Septième dimanche du temps ordinaire
Année A 20 février 2011
Les textes du jour
L'Evangile de ce dimanche est la suite du
commentaire de la Loi que Jésus fait sur la montagne. Nous retrouvons la même structure
que dimanche dernier : « Vous avez
appris… eh bien moi je vous dis ». Rappelons-nous que ce que nous dit Jésus
est un accomplissement : « Je ne suis pas
venu abolir mais accomplir » (évangile de dimanche dernier). L'enseignement
de Jésus est le chemin par lequel l'homme s'accomplit et devient vraiment le
fils du père qui dans les cieux (cf. évangile).
Une fois de plus, ce que nous dit Jésus peut
sembler terriblement exigeant puisque la conclusion de son discours est : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est
parfait », qui reprend l’affirmation de Dieu dans le livre des Lévites : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre
Dieu, je suis saint » (1ère lecture). La seule perfection qui soit en Dieu
est celle de l'amour parce que Dieu est amour (la sainteté de Dieu est son
amour sans limite). Jésus nous enseigne comment aimer à la manière de son Père
et ainsi être vraiment fils.
Il commence par évoquer la loi du talion : «
Œil pour œil, dent pour dent ». Cette
loi invite à pratiquer dans les rapports humains une stricte loi d'équivalence
: la riposte doit être à la mesure de l'agression et une fois l'agression
identique retournée, l'équilibre sera rétabli. Mais Jésus nous entraîne à
dépasser cet équilibre pour stopper la spirale de la violence. C'est le fameux
adage bien connu : « Si quelqu'un te
gifle sur la joue droite, tends-lui encore l'autre ».
Cela pourrait passer pour un signe de
faiblesse mais souvenons-nous que lorsque le garde du Grand Prêtre gifle Jésus
durant son interrogatoire, Jésus ne riposte pas : « Si j'ai mal parlé, montre-moi en quoi ; si j'ai bien parlé, pourquoi me
frappes-tu ? » (Jean 18,23). Par sa réponse, Jésus n’agresse pas celui qui
l’a frappé. Tendre l’autre joue consiste à exposer une vulnérabilité
volontaire, à montrer que rien ne peut affecter la charité qu’on a pour
l’autre. Tendre l’autre joue consiste à dire au méchant qu’il est considéré
comme un frère. Ainsi, l’acte de violence est désamorcé de l’intérieur par un
geste d’abandon confiant. Seule la confiance peut conduire à l’amour.
De même, celui qui use du pouvoir. Le procès
représente la puissance de la justice des hommes qui quantifie le mal. En cela,
elle peut être rapprochée de la loi du talion. Or Jésus veut sauver l’homme. Sa
réponse est celle d’un surcroît de l’amour, d’une surenchère du don. Combien
faut-il donner à celui qui veut prendre ? Davantage ! Le chemin de l’amour est
plus profitable que celui de la puissance. C’est la même attitude que Jésus
propose face à celui qui réquisitionne pour faire mille pas. Celui qui donne
son manteau en plus de sa tunique, ou offre deux mille pas à celui qui en
impose mille, témoigne d’un amour qui va au-delà de ce qui est demandé, d’un
amour qui se déploie gratuitement.
Cet amour est aussi à destination de nos
ennemis. Jésus ne dit pas : « n'ayez pas
d'ennemis » mais « aimez vos ennemis,
et priez pour ceux qui vous persécutent ». Autrement dit, face à ceux qui
nous font du mal, Jésus nous demande de manifester une attitude qui ne réduit
pas l'autre au mal qu’il nous fait. D’ailleurs Jésus lui-même n’ignore pas
qu’il y aura toujours des personnes méchantes. Mais il nous assure que son Père
aime tous les hommes de la même manière, lui qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons »
(évangile).
Nous expérimentons facilement combien il
nous est difficile d’aimer de la sorte et nous nous retrouvons sans doute assez
bien dans la catégorie de ceux qui aiment uniquement ceux qui les aiment.
L’idée même que Dieu puisse nous aimer autant que notre pire ennemi, que le
pire des tortionnaires, peut nous sembler insoutenable. Si Dieu n’aime pas le
péché, il aime le pécheur, quelque soit le mal qu’il ait commis, car il ne fait
pas de différence entre les hommes. C’est pourquoi, celui qui veut être
disciple du Christ ne peut limiter son amour à certains plus qu’à d'autres. Il
est appelé à entrer progressivement dans un amour qui soit le reflet de l’amour
que le Père a pour chacun.
Cela peut nous sembler être une folie ! Mais
la sagesse de Dieu est folie pour les hommes. Comment vivre une telle exigence
? Saint-Paul nous redit que nous sommes au Christ (2ème lecture). C'est donc en
contemplant la manière dont le Christ lui-même a vécu son enseignement face à
celui qui le giflait, lui faisait un procès, le persécutait, que peu à peu, en
nous unissant à lui, nous deviendrons capables d'aimer comme lui. Jésus nous le
commande : « Aimez-vous les uns
les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15,12). L’emploi du ‘comme’ ne
signifie pas une imitation mais un attachement au Christ pour qu’avec lui nous
vivions un amour mutuel.
Mettre en œuvre dans le concret de sa vie
cette page d’Evangile suppose de considérer d’abord comment le Christ la vit
avec moi : lorsque je m’enferme dans mon péché, il m’offre la surabondance
de son pardon, lorsque j’exige quelque chose de lui, il m’offre sa vie. « Rien ne pourra nous séparer de l'amour de
Dieu » (Romains 8,39). C’est en accueillant cette démesure de l’amour
de Dieu dans notre vie que peu à peu nous grandirons dans un amour gratuit pour
nos frères. C’est alors que nous serons vraiment les fils de notre Père,
parfaits comme lui-même est parfait.
Père Bruno