27ème dimanche du temps ordinaire 3 octobre 2010
Les textes du jour
Il y a vraiment des enseignements de Jésus qui peuvent nous dérouter, voire nous choquer. Voilà que dans l'Évangile de ce dimanche, Jésus qualifie ceux qui auront fait tout ce que Dieu leur a commandé de serviteurs quelconques. Et non pas seulement ceux qui auront fait ce que Dieu a commandé mais ceux qui auront TOUT fait. La réaction première est sans doute de se dire : à quoi bon faire pour Dieu ?
Jésus semble même dire que le Père n'aura aucune reconnaissance envers ces serviteurs-là comme le maître qui trouve naturel que son serviteur se mette en tenue de service après son travail pour qu’il puisse manger et boire. Dieu semblerait-il ne tenir aucun cas de nos actions quand elles correspondent à ce qu'il nous commande ? Le prophète Habacuc va même plus loin dans son constat : Dieu n'entend pas crier contre la violence ; il reste à regarder notre misère (cf. 1ère lecture).
Quel visage de Dieu se révèle-t-il à travers ces textes ? Habacuc poursuit : « Cette vision se réalisera, mais seulement au temps fixé, elle tend vers son accomplissement, elle ne décevra pas ». Dieu ne peut pas nous décevoir ! Dans son enseignement, Jésus remet en cause une fausse image de Dieu qui est souvent bien ancrée dans notre foi : celle d'un Dieu comptable. Si l'enseignement de Jésus nous choque c'est parce que nous mettons sur le même pied d'égalité ce que nous faisons et la reconnaissance que Dieu a pour nous. Nous avons du mal à nous débarrasser d'une relation donnant-donnant avec Dieu : si je fais cela, Dieu m'aimera ; si je fais tout ce qu’il me commande, il m'aimera davantage.
Le mot traduit par « reconnaissance » signifie plus exactement « gratitude » ou « grâce ». Il introduit l'idée de débordement, de non-comptabilisation et désigne ce qui est donné gratuitement, dans un mouvement de générosité pure. Il évoque une gratitude émerveillée. Dieu ne s'émerveille pas de ce que nous faisons mais de ce que nous sommes ! Son émerveillement est pure gratuité et Jésus veut convertir nos relations calculées avec Dieu. Il faut apprendre à dépasser une relation à Dieu qui se limiterait à ce qu’il nous commande et qui nous donne alors bonne conscience : j'ai fait tout ce qu’il me commande, sous-entendu je suis satisfait de moi et Dieu peut être satisfait de moi.
C'est pourquoi cet enseignement est introduit par la question des Apôtres : « Augmente en nous la foi ! » La réponse de Jésus peut paraître excessive – une fois de plus ! – : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde… ». La parabole du serviteur quelconque nous fait redécouvrir que la vraie foi est une relation gratuite et confiante en Dieu. La foi ne calcule pas ; elle donne cette assurance qu’en tout ce que nous faisons l'amour de Dieu nous est donné gratuitement.
La foi consiste à s’appuyer sur la force de cet amour et non sur nos seules capacités. Est-ce vraiment la foi en Dieu, c'est-à-dire la confiance que nous mettons en lui mais aussi la confiance qu'il met en nous – Dieu a foi en nous ! – qui est le moteur de notre vie ? C'est ainsi que Paul exhorte Timothée : « Réveille en toi le don de Dieu... Ce n'est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force » (2ème lecture).
Est-il alors utile de faire pour Dieu si tout doit se résumer à la gratuité d'un amour offert ? La réponse est à nouveau dans la parabole de Jésus. Dans la première partie du récit, le serviteur – littéralement l'esclave – accomplit un travail ordinairement attendu de lui : labourer ou garder les bêtes. De retour à la maison, il est appelé à servir son maître. Ce service, s’il reste une action comme une autre, fait de ce serviteur un serviteur quelconque. Faire pour Dieu c’est servir à la manière du Christ. Ainsi nous ne serons plus des serviteurs quelconques mais des amis du Christ : « Je vous appelle plus serviteurs mais amis » (Jean 15, 15).
La gratuité de l’amour reçu de Dieu est appelé à se déployer dans un service gratuit du frère. C'est ainsi que s'articulent foi et service. Faire tout ce que Dieu nous commande est bien plus que faire quelque chose, c'est servir nos frères avec une charité désintéressée qui puise sa force dans la foi, dans l'amour inconditionnel que Dieu a pour nous.
L'Évangile
de ce jour nous invite donc à revisiter notre relation à Dieu mais aussi nos
relations avec nos frères, nos engagements, y compris nos engagements
pastoraux. Les vivre simplement pour rendre service induit les autres à
reconnaître ce service rendu. Or Dieu nous appelle à les vivre en étant
serviteurs. Comme Paul le confie à Timothée, cela suppose de notre part de
garder l'Évangile dans toute sa pureté (2ème lecture), c'est-à-dire de laisser
l'enseignement du Christ nous conformer peu à peu à ce qu'il est, à sa façon
d'être serviteur de tous les hommes. C’est ainsi que nous vivrons notre mission
non pas comme quelque chose à faire mais en étant des témoins de l’Évangile par
nos paroles et nos actions.
Père Bruno