Huitième dimanche du temps ordinaire - année A
2 mars 2014
Les
textes du jour
Après avoir longuement développé la loi de
Moïse, Jésus poursuit son discours sur la montagne. Dans le passage de ce
dimanche, il nous place face à son Père : aucun homme ne peut servir deux
maîtres. Le disciple est donc celui qui fait le choix de servir, par toute sa
vie, Dieu le Père. Le mot que Jésus emploie pour désigner l'Argent est synonyme
d'une personnification de cet argent : il oppose le service de Dieu au service
de tout ce qui est perçu comme un faux absolu.
La parabole qu'il raconte alors est pour
nous aider à ordonner notre vie dans le seul désir de servir Dieu. Cette
parabole part d'une observation concrète de la nature : les oiseaux du ciel
n'ont pas à se soucier de leur nourriture, pas plus que les lis des champs de
leur beauté. Ainsi donc l'homme qui met sa confiance en Dieu n'a pas à se
soucier de son devenir. Saint-Augustin introduit ainsi ses confessions : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre
cœur est sans repos tant qu'il ne demeure en toi ». Celui qui demeure en
Dieu a l'assurance de pouvoir compter sur Dieu qui sait ce dont nous avons
besoin.
Et Jésus de nous renvoyer quelques questions
: « Ne valez-vous pas plus qu’eux
[les oiseaux du ciel] ? » ; « Qui
d'entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ?
» ; « [Dieu] ne ferait-il pas davantage
pour vous, hommes de peu de foi ? » S'il nous paraît évident de percevoir
quelle peut être la réponse à ces questions, il n'en demeure pas moins que dans
la vie de tous les jours il est difficile de ne pas être préoccupé du
lendemain. Face à une personne en difficulté, il paraît déplacé de lui dire : «
Ne vous faites pas tant de soucis pour
demain : demain se souciera de lui-même ».
Où Jésus veut-il en arriver ? Nous sortir de
notre condition humaine ? Certainement pas ! Mais une nouvelle fois Jésus nous
place face à nos priorités. Que les païens – ceux qui ne croient pas en Dieu –
se soucient de ce qu'ils vont manger, boire ou avec quoi ils vont s'habiller,
c'est normal. Mais celui qui choisit de servir Dieu décide de chercher d'abord
le Royaume et sa justice. La pointe de la parabole de Jésus est dans ce
‘d'abord’. Dans la manière de construire ma vie, ma priorité est-elle d'abord
le royaume de Dieu ou l'assurance de ma propre vie. « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'Argent. »
Que signifie « chercher d'abord le Royaume de Dieu ? » En nous détournant de Dieu,
nous sommes bien souvent prisonniers de nos peurs : peur de l'avenir, peur de
l'autre, peur des imprévus… Chacun de nous espère une vie en quête de sécurité.
Cela est légitime. Mais cette recherche risque de nous recentrer sur nous-mêmes
car elle nous lance dans une maîtrise des choses. Or « nous savons que tout concourt aux biens de ceux qui aiment Dieu »
(Romains 8,28). Notre vraie force, pour ne pas dire notre seule force, est dans
l'amour que nous puisons en Dieu, dans la confiance qu’il nous accorde
gratuitement et sur laquelle nous pouvons toujours nous s'appuyer.
Cette confiance ne nous détourne ni de nos
responsabilités, ni des compétences à acquérir, ni des techniques à
maîtriser... Mais nous savons bien que chaque fois que l'homme se met au centre
de l'univers qu'il construit, il arrive inexorablement que, peu à peu, il en
vient à exclure ceux qui ne correspondent pas à ses vues. Bâtir sa vie sur la
confiance en Dieu et la confiance de Dieu ne peut, à l'inverse, que nous
engager à construire un monde où tout homme est accueilli et respecté pour
lui-même, puisque la confiance de Dieu est la même pour tous.
« Chercher
le Royaume de Dieu », c'est œuvrer pour un monde plus juste et plus
fraternel, celui décrit par les Béatitudes et dont la Loi est celle enseignée
par Jésus, avec l'assurance que Dieu ne nous abandonnera jamais (cf. 1ère
lecture). Puisque Dieu n'oublie personne, personne ne peut ignorer son frère. À
travers cette parabole, Jésus nous met en garde contre un souci qui nous
replierait sur nous. Nous qui mettons tant d'énergie à vouloir que notre vie
soit épanouissante et heureuse, comment se fait-il que nous soyons si peu
préoccupés par la recherche du Royaume de Dieu, ce Royaume qui n'est pas une
utopie pour un avenir lointain mais l'adhésion à une personne, le Christ.
Le psalmiste affirme : « Je n'ai de repos qu’en Dieu seul, mon salut
vient de lui. Lui seul est mon rocher, mon salut, ma citadelle : je suis
inébranlable ». Puisse cette conviction décider nos choix.
Père Bruno