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 Cinquième dimanche du temps ordinaire

 Année A              6 février 2011

Jésus est affirmatif : ses disciples, donc chacun de nous, sont sel de la terre et lumière du monde. C'est un fait et non un devenir (Jésus aurait dit alors : vous deviendrez sel, lumière), pas plus qu'une conséquence (Jésus aurait dit alors : vous êtes sel, lumière, si…). Cette affirmation de Jésus entraine une double conséquence : le disciple doit faire attention à ne pas se dénaturer et il doit être visible.

Le sel est ce qui donne du goût. A l’époque de Jésus on utilise également le sel pour conserver. Le disciple est là pour conserver. Conserver quoi ? L'Alliance que Dieu veut pour son peuple. En effet, la terre est bibliquement le lieu de la rencontre de Dieu avec l'homme, le lieu donné par Dieu à son peuple. La terre est ainsi l’expression de la promesse, celle promise à Abraham lorsque Dieu fait alliance avec lui.

La mission du disciple est donc de traduire par toute sa vie l'Alliance entre Dieu et l'humanité. Dieu a pris l’initiative de rejoindre l'homme pour lui donner sa vie. Le disciple n'est donc pas seulement celui qui fait pour Dieu mais celui qui laisse Dieu faire avec lui. C'est cela être sel de la terre. Se dénaturer, c'est être soi-même tiède dans sa relation avec Dieu, ce qui a pour conséquence que cette relation devienne insignifiante, ne soit plus signifiante ni pour le disciple ni pour ceux qu'il rencontre. Le disciple n'a plus alors sa raison d'être et se retrouve, de son fait, dehors, c'est-à-dire hors de la relation.

La lumière, quant à elle, illumine le monde. Le monde est l'ensemble de l'humanité. Être lumière du monde c’est rayonner par toute sa vie et à tous les hommes la vraie lumière qu’est le Christ : « Je suis la lumière du monde » (Jean 8,12). La mission du disciple est d'être pour tous visage du Christ. C'est alors en voyant ce qu'il fait de bien que les hommes reconnaissent à travers lui le Fils et « rendent gloire au Père qui est aux cieux ». Ce n’est pas nos actions que nous devons faire luire devant les hommes, mais notre lumière. Faire luire ce que nous faisons mettrait l’accent du mauvais côté et ne conduirait qu’à glorifier l’homme. Ce que nous avons à chercher, ce n’est pas de mettre en valeur des œuvres, mais d’attacher la plus grande importance au témoignage pour Dieu de telle sorte qu’à travers ce que nous faisons ce soit lui qui soit reconnu.

Pour autant, être sel de la terre et lumière du monde ne peut être pour le disciple un motif d'orgueil. En effet lorsqu'un plat est apprécié personne ne s'extasie sur le sel – alors qu'on est sensible sil y en a trop ou pas assez ! –. De même lorsqu'une pièce est bien éclairée, personne ne s’extasie sur la lumière – alors que là encore on est sensible s’il y en a trop ou pas assez –. Le sel met en valeur l'aliment, la lumière met en valeur l'objet qu'elle éclaire. Etre disciple c’est mettre en valeur non pas soi-même mais Dieu ou l'autre.

Cette mission est à vivre avec humilité, dans le concret de toute situation. C'est déjà ce qu'exprimait le prophète Isaïe. La première partie du texte qui se termine par « la lumière jaillira comme l'aurore » est un impératif. Il y a nécessité de partager son pain, de recueillir le malheureux, de couvrir celui qui est démuni, de se rendre proche de son semblable. Cela incombe à tout homme. Cette manière de se rendre disponible pour l'autre, de tout mettre en œuvre pour qu'il vive dignement, donne des forces à celui qui donne de lui-même. Telle est la lumière qui jaillit !

Le disciple est appelé à aller encore plus loin, confiant dans la certitude de Dieu à ses côtés : « Si tu cries, il dira : ‘Me voici !’ ». Sa force n'est plus alors lui-même mais Dieu. Il n'est plus question simplement pour lui de servir la vie de son semblable mais de faire reculer ce qui est entrave de la vie : faire disparaître le joug, donner – et non plus seulement partager – son pain, combler les désirs du malheureux. Ce n'est plus un impératif mais le désir de Dieu : « Si tu… ». C'est alors que le péché recule, que l'obscurité devient lumière, que la lumière se lève dans les ténèbres. Être lumière, c'est engager sa vie dans un combat incessant contre toute forme de ténèbres.

Comme Saint Paul le dit lui-même, il ne s'agit pas de tenir « le langage d'une sagesse qui veut convaincre », mais de laisser l’Esprit et sa puissance se manifester à travers nous. Comment tenir cette exigence ? En ne connaissant rien d'autre que Jésus Christ, le Messie crucifié. C'est enraciné au Christ, Messie crucifié, que nous sommes sel de la terre et lumière du monde.

Père Bruno