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Septième dimanche du temps ordinaire                19 février  2012

« Voici que je fais un monde nouveau » (1ère lecture). Telle est solennellement la déclaration que Dieu nous fait aujourd’hui à travers le prophète Isaïe. Le verbe est au présent, témoignant d’une action continuelle de Dieu, sans condition et sans limitation. C’est dans la vie de chacun que Dieu veut faire aujourd’hui du nouveau. Pourtant, Dieu aurait toutes les bonnes raisons de se décourager de nous. « Par tes péchés, tu m’as traité comme un esclave ; par tes fautes tu m’as fatigué », constate le Seigneur. Mais il ne nous en tient pas rigueur. Au contraire, à cause de lui, c’est-à-dire à cause de la fidélité de son amour pour sa création, il ne veut plus se souvenir de nos péchés ; il pardonne nos révoltes.

Le drame de l’homme n’est donc pas tant d’être pêcheur que de ne pas vouloir accueillir le pardon. Bien souvent, nous estimons ne pas en avoir besoin, d’autant que nous perdons la conscience de ce qu’est le péché contre Dieu. C’est bien ce sentiment qui aurait pu habiter ce paralysé de l’évangile. Son problème à lui, ce n’est sans doute pas son péché mais son handicap physique. Par chance, la nouvelle du retour de Jésus à Capharnaüm est venue jusqu’à lui. Et quelques-uns de ses amis acceptent de le porter jusqu’à la maison.

Il ne manque pas d’obstacles, en effet, pour permettre à cet homme infirme d’arriver jusqu’à Jésus. Il est dépendant d’autres pour faire le chemin et il n’y a plus de place pour entrer dans la maison. Qu’à cela ne tienne ! Il a la chance de trouver quatre hommes qui vont le conduire et qui n’hésitent pas à le hisser sur le toit pour le descendre aux pieds de Jésus. Quand trop souvent nous préférons avancer tout seul, voire même penser changer par notre seule volonté, ce texte d’évangile est une invitation à considérer les personnes sur qui nous acceptons de nous appuyer pour avancer. Avons-nous cette humilité de demander à d’autres de nous aider à progresser ?

Jésus est admiratif d’une telle démarche qui témoigne de la foi de ces hommes. Foi en quoi, en qui ? Le texte ne le dit pas. Peut-être tout simplement foi en la vie que Jésus peut restaurer. Mais voilà que la parole de Jésus est en décalage avec l’attente probable de l’homme couché. Il aurait aimé marcher, il se retrouve pardonné. Il n’était sans doute pas venu pour cela et aurait pu s’étonner, réagir, voire même protester. Ce n’est pas lui qui râle mais ceux qui sont témoins de la scène. Ils raisonnent en eux-mêmes. C’est dire s’ils sont incapables de s’ouvrir à la nouveauté qui s’opère devant eux. « Voici que je fais un monde nouveau… »

Nous ressemblons à ces scribes chaque fois que nous estimons que nous n’avons pas besoin du pardon de Dieu. À quoi bon ?, nous arrive-t-il de penser. A quoi bon accueillir la miséricorde de Dieu ? À quoi bon se reconnaître pêcheur devant Dieu ? Or la force du pardon est une force de résurrection : « Lève-toi ! » Tout comme la force de la parole de Jésus réveille la vie paralysée en cet homme, la force du pardon de Dieu réveille l’amour qui est dénaturé par notre péché. Le pardon de Dieu exprime la confiance qu’il nous renouvelle, la confiance en nous et en l’avenir que nous pouvons construire, libérés de ce qui nous empêche d’aimer en vérité. « Prend ton brancard, et marche ! » « Prends ta vie en main et croit au possible qui est en toi ! »

Nous serons toujours maladroits à aimer Dieu, les autres et soi-même. Ce n’est pas une question de volonté. Nous ne pouvons aimer gratuitement qu’en accueillant l’amour gratuit. Seul Dieu nous aime de la sorte. Tel est le pardon, le par-delà du don, le don poussé à l’extrême de l’amour de Dieu. Pourquoi nous priver d’une telle espérance ? Soyons comme cette foule de la maison qui est dans l’action de grâces. Oui, « nous n’avons jamais rien vu de pareil », un Dieu blessé par l’homme qui lui pardonne sans compter et sans exiger de lui qu’il ne soit plus pêcheur.

« Ma faute toujours devant moi », dit le psaume (Ps 51 [50], 5)  et Dieu se révèle toujours à nous comme un Dieu « qui pardonne toutes (nos) offenses », « lent à la colère et plein d’amour » (Ps 103 [102], 3.8). Ce qui ne veut pas dire que son pardon nous affranchit de notre responsabilité et de notre décision à nous engager dans une vie qui témoigne de la miséricorde reçue. Dans quelques jours nous allons entrer dans le temps du Carême. Souhaitons que ce temps soit vraiment l’occasion pour nous de redécouvrir et de vivre la force du pardon de Dieu. Nous entendrons cet appel de Paul le mercredi des Cendres : « Si donc quelqu'un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né… Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 17.20).

C’est par son pardon que Dieu fait un monde nouveau, qu’il nous renouvelle de l’intérieur. Osons de tout notre cœur dire « oui » au Dieu fidèle. Ne soyons pas tièdes à dire tantôt « oui » tantôt « non » (cf. 2ème lecture). Mais par le Christ, unis à lui, que notre vie soit un « oui » à Dieu, un « amen » à sa proposition du neuf qu’il veut réaliser en nous par la grâce de son pardon, par son amour miséricordieux.

Père Bruno