Quatrième dimanche du temps ordinaire
Année A 30 janvier 2011
Les textes du jour
Décidément, la logique de Dieu n'est pas la
nôtre ! Saint Paul le dit clairement : Dieu a choisi ce qu'il y a de fou dans
le monde, ce qu'il y a de faible, ce qui est modeste et méprisé. Le fou couvre
de confusion le sage, le faible celui qui est fort, ce qui n'est rien pour
détruire ce qui quelque chose (cf. 2ème lecture). Un chef d'entreprise qui
embaucherait quelqu'un selon ces critères irait à sa perte alors que Dieu qui
appelle ainsi conduit le monde a son salut. Comment ?
C'est grâce à Dieu que nous sommes dans le
Christ qui est notre sagesse. Tant que nous imaginons pouvoir réussir tout seul
notre vie nous nous trompons. La sagesse du monde est souvent celle du fort,
celle de celui qui domine. La sagesse de Dieu, en Christ, est celle du faible,
celle du méprisé qui met sa confiance en Dieu. Le prophète Sophonie, au VIe
siècle avant Jésus-Christ, invitait déjà Israël à vivre cette attitude : « Cherchez l'humilité » et il ajoutait
également : « Cherchez la justice »
(1ère lecture).
Nous ne pouvons être justes avec les autres
que si nous commençons par être humbles. Mettre son orgueil en soi-même conduit
bien souvent à l'iniquité, au mensonge, pour rester conséquents avec soi-même.
Mettre son orgueil dans le Seigneur conduit à la vérité. En effet, si je mets
mon orgueil dans ce que je suis je ne supporte pas d'être pris en défaut et
cette logique conduit alors à ignorer, dominer, voire même écraser les autres.
Au contraire, si je suis humble j'accepte alors de recevoir des autres pour à
mon tour leur donner ce que je suis. « Celui
qui veut s'enorgueillir, qu'ils mettent son orgueil dans le Seigneur »
(2ème lecture).
C'est cette logique divine qui nous permet
de comprendre la dynamique des Béatitudes. Même si le texte est connu, l'emploi
du futur pour la plupart de ces Béatitudes devrait nous heurter. Quel est donc
ce bonheur qui semble promis dans un avenir lointain ? Si ce bonheur n'est pas
pour aujourd'hui, les Béatitudes ne serait-elle pas alors une illusion pour
tenir dans le temps présent ?
Chaque Béatitude fait écho à une attitude du
cœur. Explicitement il y a les pauvres du cœur et les cœurs purs. Mais la
douceur, la compassion, la miséricorde témoignent également d'une attitude
intérieure. Quant à la faim et la soif de justice, la construction de la paix,
la persécution pour la justice et les insultes à cause du Christ, si elles
évoquent un art de vivre, elles supposent également un cœur capable de
discerner ce qui est injuste, porté par la haine ou le mensonge. Ainsi donc,
sont heureux ceux qui développent une façon d'être présents aux autres et non
une manière de faire quelque chose.
Chacune de ces attitudes traduit un
décentrement de soi pour se centrer sur les autres. Sont heureux non pas ceux
qui s'appuient sur des convictions mais ceux qui se tournent humblement vers
les autres. Les Béatitudes sont l'illustration de la prophétie de Sophonie et
de l'enseignement de Paul. L’emploi du futur n’exprime pas un avenir incertain
mais une réalité toujours en devenir : se tourner vers les autres nécessite
toujours un déplacement, une sortie de soi jamais achevée. C'est pourquoi le
mot « heureux » dit littéralement « en marche ».
Seul le Christ a pleinement vécu chacune de
ses Béatitudes ; elles en sont l'autoportrait. Matthieu les place au début du
ministère public de Jésus ; elles inaugurent le sermon sur la montagne. Elles
sont « la perle de l'Évangile », « un phare qui éclaire tout l'Évangile »
(cf. Lettre pastorale du Cardinal Barbarin, L’Eglise
une servante, novembre 2010, p.194-195). Il est important de méditer les
Béatitudes en commençant par s'arrêter sur la manière dont Jésus a vécu chacune
d’elles à travers les rencontres qu'il a faites. Puis d’en choisir une à vivre,
comme la porte d’entrée des autres.
Ces Béatitudes sont pour chacun un chemin de
vie à vivre à la suite du Christ. A leur écoute, nous découvrons qu’un trésor
est enfoui dans le champ de notre quotidien, et qu’il ne dépend que de nous de
le trouver. Jésus nous dit que nous sommes « heureux », non pas malgré nos
pauvretés, nos larmes, nos efforts de vivre dans la justice et de garder un
cœur pur au milieu de l’immoralité généralisée, notre volonté de pardonner et
de faire la paix dans un monde de loups, non pas malgré les humiliations subies
en raison de notre appartenance au Christ ; mais que le bonheur se trouve tout
au contraire au cœur même de ces situations d’échec apparent, dès lors que nous
décidons de les vivre à la lumière de l’Évangile.
Père Bruno