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 Trente et unième dimanche du temps ordinaire

 Année A              30 octobre 2011

Depuis cinq semaines, saint Matthieu nous décrit la polémique entre Jésus et les pharisiens : nous avons lu la parabole des deux fils (celui qui dit oui mais ne fait rien puis celui qui dit non mais qui répond à l’appel du Seigneur). Puis nous avons entendu la celle des vignerons homicides, celle des invités désinvoltes, la question sur l’impôt à César. Dimanche dernier, Jésus était interrogé sur le grand commandement.

Aujourd’hui, nous entendons le Christ qui invective vigoureusement les pharisiens. Il dénonce ce qu’on pourrait appeler "les pièges de l’autorité". Il n’accuse pas les pharisiens mais refuse leur attachement à la loi pour la loi jusque dans les moindres détails. Avec leur satisfaction d’être du côté des bons, ils semblent mépriser le petit peuple qui ne connaît pas la loi et ne la pratique pas. Mais sous un masque de justice, c’est l’hypocrisie qui se cache. C’est la lettre qui tue l’esprit. Ils n’oublient qu’une chose : Dieu voit ce qu’il y a dans le cœur de chacun.

Ce que Jésus dénonce, ce n’est pas leur message. Il ne leur a jamais reproché de dire la loi. Il leur fait simplement remarquer que leur vie n’est pas en accord avec leurs paroles. Ils enseignent la loi mais ne l’observent pas. Ils sont très exigeants pour les autres, ils leur imposent de lourds fardeaux ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Ils aiment paraître pour être remarqués des hommes. Leur but, c’est d’attirer la considération et l’intérêt des autres. Au lieu de guider le peuple qui leur est confié, ils ne pensent qu’à eux-mêmes.

Ne faisons pas dire aux paroles de Jésus autre chose que ce qu’elles expriment au moment où il les prononce et à l’égard de qui il prend position. Il ne récuse pas l’autorité des scribes et des pharisiens. Quand elle s’appuie sur l’autorité de Moïse et qu’ils l’enseignent d’une manière authentique, on ne peut mettre en doute la valeur de cet enseignement. « Pratiquez donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire. »

Ce qui est en cause, c’est la manière dont ils vivent cette Loi qu’ils enseignent. « Ils disent et ne font pas. » ou, plus exactement ils pervertissent l’Alliance dont ils sont les témoins et les messagers. Malachie ne dit pas autre chose aux prêtres de son temps : « Vous avez perverti mon alliance avec vous. Vous n’avez pas suivi mes chemins. Vous avez agi avec partialité en accommodant la Loi » (1ère lecture). Par leur manière d’agir, en effet, les Pharisiens du temps de Jésus trahissent le Peuple de Dieu dont ils sont les membres, sans n’être rien de plus que les autres, sinon le fait d’être des serviteurs de la Loi.

Or ils agissent comme séparés de ce peuple, dispensés des exigences qui les concernent tout autant. Leur attitude induit la question que se posait déjà Malachie : « Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’alliance de nos pères ? » (2ème lecture). Grande est leur responsabilité puisqu’ils doivent en être les serviteurs. Pour cette raison, le reproche du Christ est grave. Non seulement ils ne sont plus les serviteurs de la Loi, mais ils l’utilisent à leur service en se parant de titres qui ne sont dûs qu’à Dieu. Plus encore ils agissent en son lieu et place par des commandements qu’ils ajoutent aux commandements de la Loi donnée par Dieu.

Le vrai message de l’évangile de ce dimanche ne se réduit pas à une question de vocabulaire. Il n’est pas question de cesser de saluer un prêtre du nom de "Père" ou un religieux du nom de "maître des novices". Mais c’est à chacun de vivre au quotidien le reflet de l’amour de Dieu tel que le Christ nous l’a reflété en sa vie. Pour le Christ, l’autorité n’est pas ni un pouvoir, ni un privilège. Elle doit être humblement assumée pour servir les autres.

Le contraste entre les Pharisiens et Jésus est signifiant jusque dans ses conséquences. Les Pharisiens utilisent leur pouvoir pour enfermer leurs frères dans des contraintes qui les rendent incapables d’accomplir la Loi authentique. Elle devient une entrave à leur liberté, enfermés qu’ils sont dans le savoir de ces spécialistes. C’est abuser de sa fonction d’enseignant que de s’ériger en maître parce qu’on est chargé de transmettre la Parole, la pensée et la volonté de Dieu.

L’autorité de Jésus est tout autre. Elle est exclusivement au service de la libération des hommes. Il pardonne, il guérit, il remet debout, il redonne un avenir, une chance, une capacité d’être responsable. Il s’est donné sur la croix pour le salut du monde. En lavant les pieds de ses disciples au soir du Jeudi Saint, il nous apprend à aimer et à nous mettre au service les uns des autres. « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur » (Evangile).

Dans la seconde lecture, saint Paul nous invite nous aussi à nous mettre au service des autres, avec douceur, sans être à charge et sans tirer profit des titres et fonctions. Notre mission est d’être frères, serviteurs de nos frères. C’est d’être humblement à l’écoute des tâtonnements de chacun, sans lui asséner nos certitudes de "maîtres". C’est non seulement « donner l’Evangile de Dieu » mais donner à nos frères « tout ce que nous sommes » (2ème lecture).

Père Bruno