Homélie du dimanche 28 février

(Lecture : Exode 3, 1-8a.10.13-15 ; Psaume 102 ; 1 Corinthiens 10, 1-6.10-12 ; Luc 13, 1-9 )

Les paroles de Jésus peuvent nous sembler dures. Par deux fois, il insiste : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous ». Tandis qu’il est interrogé sur le sens de la mort des Galiléens massacrés par Pilate, Jésus nous adresse un appel pressant pour que nous nous convertissions. À l’époque de Jésus, il était couramment admis que si quelqu’un subissait une maladie ou une mort tragique, c’était la conséquence de son péché, voire même celui de sa famille.

Jésus ne répond pas sur le sens de la mort et de la maladie mais il rejoint l’homme dans sa mort et sa maladie. C’est pourquoi il ne donne pas de raison au massacre de ces Galiléens pas plus qu’à la mort des dix-huit personnes écrasées par la tour de Siloé. Par contre, il affirme très clairement que tout homme, s’il ne se convertit pas, périra. Il ne s’agit pas là d’une punition ou d’un châtiment divin – si Dieu a horreur du péché, il aime le pécheur ! – mais de la conséquence de notre choix de nous détourner de Dieu qui est la Vie.

Toute l’Écriture nous révèle un Dieu miséricordieux, « lent à la colère et plein d’amour » (psaume). Mais la miséricorde n’est pas un dû ; elle n’est pas automatique. C’est le sens de la petite parabole que nous donne Jésus. Ce figuier qui ne produit pas de fruits correspond à l’homme pécheur, car c’est Dieu qui donne à notre vie de porter du fruit. Le péché nous coupe de Dieu et prive notre vie de sa fécondité. Il serait légitime de couper le figuier stérile puisqu’il épuise la terre. Il serait humain que Dieu finisse par se détourner de nous quand nous nous obstinons dans notre péché. C’est la réaction du maître de la vigne qui n’est pas Dieu, mais une fausse représentation de Dieu. Le vigneron, quant à lui, correspond au Fils que le Père nous a envoyé pour bêcher notre cœur, le façonner pour nous apprendre à aimer comme Dieu.

Mais encore faut-il vouloir nous convertir. La conversion consiste à décider de revenir à Dieu de tout son cœur. Or bien souvent l’homme préfère s’enfermer dans son péché, dans sa volonté d’avancer tout seul, préférant même parfois récriminer contre Dieu comme le mentionne Saint Paul. Comment alors nous tourner vers Dieu de tout notre cœur ?

La première lecture nous montre Moïse. L’épisode du buisson ardent peut être lu comme la conversion intérieure de Moïse. Avant cet épisode, Moïse, habité par un profond sentiment de justice, s’entête à vouloir intervenir par lui-même. C’est pourquoi il n’hésite pas à tuer un Égyptien qui frappait un Hébreu, ce qui l’oblige à fuir l’Égypte (cf. Exode 2). A la fin de l’épisode du buisson ardent, c’est Dieu lui-même qui envoie Moïse libérer ses frères et non sa seule volonté. Comment s’est opérée cette conversion ? En voyant le buisson qui brûlait sans se consumer, Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire » (1ère lecture).

Se convertir, c’est faire un détour, c’est nous détourner de nos certitudes, voire même de nos bonnes résolutions, pour laisser Dieu nous façonner de l’intérieur. Cette troisième semaine de carême est l’occasion pour nous de faire un détour, de renouveler notre manière de nous présenter à Dieu et de recevoir de lui notre façon de vivre chaque chose. Il est le Dieu de la présence fidèle à nos côtés, une présence qui nous inonde de son amour gratuit. Avant de vouloir faire, même pour lui, commençons par nous rendre présents avec notre cœur à celui qui est déjà là.

Père Bruno