Sixième dimanche de Pâques - année C
5 mai 2013
Les
textes du jour
C’est
un peu étonnant que Jésus dise « si vous m’aimiez » à ses disciples
qui ont tout quitté pour le suivre ! Jésus sous-entend-il que ses
disciples ne l’aiment pas ? On aurait pu penser qu’ils l’ont suivi un peu
par amour. En tout cas, pas complètement contre leur gré. On se souvient des
récits des débuts de l’évangile lorsque Jésus appelle ses disciples à le
suivre, ils n’hésitent pas beaucoup : les pêcheurs du lac de Galilée,
Pierre et son frère André, laissent là leur filets et le suivent, pareil pour
Jacques et Jean. Lévi le publicain qui avait un boulot bien lucratif se lève
aussi immédiatement, à la seule parole de Jésus « suis-moi », et abandonne
tout ce qui faisait sa vie jusque-là pour lui obéir. N’y a-t-il comme un coup
de foudre ? Un tel changement de
cap, si rapide et si radical, n’est pas le fruit d’une longue réflexion. Il y a
quelque chose d’un coup foudre, d’intuitif dont le cœur seul est capable. La
tête a besoin de plus de temps pour se décider.
Les
disciples aimaient-ils donc déjà Jésus ? Oui certainement ! Mais il y
a amour et amour : l’amour fou du commencement et l’amour qui dure parce
qu’il a résisté à l’épreuve. Il y a l’amour en germe et l’amour qui a
grandi ; le coup de foudre qui saisit nos sentiments et l’amour qui a eu
le temps de prendre racine dans les profondeurs de notre cœur. Il y a l’amour
de soi et l’amour de l’autre ; l’amour qui s’aime et cherche son propre
intérêt et l’amour qui s’oublie et se donne.
L’amour
des disciples pour Jésus, comme le nôtre, n’était peut-être pas complètement
désintéressé. On sait leur empressement à suivre Jésus et leur dévouement. On
sait aussi leurs motivations plus cachées lorsqu’ils se demandent lequel
d’entre eux est le plus grand ou lequel siégera à ses côtés au jour sa
victoire. On dirait que chacun voit pour lui-même et calcule quel intérêt
personnel, quels avantages il pourra tirer de cette relation avec le Seigneur.
On
sait, ou plutôt on oublie comme on peut vite tomber dans l’illusion de se
croire capable d’aimer jusqu’à donner sa vie, comme l’apôtre Pierre qui se dit
prêt à mourir avec Jésus et qui au moment de sa passion se découvre aussi lâche
que les autres et ne parvient qu’à sauver sa peau. Lorsque Pierre aura perdu
cette illusion sur sa propre capacité d’aimer, qu’il aura fait l’expérience de
sa faiblesse, il pourra répondre sincèrement à Jésus qui lui demandera par
trois fois s’il l’aime : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que
je t’aime ». Et cette parole sonne vrai.
Eh
bien, nous aussi nous sommes venu ici en ce dimanche de notre plein gré pour
suivre Jésus, écouter sa Parole, communier à son corps, lui rendre grâce et
nous désirons l’aimer de tout notre cœur. Seulement, comme celui des apôtres,
notre cœur est partagé : partagé entre un amour désintéressé pour Dieu et
une recherche de notre propre intérêt, de ce que Dieu peut nous obtenir comme
avantage, lui qui est tout-puissant. Nous sommes venus pour recevoir de Dieu ce
qui peut améliorer notre vie. D’ailleurs Dieu dans sa bonté peut réellement
nous le donner, mais il peut aussi nous dire : « si vous
m’aimiez… » Oui, si nous aimions Dieu plutôt que de nous aimez d’abord
nous-mêmes. Si au lieu de nous demander ce que nous sommes venu recevoir ici,
nous nous demandions ce que nous pouvons donner de nous-mêmes ?
Les
apôtres ont beaucoup reçu de Jésus durant les trois années passées à le suivre
sur les routes et Jésus s’apprête à donner sa vie pour eux. Mais avant d’offrir
sa vie pour eux, il leur dit ses paroles que nous avons entendues dans
l’évangile, pour les préparer à son départ et les former à un autre mode de
présence de Dieu parmi eux. Les apôtres sont à un moment charnière de leur
vie : jusqu’ici ils ont beaucoup reçu, désormais ils expérimenteront ce
que Jésus a dit : « il y a plus de joie à donner qu’à
recevoir. » Et les Actes des apôtres font le récit de cette joie des
apôtres à se donner entièrement à leur mission. (La première lecture de ce
dimanche, tirée des Actes des Apôtres, montre que les apôtres ne se retrouvent
pas seuls après le départ de Jésus : l’Esprit Saint est à leur côté :
« l’Esprit Saint et nous avons décidé ») Un basculement radical c’est
opéré en eux entre le moment de la Résurrection de Jésus et la Pentecôte. Il en
va de même pour nous : 50 jours dans lesquels nous sommes où nous prenons
conscience que nous avons tout reçu de Dieu pour pouvoir tout donner.
Penchons-nous
de plus près sur l’évangile de ce jour et méditons sur le triple don que Jésus
nous fait : 1. sa Parole ; 2. l’Esprit Saint ; 3. sa paix (non
pas la nôtre construite par nos propres forces).
Voyons
chacun pour soi, ce que ces dons produisent en nous et comment ses dons que
nous recevons nous conduisent à donner à notre tour.
P.
Michel Lovey