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Cinquième dimanche de Pâques                     2 mai  2010

Les textes du jour (cliquez ici)

« Je suis encore avec vous, mais pour peu de temps. » Cette remarque de Jésus donne tout son sens au passage d’Evangile de ce dimanche et éclaire les autres textes. Jésus parle à ses disciples de son départ, les préparant à vivre sans sa présence physique. Cette réalité est d’ailleurs celle que vit l’Eglise depuis l’Ascension et à laquelle les écrits du Nouveau Testament donnent un éclairage toujours actuel : comment être disciple de quelqu’un qu’on ne voit pas et que plus personne n’a vu !

Le départ de Jésus implique deux conséquences : une pour Dieu lui-même (première partie de l’Évangile), et une pour ses disciples (seconde partie de l’Évangile). Que se passe-t-il en Dieu ? Dieu est glorifié en le Fils de l’Homme qui lui donne en retour sa propre gloire. Saint Jean donne au mot grec qu’il utilise ("gloire") un sens fort proche de celui qu’il a dans le mot hébreu équivalent : il évoque ce qui a du poids, la présence de Dieu, sa manifestation dans l’histoire. En quelque sorte, la gloire est le poids de la manifestation visible de l’amour de Dieu dans l’histoire des hommes.

Lorsque Jésus parle de son départ, il signifie que sa mort et sa résurrection manifesteront la force de l’amour du Fils et du Père pour tous les hommes : le Fils qui, par amour, donne sa vie, le Père qui, par amour, associe l’humanité à la résurrection de son Fils. La Résurrection change profondément le sens de l’histoire puisqu’elle manifeste que l’amour de Dieu est plus fort que le péché des hommes ; cet amour est vainqueur de toute mort.

C’est ce qui est exprimé à travers la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel : « voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront son peuple, Dieu lui-même sera avec eux » (2ème lecture). Par la Résurrection de son Fils, Dieu « fait toutes choses nouvelles ». En Jésus Christ Ressuscité, Dieu est désormais avec. Et cela commence dès maintenant, dans le cœur de tous disciples du Ressuscité.

Quelles conséquences le départ de Jésus a-t-il donc sur ses disciples ? « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » Désormais, il y a un lien étroit entre l’amour que Dieu a pour les hommes et l’amour des hommes entre eux. En nous aimant comme Jésus nous a aimés nous manifestons l’amour de Dieu. Voilà que par la résurrection du Christ, notre amour humain peut devenir révélation de l’amour du Père. Et Jésus nous le commande même !

Ce commandement, nous dit Jésus est nouveau. Dans quel sens ? Jésus donne une double exigence à ce commandement nouveau : la réciprocité et l’offrande. L’amour auquel est appelé le disciple du Christ est à vivre dans une communion, dans un échange. Dans ce passage d’Evangile, lorsque Jésus commande d’aimer, il insiste toujours sur « les uns les autres ». Il n’est pas question d’aimer simplement les autres mais de s’aimer les uns les autres. La nuance apportée est essentielle car elle décentre de soi. Si je me limite à aimer les autres je peux rester l’auteur de cet amour. L’amour mutuel que commande Jésus suppose de se centrer sur l’autre pour recevoir également son amour.

D’où la seconde exigence : l’offrande de soi. Le disciple est appelé à aimer comme le Christ, c’est-à-dire dans un amour de don. Il s’agit d’un amour qui ne retient rien pour lui-même, ce qui en fait sa nouveauté. C’est sans doute ce que veulent dire Paul et Barnabé lorsqu’ils affirment : « il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu » (1ère lecture). Aimer comme le Christ nous le commande, d’un amour de réciprocité et de don total, c’est prendre résolument un chemin pascal. Vivre un tel amour suppose d’être avec le Christ, et non à côté.

Sortir de la relation du Christ, comme Judas est sorti avant que Jésus n’enseigne ses disciples (cf. début de l’Evangile), c’est se mettre dans l’incapacité de vivre ce commandement nouveau. Ainsi donc la nouveauté de ce commandement n’est pas tant une règle nouvelle à établir mais une adhésion au Christ sans laquelle il n’est pas possible de le mettre en œuvre.

C’est bien à cette condition que l’amour que nous aurons alors les uns pour les autres manifestera l’amour même de Dieu pour tous les hommes et fera de nous ses disciples. Tel est le projet de Dieu avec l’humanité : plutôt que de manifester lui-même l’amour qu’il a pour nous, comme il l’a fait en Jésus de Nazareth, il a choisi désormais de s’appuyer sur la fragilité de notre amour pour que nous en soyons ses témoins. C’est dire la foi qu’il a en nous et la nécessité que le Christ reste invisible à nos yeux ! « Je suis encore avec vous, mais pour peu de temps. »

Père Bruno