Homélie du 25 octobre 2015

(Lectures : Jérémie 31, 7-9 ; Psaume 125 ; Hébreux 5, 1-6 ; Marc 10, 46-52)

Ce miracle, tel que nous le relate Marc, pourrait paraître banal : un homme était aveugle et grâce à Jésus il retrouve la vue. Et pourtant de nombreux indices devraient nous alerter sur un sens plus profond de ce texte : la rencontre de Bartimée, le fils de Timée (littéralement : fils de l’impur) avec Jésus, le fils de David ; confrontation de deux noms, donc de deux origines de laquelle va surgir le récit, un récit où Jésus n’accomplit aucun geste miraculeux mais où la parole à une grande place. Et c’est pour nous aujourd’hui que cette parole s’accomplit.

Tout commence par un cri de la part de Bartimée : un cri qui exprime une espérance, une sortie de soi, de son mal pour confesser que Dieu seul peut nous sauver. Jésus ne peut être sourd à celui qui crie vers lui. Il écoute avec intensité cet aveugle, par-delà la rumeur. Pourtant, de façon étonnante, ce n’est pas lui qui va au-devant de Bartimée. Il s’appuie sur la foule pour qu’elle relaie son appel : « confiance, lève-toi, il appelle ». C’est bien là la mission de tout croyant, de toute communauté : porter au monde cette parole d’espérance, cette invitation à la confiance. En se faisant l’écho de la parole de Jésus, la foule permet ainsi à cet aveugle de se lever, de s’appuyer sur la force qui est en lui, mais que l’exclusion étouffait.

Quelle merveille de voir cet homme bondir, courir vers Jésus alors qu’il est toujours aveugle. Il n’est pas encore le voyant, mais il est devenu le croyant. C’est ce que signifie sans doute ce qui pourrait passer pour un détail : « rejetant son manteau », manteau dans lequel Bartimée se réfugiait, se protégeait. Le croyant est celui qui ose s’arracher de sa sécurité pour se lever et mettre sa confiance en Celui qui peut donner la vie. Quel manteau suis-je près aujourd’hui à rejeter pour traduire que seule la confiance que je mets en Dieu est moteur de ma vie ?

C’est alors que peut retentir dans notre quotidien cette question étonnante de la part de Jésus : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » Quand trop souvent nous voulons faire pour Dieu, voilà que c’est lui qui nous demande. Quand l’aveugle mendiait au bord du chemin, voilà que c’est Dieu maintenant qui mendie son désir. C’est toujours au cœur de notre désir que le Christ nous rejoint. Ne rien demander à Dieu pour soi-même sous prétexte que cela est orgueilleux ou qu’il sait ce dont nous avons besoin, c’est refuser d’exprimer à Dieu notre désir, de recevoir de lui.

Et c’est donc tout naturellement que Bartimée demande à voir. Ce qui n’est pas naturel c’est la réponse de Jésus. Là où on s’attendrait à ce que Jésus lui réponde « voie ! » il répond « va ! » Désormais Bartimée n’est plus le fils de l’impur mais le disciple marchant derrière Jésus, sur la route. Jésus a révélé la vie qui était déjà en lui, la foi qui le met en route : « Ta foi t’a sauvé ». La contemplation de ce texte est pour nous l’occasion de vivre ce même passage : celui du croyant qui devient disciple.

Père Bruno