Vingt neuvième dimanche du temps ordinaire 21 octobre 2012
Les textes du jour« Les
dix autres avaient entendu et ils s’indignèrent contre Jacques et Jean. »
Voilà bien une attitude humaine où se mêlent tour à tour le jugement et la
jalousie. Sans doute les dix ont interprété la demande de Jacques et Jean comme
une demande d’occuper les meilleures places. Or que commence par nous dire le
texte : « ils s’approchent de Jésus
». Leur désir est d'être proches, de rester proches de Jésus.
La relation qu'ils ont tissée avec lui
depuis de longs mois a fait naître en eux le goût d'une intimité profonde avec
« celui qui a les paroles de la vie
éternelle » (Jn 6, 68). Aussi quand ils ont déjà entendu plusieurs fois
Jésus annoncer sa mort de résurrection, leur désir est de participer à cette
glorification de Jésus pour rester proche de lui. Jésus le comprend bien
puisqu'il commence par leur demander : « Que
voulez-vous que je fasse pour vous ? »
Ainsi l'attitude de Jacques de Jean nous
renvoie à notre propre attitude envers Jésus, à notre désir de rester proche de
lui. C'est toujours au cœur de notre désir, même maladroit, que Jésus nous
rejoint. Il attend que nous lui formulions ce que nous voudrions qu'il fasse
pour nous afin d'agir en nous. Ne rien demander à Jésus, parfois même sous
prétexte qu'il sait mieux que nous-mêmes ce dont nous avons besoin – ce qui est
vrai –, c’est ne pas lui exprimer notre volonté de recevoir quelque chose de
lui. Demander pour soi au Seigneur c’est ouvrir notre cœur au possible de Dieu en soi dans un acte de
confiance, de foi.
Il est vrai que la demande de Jacques et
Jean est marquée par leur conception d'un messie puissant à la manière d'un roi
terrestre. Aussi veulent-ils siéger avec lui, au plus près de lui. Jésus va
s'employer à ajuster cette demande à sa vraie messianité mais il ne leur fait
aucun reproche. Même si nos demandes sont maladroites, c'est-à-dire mal
ajustées à ce que le Christ veut pour nous et avec nous, il ne nous juge pas
mais, patiemment, il commence par nous ajuster à lui. Nous pouvons nous
souvenir de la demande excessive de Pierre qui veut marcher sur les eaux. Jésus
y consent mais pour l'inviter à une plus grande foi : « Homme de peu de foi… » (Mt 14, 31).
Nous ne pouvons que nous émerveiller de
l'enthousiasme de Jacques et Jean prêts à aller jusqu’au bout – nous pourrions
ajouter, à faire tout ce qu'il faut – pour que se réalise leur demande. Leur
réponse spontanée : « nous le pouvons !
» reflète davantage leur emballement plus que la lucidité devant le chemin que
Jésus leur propose. Mais qu’importe ! Leur désir est là. Et Jésus alors de leur
faire comprendre que siéger à ses côtés n'est pas de l'ordre d'une récompense mais
d’un don gratuit à accueillir du Père. Jésus n'accorde pas une place mais
prépare notre cœur à accueillir ce que le Père désire pour nous.
Quant aux dix autres, ils restent au niveau
des apparences, comme bien souvent nous le faisons envers les autres. Nous les
jugeons à partir de ce que nous croyons percevoir d’eux. C'est alors que Jésus
va opérer un déplacement pour inviter chacun des Douze, chacun de nous, à une
juste attitude. Avec lui, il n'est de pouvoir que dans le service et non la
domination ; il n’est de grandeur que dans la petitesse et non dans la force ;
il n'est de relation que pour la multitude et non pour soi. C’est bien à ce
décentrement de nous-mêmes que Jésus nous appelle, rappelant une nouvelle fois
que le sens de sa mission est de donner sa vie et non de commander en maître.
Le mot "rançon" peut nous heurter.
Il signifie ce qui est donné pour la libération. En donnant sa vie, le Christ
libère la multitude – l'humanité – du péché qui la maintient captive. Cela fait
écho à la première lecture qui décrit celui que l'on nomme le Serviteur et qui
fait de sa vie un sacrifice d'expiation, expression qui signifie l’offrande de
sa vie pour le pardon des péchés de la multitude. La deuxième lecture complète
le poème du Serviteur en nous renvoyant au rituel de l'Expiation. Ce jour-là –
et ce jour-là seulement – le Grand-Prêtre – et uniquement lui – entrait dans la
partie la plus sainte du Temple, le Saint des Saints, où se trouvait l'Arche
d'Alliance, signe de la présence de Dieu au milieu de son Peuple. Il
s'agissait, une fois par an, de purifier, par le sang d'une victime offerte en
sacrifice, un lieu que les péchés du Peuple ont profané. D'autres passages de
la Lettre aux Hébreux, ces prochains dimanches, complèteront le portrait du
Grand-Prêtre et montreront en Jésus, le Grand-Prêtre accompli et, dans son
sacrifice, l'expiation parfaite.
Dieu, tout au long de l'histoire d'Israël,
se manifeste comme celui qui rachète son Peuple. Jésus accomplit ce rachat,
cette rédemption qui est le souci constant de Dieu pour tout homme, inconstant
dans sa fidélité à son égard. Jésus donne sa vie en rançon, en rédemption,
gratuitement, absolument. « Ma vie, nul
ne la prend, mais c'est moi qui la donne, afin de racheter tous mes frères
humains. » (cf. Jn 10, 18). Si nous sommes à même de mesurer toutes nos
résistances à donner notre vie, nous avons néanmoins à vérifier la façon
concrète dont nous décidons de servir nos frères, de servir la vie qui est en
eux.
Père Bruno