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 Trente deuxième dimanche du temps ordinaire

 Année A              6 novembre 2011

 Une lecture rapide de cet évangile peut susciter un étonnement, voire un agacement. Jésus serait-il en train de valoriser l'attitude de ces jeunes filles qui ne veulent pas partager leur huile : « Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous ; allez plutôt vous en procurer chez les marchands ». Il convient donc de remettre cette parabole dans son contexte.

Jésus enseigne dans le Temple et dénonce l'attitude des pharisiens qui sont enfermés dans un légalisme et refusent de s'ouvrir à sa présence. Souvenons-nous de l'Évangile de dimanche dernier : « N'agissez pas d'après leurs actes... » Il y a quelques dimanches nous entendions la parabole des invités aux noces du roi où tous, bons et méchants, étaient invités, mais où chacun était appelé à se reconnaître invités, à revêtir l'habit de noces (cf. Matthieu 22,1 – 14). Ce dimanche, il est encore question de noces, mais c’est l’attente de l’époux qui est mise en avant. C’est la réalité de ce nous vivons : nous attendons le retour du Christ, et Jésus nous donne cette parabole pour nous enseigner comment vivre cette attente.

Nous avons parfois une lecture moralisante de l'Évangile. Notre étonnement devant la réponse des jeunes filles prévoyantes est induit par cette lecture : « il faut partager avec les autres ! » Nous avions déjà rencontré cette difficulté il y a quelques dimanches avec les ouvriers de la dernière heure : « ce n'est pas juste de payer les derniers autant que les premiers » (cf. Mathieu 20,1 – 16). Pour comprendre cet Évangile nous devons commencer par nous interroger : y a-t-il une chose qui soit nécessaire pour être disponible lorsque l'époux arrivera et qui ne peut pas être partagée ?

La première lecture donne quelques éléments de réponse à travers l'éloge qu’elle fait de la sagesse, « resplendissante », « inaltérable ». Le sage, dans la tradition biblique, n'est pas celui qui ne fait pas de bêtises : il est celui qui vit avec fidélité se relation au Seigneur. La sagesse est un art de vivre qui « commence avec la crainte du Seigneur » (Psaume 111, 10). Le mot « crainte » est à prendre dans le sens de respect et de reconnaissance. La foi n'est pas une idée à acquérir, elle engage un comportement pour traduire en acte l’amour dont Dieu nous aime.

C'est ce que l’auteur biblique appelle à la sagesse : celui qui la cherche la trouve, assise à sa porte. Chaque fois que les hommes pensent à elle, elle vient à leur rencontre (cf. 1ère lecture). Nous voyons dans la première lecture que la sagesse est personnifiée. Les premiers chrétiens l’ont très vite identifiée à la personne même du Christ, l'époux dont parle l'Évangile. L'époux se laisse trouver par ceux qui le cherchent. Encore faut-il que nous ayons le désir de chercher le Christ, et l’ayant trouvé, de mettre en pratique son enseignement dans la vie de tous les jours.

Les cinq jeunes filles "insensées" ne sont pas seulement des étourdies et des imprévoyantes. La traduction du mot ne rend pas bien compte de la réalité. Elles sont comme cet homme « insensé » – c’est le même mot – qui construit sa maison sur la sable est introduite par « Ce jour-là, beaucoup me diront : 'Seigneur, Seigneur’… Alors je leur déclarerai : 'Je ne vous ai jamais connus’ » (Mt 7, 23-23), qui n’est pas sans rappeler la parabole de ce dimanche. Jésus oppose donc deux catégories de personnes : la personne prévoyante qui vit avec un cœur attentif, tendu, vers Dieu et la personne insensée qui vit sans ouvrir son cœur à la présence de Dieu.

Les filles prévoyantes vivent avec la Sagesse. Elles ont le goût d’axer leur vie sur l’époux. Les filles insensées demandent de l’huile, mais à quoi servirait-elle puisque leur cœur n’y était pas? Endormies ou éveillées, elles vivent sans vraiment désirer rencontrer l’époux. Et nous-mêmes ? Avons-nous le désir de rencontrer le Christ, non pas seulement après notre mort mais en le cherchant dans le quotidien de nos activités ? Vivre chaque jour avec la volonté d’entretenir une relation amoureuse avec Dieu. C’est alors que s’ouvrira la porte pour que nous puissions participer aux noces éternelles.

Nous risquons tous de nous laisser gagner par le sommeil. L’usure du temps, la fatigue, la routine, la souffrance endorment notre foi et notre espérance. Nous nous installons dans l’insouciance et nous oublions celui qui donne son vrai sens à notre vie. Il ne nous suffit pas d’être invités pour entrer, il faut surtout être prêts. Les sages, les prévoyants, les avisés, sont ceux et celles qui ont choisi de vivre chaque jour en demandant au Seigneur un cœur large et généreux pour le reconnaître présent et agissant.

Cette parabole est pour chacun d’entre nous une forte invitation à nous décider dès maintenant à accueillir la venue du Seigneur dans notre vie. La vie éternelle – les noces de l’Evangile – n’est pas une vie qui débute après notre mort, elle est dans la continuité de notre vie d’aujourd’hui, vécue en nous donnant les moyens concrets de chercher Dieu en toutes choses et de retrouver toutes choses en Dieu.

Père Bruno