comme bon pasteur, il possède le sens de la mesure, la richesse de la doctrine, l’ardeur missionnaire ; et en tant qu’écrivain, il poursuit un double objectif :  défendre la véritable doctrine des attaques des hérétiques, et exposer avec clarté les vérités de la foi. Les deux œuvres qui nous sont parvenues de lui, correspondent exactement à ces objectifs : les Cinq livres Contre les hérésies, et l’Exposition de la prédication apostolique (que l’on peut également appeler le plus ancien « catéchisme de la doctrine chrétienne »).

L’Église du 2ème siècle était menacée par ce que l’on appelle la gnose, une doctrine qui affirmait que la foi enseignée dans l’Eglise ne serait qu’un symbolisme destiné aux personnes simples, qui ne sont pas en mesure de comprendre les choses difficiles ; au contraire, les initiés, les intellectuels, – on les appelait les gnostiques, les connaisseurs – auraient connu ce qui se cache derrière ces symboles, et auraient formé un christianisme élitiste, intellectuel.

Ce christianisme intellectuel se fragmentait toujours en divers courants de pensées, mais qui attiraient de nombreuses personnes. Un élément commun de ces divers courants était le dualisme, c’est-à-dire que l’on niait la foi dans l’unique Dieu, Créateur et Sauveur de l’homme et du monde ; et pour expliquer le mal dans le monde, ils affirmaient l’existence d’un Dieu bon et d’un principe négatif. Ce principe négatif aurait produit les choses matérielles, la matière. En définitive, Irénée est le champion de la lutte contre les hérésies.

Il est considéré comme le premier grand théologien de l’Église latine, qui a créé la théologie systématique, c’est-à-dire, qui explique la cohérence interne de toute notre foi. Dans ses écrits, Irénée nous donne la clé pour interpréter le Credo à la lumière de l’Évangile ; parce que le Crédo est une sorte de synthèse de l’Évangile, qui nous aide à lire et à comprendre ce qu’il veut dire, l’Évangile.

L’Évangile prêché par Irénée est celui qu’il a reçu de Polycarpe, Évêque de Smyrne, et qui remonte à l’Apôtre Jean, dont Polycarpe était le disciple. Ainsi, le véritable enseignement n’est pas celui inventé par les intellectuels au-delà de la foi de l’Église.

Le véritable Évangile est celui enseigné par les Pasteurs qui l’ont puisé dans la Tradition des Apôtres à travers une chaîne ininterrompue, et que n’ont rien enseigné d’autre que cette foi simple, qui nous aide à comprendre la véritable profondeur de la révélation de Dieu.

Ainsi – nous dit Irénée – il n’existe pas de doctrine secrète derrière le Credo commun de l’Église. Il n’existe pas de christianisme supérieur pour les intellectuels. La foi publiquement confessée par l’Église est la foi commune de tous. Seule cette foi est apostolique, elle vient des Apôtres, c’est-à-dire de Jésus Fils de Dieu.

Irénée nous illustre le concept de Tradition apostolique, en trois points.

  • La Tradition apostolique est « publique », et non pas privée ou secrète. Pour Irénée, il ne fait aucun doute que le contenu de la foi transmise par l’Église provient des Apôtres de Jésus, Fils de Dieu. Il n’existe pas d’autre enseignement que celui-ci. C’est pourquoi, celui qui veut connaître la véritable doctrine doit connaître la Tradition qui vient des Apôtres.
  • La Tradition apostolique est « unique » dans ses contenus fondamentaux ; et parce qu’elle est unique, elle crée ainsi une unité à travers les diverses cultures, langues, peuples et nations.
  • La Tradition apostolique est « spirituelle », c’est-à-dire, guidée par l’Esprit Saint. Il ne s’agit pas d’une transmission confiée à l’habileté des hommes plus ou moins savants, mais à l’Esprit de Dieu, qui garantit la fidélité de la transmission de la foi. Telle est la « vie » de l’Église et qui rend l’Église toujours fraîche et jeune, c’est-à-dire féconde de multiples charismes.

P. Javier

Dieu sculpteur de l’homme : Méditation sur St. Irénée (P. Léon)

Ce n’est pas toi qui fais Dieu, mais Dieu qui te fait.

Ce n’est pas toi qui fais Dieu, mais Dieu qui te fait.
Si tu es l’ouvrage de Dieu, attends tout de sa main.
Livre-toi à Celui qui peut te modeler
Et qui fait bien toutes choses en temps opportun ;
Quant à toi, ton rôle c’est de te laisser ouvrager.

Présente-lui un cœur souple et docile,
Livre-toi à lui comme une argile malléable.
Ayant en toi l’Eau qui vient de lui,

Reçois en toi la forme que le Maître Ouvrier veut te donner.
Garde en toi cette humilité qui vient de la grâce,
Pour ne pas empêcher le Seigneur
D’imprimer en toi la marque de son doigt.

C’est en recevant son empreinte que tu deviendras parfait,
Et seul le Seigneur pourra faire œuvre d’art
Avec cette pauvre argile que tu es.

En effet, faire est le propre de la bonté de dieu,
Et le laisser faire, c’est le rôle qui convient à ta nature d’homme.

Prière de st. Irénée, Évêque de Lyon au IIe siècle.

 

Saint Irénée nous invite à contempler Dieu Artiste. Non seulement il est musicien mais il est aussi sculpteur. Irénée fait sans doute référence au prophète Jérémie lorsqu’il descend chez le potier (Jr 18, 1-12). Nous nous souvenons des vases manqués et sans cesse remis sur le tour : Jérémie comprend qu’il doit reconstruire, rebâtir, recréer son peuple. Irénée comme Jérémie a été attentif au travail des mains du potier. Pour lui, Dieu a des mains : le Fils et l’Esprit (le Verbe et la Sagesse) et c’est par ses deux mains « qu’il façonne l’homme à son image et à sa ressemblance ». C’est pour cela qu’il emploie le pluriel « nous » : « faisons l’homme à notre image » dit Dieu. Depuis toujours, il y a auprès de Dieu le Verbe et la Sagesse, le Fils et l’Esprit. C’est par eux et en eux qu’il fait toutes choses. La création est une œuvre trinitaire.

Non seulement, Dieu modèle l’homme de ses propres mains, mais il l’habille de ses propres traits ; il lui donne une forme divine. Chacun, chacune porte, comme un vêtement « les traits de Dieu ». Et même si ce vêtement a été souillé par le péché, nous croyons que par le Fils et dans le Fils l’homme retrouve sa beauté première.

Irénée nous invite à nous laisser sculpter. Cela demande de la confiance, de l’abandon, de la patience pour nous accorder au rythme de Dieu, accepter sa visite aux moments les plus inattendus. Nous laisser faire, nous laisser façonner, c’est ce que Dieu attend de nous. Lui seul connaît la forme qu’il désire pour chacun de nous. Mais il a besoin de notre oui pour que son travail de sculpteur s’accomplisse jusqu’à son achèvement.

Ce n’est pas nous qui faisons Dieu, c’est Dieu qui nous fait… petit à petit, jour après jour. Si nous consentons à cet abandon filial, alors notre argile première retrouvera toute sa beauté.

Saisir Dieu

« Présentement, c’est une partie seulement de son Esprit que nous recevons, afin de nous disposer à l’avance et de nous préparer à l’incorruptibilité, en nous accoutumant peu à peu à saisir et à porter Dieu… » (CH 5, 8-11)

La phrase la plus connue et la plus célèbre d’Irénée est celle-ci : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » (CH 4, 20,7). Cela signifie que l’homme est fait pour Dieu ; il est fait pour la vie avec un grand V ; il est fait pour être divinisé.

Irénée emprunte souvent le vocabulaire de l’apôtre saint Jean : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu, ce que nos mains ont touché, c’est le Verbe de vie… et nous vous l’annonçons. » Dieu a envoyé ce Verbe de vie parmi nous pour que, peu à peu, nous nous accoutumions à lui. Et pour cela, nous avons reçu des « arrhes » (on pourrait traduire par « des avances ») qui sont une partie de l’Esprit de Dieu. Aujourd’hui déjà l’Esprit nous donne de saisir et de porter Dieu, pour que nous puissions déjà voir Dieu et nous réjouir de sa présence en nos existences…

Mais comment voir vraiment Dieu ? Il y a des moments de grâce qui nous font expérimenter la présence de Dieu et de son Esprit :

  • Des parents émerveillés de la vie donnée lors de la naissance de leur enfant, moment d’éternité au sein même de notre finitude !
  • Des rencontres et des regards qui nous font pressentir l’au-delà
  • La joie intérieure lorsque comme Marie nous prononçons un OUI ou que nous nous mettons en « visitation » auprès de telle ou telle personne.

Alors on peut dire que la vie éternelle est déjà commencée et pour reprendre les mots de Jésus lui-même : la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus Christ…

Et l’apôtre Paul peut commenter : « aujourd’hui, nous voyons comme dans un miroir, mais un jour, nous le verrons face à face ». Alors tout sera accompli totalement. Nous serons fils et filles de Dieu en Christ Jésus. Alors nous pourrons saisir Dieu et découvrir de quel amour nous sommes aimés. Nous saurons enfin qui nous sommes vraiment.

 

« Tu ne peux m’abandonner à la mort
Ni laisser ton ami voir la corruption
Tu m’apprends le chemin de la vie :
Devant ta face, débordement de joie !
A ta droite, éternité de délices !

Psaume 15, 10-11

 

 P. Léon