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33ème dimanche du temps ordinaire                14 novembre  2010

Quel étrange discours que celui de Jésus dans l'Évangile de ce dimanche : il parle de destruction, de guerres, de tremblements de terre, de trahisons à l’intérieur même de la famille. Tout cela pour conclure que « pas un cheveu de notre tête ne sera perdu ». Voilà un enseignement qui peut paraître alarmiste.

La première lecture nous apporte un éclairage. Malachie évoque le Jour du Seigneur, « brûlant comme une fournaise ». Ce jour-là verra se lever le Soleil de Justice qui apportera la guérison et consumera tous ceux qui commettent l'impiété. Le Jour du Seigneur exprime dans la Bible la notion d'un jugement final qui interviendra avant l'accomplissement du temps. Ce jour-là tout mal sera définitivement détruit et seule la vie resplendira éternellement. Tout homme prendra alors réellement conscience du mal qu'il a commis et devra se laisser purifier par l'amour miséricordieux de Dieu pour entrer dans la vie éternelle. Car Dieu est le Dieu des vivants, comme l'a rappelé l'Évangile de dimanche dernier.

Il nous appartient dès maintenant de nous ouvrir à cette vie que Dieu veut pour nous et de tout mettre en œuvre pour la servir en soi et en chacun de nos frères : « c'est par la persévérance que vous obtiendrez la vie » (Évangile). C'est dans cette perspective que nous pouvons mieux comprendre la portée de l'enseignement de Jésus. Mais de quelle vie s’agit-il ?

Jésus commence par évoquer trois formes de toute-puissance : la toute-puissance sur Dieu, à l'image de celui qui se donne une mission de prophète : « beaucoup viendront sous mon nom en disant : ‘c'est moi’ » ; la toute-puissance sur les autres, à l'image de ceux qui font la guerre pour dominer les autres ; la toute-puissance sur la création, or celle-ci ne sera pas épargnée et connaîtra des faits terrifiants – une façon de dire que Dieu n’est pas dans ces faits mais que la création est marquée par la finitude –. Jésus affirme ainsi que la volonté de toute-puissance ne donne pas la vie à celui qui l’exerce.

Il est important que nous apprenions à repérer en nous cette volonté qui correspond aussi à un désir de maîtriser : vouloir être l’auteur de sa propre vie, vouloir diriger la vie des autres, refuser la finitude de ce que nous sommes et de notre monde. Nous percevons bien qu'il y est de plus en plus courant de vouloir toujours plus, tout de suite. Une telle logique nous illusionne sur nous-mêmes et ne peut que générer une forme d'exclusion envers ceux qui, à nos yeux, sont « moins ». Elle centre chacun sur soi et sur ses intérêts particuliers. En aucun cas nous obtiendrons ainsi la vie !

Jésus évoque ensuite ceux qui sont persécutés en son Nom, y compris dans une même famille. Ceux qui agiront ou parleront à cause de son Nom doivent s'attendre au pire : ils seront persécutés, livrés, détestés, mis à mort. Leur seule arme est dans la certitude que la présence du Christ à leurs côtés ne peut leur faire défaut : il leur inspirera « un langage et une sagesse » à laquelle personne ne pourra résister. C’est d’ailleurs le chemin que Jésus lui-même a vécu : le disciple n'est pas au-dessus du maître.

Jésus insiste sur le fait que nécessairement le croyant est un homme de contradiction et non de compromission. C'est à se demander quel avantage y a-t-il à s'engager sur une telle voie si c'est pour connaître le rejet jusque dans sa propre famille ? « C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. » C'est vrai, à horizon humain, un tel projet n'a aucun sens ! Mais ce qui sagesse pour Dieu et folie pour les hommes (cf. 1 Co 1,25). L’horizon de notre vie est Dieu lui-même et ce temps qui nous est donné aujourd'hui nous prépare à enraciner notre vie quotidienne dans notre foi, notre espérance et notre charité : tout le reste sera détruit ! L'amour jamais ne passera. Voilà par quoi nous obtiendrons la vie !

Par-delà le genre apocalyptique du discours de Jésus, l’Évangile de ce dimanche est un appel pressant à nous interroger sur les priorités que nous nous donnons aujourd'hui pour vivre dès maintenant de la vie même de Dieu. Le futur du monde nouveau ne nous appelle pas à démissionner du présent de nos existences. A ceux qui, dans l’attente de la venue du Seigneur dans la gloire, ne se sentaient plus dans l’obligation de travailler et se retrouvaient plongés dans l’oisiveté, saint Paul n’hésitait pas à dire : « A ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné. » (2ème lecture)

Au cœur de nos vies s’entrecroisent le monde présent et le monde à venir, un monde passager, limité, marqué par le péché et le royaume de l’infini et du toujours, le monde futur vers lequel nous nous dirigeons. De ces deux mondes, nous sommes citoyens. Il s’agit de vivre le présent de notre existence en fidélité à l’espérance de notre vie future. Un choix à toujours refaire : « C’est par la persévérance que vous obtiendrez la vie. »

Père Bruno