Vingt septième dimanche du temps ordinaire
Année A 2 octobre 2011
Les textes du jour
Voilà trois dimanches de suite qu'il est
question de vigne dans l'Évangile. Il y a quinze jours, nous entendions la
parabole des ouvriers de la dernière heure à travers laquelle s'exprimait le
désir du maître de la vigne – Dieu – que nous allions travailler à sa vigne, à
quelque heure que cela soit. Dimanche dernier, Jésus mettait davantage en avant
la réponse de l'homme à cette invitation : il y a celui qui dit "non"
et change d'avis, et celui qui dit "oui" et ne fait rien.
La parabole de ce dimanche insiste à nouveau
sur le soin avec lequel le maître de la vigne a planté sa vigne et la réponse
des vignerons lorsque ce même maître veut se faire remettre le produit de sa
vigne. Cette vigne que ce maître chérit tant est donnée en fermage à des
vignerons. C'est dire la confiance que ce maître met en ceux qui vont désormais
s'occuper de cette vigne.
Mais voilà que ces vignerons refusent de restituer
à leur maître le fruit de la vigne. L'insistance avec laquelle le maître envoie
ses serviteurs puis son propre fils témoigne, non pas d'une naïveté, mais du
secret espoir qu’il garde en espérant le changement d'attitude des vignerons :
« Ils respecteront mon fils ». Mais
rien n'y fait et nous découvrons alors la véritable intention des vignerons :
il n'est plus question de fermage mais d'héritage. Ceux à qui la vigne avait
été confiée veulent en devenir les propriétaires. Leur objectif est de s'accaparer
ce qui avait été donné.
C'est un des enseignements que nous pouvons
retenir de cette parabole pour nous aujourd'hui : la tentation de vouloir être
propriétaire de ce que Dieu nous donne. Dieu nous comble largement de ces dons,
dans une confiance sans mesure. Mais nous risquons de vivre comme si cela était
normal. Par exemple, nous pouvons nous habituer à ce que Dieu nous aime,
trouvant normal une telle attitude, puisqu'il est Dieu. Or, c'est chaque jour
que nous devrions nous émerveiller d'être à ce point aimés, nous qui trahissons
facilement cet amour par notre péché.
Nous pourrions multiplier ces exemples où
nous nous situons comme propriétaire des biens mais aussi des personnes. Saint
Paul écrit : « Qu’as-tu que tu n'aies
reçu ? » (1 Co 4,7). Le disciple du Christ accepte de recevoir sa vie, ce
qu’il est, d'un autre et non par la force du poignet. Ce que nous mettons en
œuvre sert à faire fructifier ce que nous avons reçu. Rendre grâce à Dieu,
c'est rendre à Dieu la grâce – le don – qu’il nous fait. C’est nous attacher au
donateur et non à ses dons.
La suite du texte nous permet d'aller encore
plus loin. Jésus interroge ses auditeurs sur ce que devrait faire le maître de
la vigne face à ces vignerons. Ils répondent spontanément : « Les misérables, il les fera périr ! »
Attitude qui consiste à répondre au mal par le mal. Il est parfois une logique
qui devient vite un engrenage mortifère : combattre le mal par le mal. Quelle
est l'attitude du Jésus ? « La pierre
qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C'est là l'œuvre
du Seigneur, une merveille sous nos yeux ! »
En citant le psaume (Ps 118 [117], 22-23),
Jésus fait sienne cette image de la pierre rejetée qui devient la pierre
angulaire. Jésus lui-même sera rejeté, jeté hors de la vigne – il est crucifié
hors de la ville – puis tué. Mais là où humainement nous pourrions attendre du
Père qu'il fasse périr les meurtriers de son Fils, il ressuscite son Fils,
attestant que son amour de Père est bien plus grand que nos refus de nous laisser
mais par lui. Le Fils combat le mal en offrant sa vie.
C'est l'unique chemin pour vaincre le mal
que l'on subit les autres. Il ne s'agit pas de s'écraser mais de répondre par
l’amour à celui qui nous veut du mal. C'est ainsi que le Christ ressuscité
devient la pierre angulaire. Le disciple du Christ choisit d'offrir sa vie par
amour pour que l'amour progresse sur le mal.
Il est un autre enseignement que nous
pouvons retenir cet Évangile. En effet, Jésus renvoie ses auditeurs aux
Écritures qu'ils connaissent bien : « N'avez-vous
jamais vu dans les Écritures ? » Il nous appartient de puiser dans les
Écritures le sens de notre vie, Écritures qui s'accomplissent en la personne de
Jésus. Rien ne peut arrêter la germination du Royaume qui vient : il sera « donné à un peuple qui lui fera produire son
fruit ». Mais nous pouvons passer à côté si nous restons enfermés sur
nous-mêmes.
L'Écriture, lue et méditée, est un lieu de
conversion pour que notre cœur s'ajuste peu à peu à celui de Dieu. Le disciple
du Christ nourrit sa vie de foi, sa rencontre personnelle avec le Christ, en
s'enracinant dans l'Écriture, par une lecture active qui consiste à laisser cette
Écriture transforme son cœur. C'est dans cette attitude que nous pouvons
relire, prier et méditer, chacune des paraboles que nous entendons ces
dimanches-ci. Il ne s'agit pas de vouloir tout expliquer par la raison mais de
laisser le texte se déployer en soi. C'est alors que nous goûterons la paix de
Dieu, celle qui garde notre cœur et notre intelligence dans le Christ Jésus
(cf. deuxième lecture).
Père Bruno