Dimanche des Rameaux - année C 28 mars 2010
Les
textes du jour
« J’ai
ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! »
C’est par ces mots de Jésus que commence le récit de la passion chez saint Luc.
Il s’ouvre sur l’expression du désir le plus intense du Christ. La dernière
parole de Jésus avant de mourir sera : « Père entre tes mains je remets mon esprit ». Toute la passion
est à saisir en mettant en parallèle ces deux paroles.
C’est la clé qui nous permet d’entrer
spirituellement dans cette grande semaine sainte : accueillir le désir du
Christ d’accomplir la volonté de son Père et de se livrer entre nos mains pour
nous donner sa vie. Il donne sa vie au Père pour que nous vivions sa vie.
C’est ce qui fera professer au centurion accompagnant Jésus jusqu’à sa mort et
rendant alors gloire à Dieu : « Sûrement,
cet homme, c’était un juste », totalement a-justé à son Père en
donnant sa vie pour nous.
Dans l’Évangile de Luc, la dernière parole
de Jésus, comme sa première (Luc 2,49) mentionne son Père. Cela souligne le
désir de Jésus de nous faire entrer dans l’intimité qu’il vit avec son Père.
Contempler le Christ dans sa passion renouvelle notre relation au Père. Toute
notre vie est appelée à se recevoir de lui et à retourner à lui. Cette
dynamique ne peut se réaliser qu’à la suite du Christ qui se dessaisit de sa
vie pour nous.
La contemplation de la passion devrait nous
mettre mal à l’aise tant l’écart est grand entre ce qui anime profondément et
intensément Jésus dans l’offrande de sa vie pour nous (« ceci est mon corps, donné pour vous »,
« cette coupe est la nouvelle
Alliance en mon sang répandu pour
vous »), et la façon dont les différents acteurs et témoins regardent
de loin ce qui se joue pour eux. Le récit de la passion se termine même par ce
constat terrible : « Tous les
gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé,
s’en retournaient en se frappant la poitrine. Tous ses amis se tenaient à
distance, ainsi que les femmes qui le suivaient depuis la Galilée, et qui
regardait ». Tous restent extérieurs à ce qui paraît être un
spectacle.
Pour entrer dans la passion il est important
de prendre du temps en regardant chacun des acteurs et en considérant comment
le Christ l’accueille et donne sa vie pour lui. Prenons le temps d’en
énumérer quelques-uns : les Apôtres qui songent d’abord à vouloir désigner
qui est le plus grand parmi eux, sans doute pour déjà remplacer Jésus quand il
sera mort ; les disciples qui n’arrivent pas à rester éveillés, à rester
proche de Jésus quand il ressent angoisse et frayeur ; Judas qui trahit
peut-être parce que Jésus l’a déçu ; Pierre qui renie par peur de ce que les
autres pourraient dire de sa relation avec Jésus ; le Grand conseil qui
n’a qu’une idée en tête : faire mourir Jésus ; Pilate qui n’ose pas
prendre position face à la foule ; Hérode qui aurait voulu un miracle et
finit par écouter Jésus avec mépris et se moque de lui ; Simon de Cyrène
qui humblement soutient Jésus ; les chefs qui ricanent ; les soldats
qui se moquent ; l’un des malfaiteurs qui injurie ; l’autre
malfaiteur qui confesse en vérité son péché... Autant de visages comme autant
de facettes qui nous correspondent, tantôt l’une, tantôt l’autre. Et il y a
Jésus qui, au fur et à mesure que l’étau se referme sur lui, se tait : il
ne se justifie pas, ne demande pas à ce qu’un miraculé vienne témoigner en sa
faveur… Il expose son amour face au refus de ses adversaires, jusqu’à demander
à son Père de les pardonner.
Déjà six siècles avant la mort de Jésus
Isaïe décrit ce serviteur bafoué que les chrétiens ont immédiatement identifié
au Christ : « J'ai présenté mon
dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe.
Je n'ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats » (1ère
lecture). Mais comme l’affirme le psalmiste, le Seigneur n’est pas resté sourd
face à celui dont ils ont transpercé les mains et les pieds : « Mais tu m'as répondu ! Et je proclame ton
nom devant mes frères » (psaume). A travers sa passion, Jésus nous
révèle la totale confiance qu’il met en son Père qui n’a pas voulu sa mort mais
qui subit la décision des hommes.
C’est encore ce que Saint Paul décrit
admirablement dans son hymne : « Le
Christ Jésus se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur ».
Et en s’abaissant jusqu’à la mort, son Père le relève et entraine toute
l’humanité à sa suite : « Toute
langue proclame : " Jésus Christ est le Seigneur " » (2ème
lecture).
Et c’est pour moi en particulier,
aujourd’hui, que Jésus donne sa vie... En contemplant la passion, la seule
chose que nous puissions demander, c’est cette grâce de « retenir les
enseignements de la passion du Christ et d’avoir part à sa résurrection »
(oraison de la messe des rameaux).
Père Bruno