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Troisième dimanche de Pâques - année C

14 avril 2013

Les textes du jour (cliquez ici)

 L'Évangile de ce dimanche nous propose une démarche en trois temps pour que nous puissions, à la suite des disciples, vivre de la présence d'une Ressuscité dans notre quotidien : le temps de la reconnaissance ; le temps de l'intimité ; le temps de l'envoi.

Tout commence dans un quotidien bien terne pour les disciples. Le groupe des Apôtres a éclaté. Ils ne sont plus que sept, sans doute remplis de tristesse et de déception après la mort de celui qu’ils avaient suivi durant trois ans. La nécessité les a obligés à reprendre leur activité de pêcheurs, mais même cela ne semble plus guère marcher. Pierre part à la pêche, les six autres l'accompagnent et ils passent la nuit sans rien prendre : tout est nuit. C'est alors que le Ressuscité se rend présent à eux. Comme dans tous les récits d'apparition, jamais il ne dit : « je suis le Ressuscité », mais toujours il commence par rejoindre les hommes dans leurs préoccupations : « les enfants, auriez-vous un peu de poisson ? » C'est toujours ainsi que le Ressuscité se rend présent dans notre vie : il nous rejoint là où nous en sommes, au milieu de nos préoccupations et de nos soucis ; au cœur de nos nuits.

Il ne s'impose pas à nous, mais sa présence fait naître un plus de vie en nous : un geste mille fois répété devient porteur de vie, d'une vie qui ne vient pas de nous. « Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n'arrivaient pas à le ramener, tellement il y avait de poisson. » Reconnaître la présence du Ressuscité dans ma vie c’est être attentif à la vie qu'il suscite en moi. Cette reconnaissance n'est jamais de l'ordre d'une évidence, d'une certitude ; elle se réalise dans un élan de vie, parfois discret et fragile, qui atteste que la rencontre du Ressuscité fait de nous des vivants. Bien souvent, cette reconnaissance n'est possible que les uns par les autres, en communauté : c'est le disciple que Jésus aimait qui éveille Pierre à la reconnaissance du Ressuscité.

Peut alors commencer le temps de l'intimité. Il ne s'agit pas simplement de le reconnaître présent dans notre vie mais de choisir de vivre avec lui. Un peu comme nos disciples qui partagent ce repas sur le rivage, autour d'un feu de braise, avec le Ressuscité. Il est inutile alors de s'interroger pour savoir qui il est. Le simple fait de choisir d'être avec lui, de demeurer avec lui, suffit.

A une condition toutefois : celle d'apporter notre poisson et de manger celui qu'il nous a préparé. Qu’est-ce à dire ? Toute intimité avec le Ressuscité est une communion d'amour, un échange réciproque où je suis invité à offrir au Seigneur ce qu'il m'a donné et que j'ai fait fructifier, et à accueillir ce qu'il est heureux de me donner à nouveau. A l'image de ces poissons que des disciples ont pêchés grâce à la présence du Ressuscité, qu'ils apportent au Seigneur avant de manger celui que le Ressuscité a fait cuire pour eux. En même temps, cette intimité avec le Ressuscité n'est pas intimiste. Il n'est pas question d'une relation exclusive et fermée entre lui et moi, mais d'une relation où je porte la vie de mes frères pour les recevoir à nouveau du Christ. C'est le sens de ces cent cinquante trois poissons dont le nombre correspond à l'ensemble des espèces connues à l'époque. Ils symbolisent ainsi l'universalité des hommes.

C'est pourquoi cette intimité ouvre au temps de l'envoi. « Pierre m’aimes-tu ? » N'allons pas imaginer que le Ressuscité pose trois fois cette question à Pierre car celui-ci a renié trois fois Jésus. Cela laisserait supposer une comptabilité dans la relation : puisque tu m'as renié trois fois tu dois me dire trois fois que tu m'aimes. Non ! En fait Jésus ne pose pas exactement trois fois la même question. Le grec utilise plusieurs verbes traduits en français par le verbe aimer : entre autres "aimer d’un amour de don" (agapè) et "aimer d'amitié".

En lisant le texte dans le grec cela donne ceci : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu de don plus que ceux-ci ? – Oui, Seigneur, je t'aime d'amitié. – Simon, fils de Jean, m’aimes-tu de don ? – Oui, Seigneur je t'aime d'amitié. – Simon, fils de Jean, est-ce que tu m'aimes d'amitié ? – Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t'aime d'amitié. » Si la réponse de Pierre est invariante, la demande du Ressuscité est de moins en moins exigeante, partant d'un amour de don et de préférence pour arriver à un amour d'amitié.

C’est Jésus qui se met à la portée de l'amour que Pierre est capable de lui donner. C'est toujours ainsi que s'y prend le Ressuscité avec chacun : ce n'est pas nous qui devons nous hisser à la hauteur de son amour, c'est lui qui s’abaisse pour nous rejoindre dans notre maladresse à aimer. Toutefois, même si la réponse de Pierre n'est pas ajustée à la demande du Ressuscité, ce dernier lui confie toujours sa mission ; autrement dit il lui manifeste inconditionnellement sa confiance. Dieu fait toujours confiance à l'homme même si celui-ci n'est pas pleinement ajusté à lui Par contre, l'invitation à suivre le Ressuscité « suis-moi » ne retentit que lorsque Pierre est ajusté à la demande de Jésus.

Que ce temps pascal soit pour nous l'occasion d'être attentif à la présence du Ressuscité qui se manifeste par la vie qu'il suscite en nous, dans notre quotidien. C'est alors qu'il nous appartiendra de choisir de vivre avec lui, dans une vraie intimité, pour être envoyé par lui afin de traduire en actes auprès de nos frères l'amour dont il nous aime. Nous pourrons alors lui murmurer dans le secret de notre cœur : « Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t'aime. »

Père Bruno