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 Vingt cinqième dimanche du temps ordinaire

 Année A              18 septembre 2011

 A la lecture de cette parabole, qui ne se sentirait pas proche des ouvriers de la première heure ? Pourquoi ceux qui ont moins travaillé obtiennent-il un salaire équivalent ? Décidément ce propriétaire n'est pas juste ! Nous pourrions même avoir le sentiment que ce propriétaire fait tout pour que les ouvriers de la première heure réagissent puisqu'il demande à ce que la remise du salaire commence par les derniers, de telle sorte que les premiers soient bien témoins de ce qui va se passer.

Pourtant ce maître est honnête : aux ouvriers de la première heure il promet une pièce d'argent, à ceux embauchés à la troisième heure ce qui est juste, et aux derniers rien du tout. « Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? » Cette parabole donne d'entrer dans la bonté de Dieu qui n'a rien à voir avec une comptabilité des choses. Vouloir faire une lecture sociale de ce texte en fausse le sens comme l'atteste la manière dont s'adresse ce maître à ses ouvriers : « Mon ami ». Ce dont il est question dans cette parabole c'est de l'amitié que Dieu désire nous donner et qui n'est pas proportionnelle à ce que nous faisons.

Que découvrons-nous de ce maître ? Il passe son temps à sortir pour aller au devant de ceux qui sont dehors : il sort même à toutes les heures sachant bien que ceux embauchées à la dernière heure ne feront pas grand-chose ! Il veut que tous travaillent à sa vigne. La vigne, dans l'Ancien Testament, apparaît souvent comme figure du peuple de Dieu, « le plan de choix dont il attend beaux fruits » (cf. Isaïe 5,2). Jésus enseigne l'exigence d’œuvrer à la fructification de la vigne, la reliant à la réalité du Royaume de Dieu, comparable à un maître qui embauche des ouvriers pour sa vigne (début du texte). Dans ce Royaume la hiérarchie des valeurs n’est pas celles que nous utilisons habituellement puisque « les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers ».

Déjà dans l'Évangile de dimanche dernier, il était question du Royaume de Dieu comparable à un roi qui veut régler ses comptes avec ses serviteurs. Pour parler de ce Royaume, Jésus insiste donc sur l'initiative de Dieu qui va au devant de l'homme, qui vient le chercher pour entrer dans son amitié. C'est dans cette perspective que nous pouvons entendre la prophétie d’Isaïe : « Cherchez le Seigneur tant qu'il se laisse trouver. Invoquez-le tant qu'il est proche » (1ère lecture).

Nous avons souvent du mal à nous débarrasser du sentiment qu'il faut faire pour Dieu. Chaque fois qu'il est question dans l'Évangile de faire la volonté de Dieu, Jésus la lie à l’écoute et à la mise en pratique de sa Parole. Ainsi donc pour entrer dans cette amitié que Dieu propose, il suffit de laisser sa Parole transformer notre existence de telle sorte que nos actions ne partent plus de notre volonté de bien faire mais soient la traduction concrète du fruit qu’opère la Parole en soi.

Dieu n’est pas un Dieu pervers qui cherche à prendre l’homme en défaut ; il est un Dieu qui va au devant de l'homme pour le faire entrer dans son alliance. Il attend alors de l'homme qu'il se laisse aimer pour que sa vie devienne réponse à cet amour. Notre vrai bonheur est là. Si nous sommes assurés que Dieu ne se lassera pas de venir vers nous pour que nous entrions dans son amitié, il n'y a pas de raison d'attendre la dernière heure !

C'est l'expérience que Paul nous livre de sa rencontre personnelle avec le Christ : « Pour moi vivre, c’est le Christ » (2ème lecture). Paul n’hésite pas à affirmer que le meilleur pour lui est d’être définitivement avec le Christ – c'est pourquoi mourir est un avantage –. Mais il veut gagner chacun de ses frères au Christ en témoignant que le Christ est sa vie. La vie de foi est d'abord et surtout une vie d'amour avec Dieu pour apprendre de lui aimer nos frères, « en menant une vie digne de l'Évangile » (2ème lecture).

Si Dieu nous aime pour nous-mêmes et non pas pour ce que nous faisons, regarder avec un œil qui est bon consiste à entrer dans cette même disposition envers nos frères. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un Dieu qui nous offre son amitié sans tout mettre en œuvre pour offrir notre amitié aux autres, quels qu'ils soient, quoi qu'ils fassent. Il s'agit alors d'offrir son amitié à la manière du Christ, « en donnant sa vie pour ceux qu'on aime » (cf. Jean 15,13).

Nous pouvons commencer par repérer dans notre vie mais aussi dans celle de notre communauté, la bonté de Dieu à l'œuvre en soi et chez les autres. « La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres » (Psaume 144). Notre vie deviendra alors action de grâces, « sacrifice de louange » (Hébreux 13,15) sans chercher à comptabiliser ce que les uns et les autres font mais tout à la joie d'être attentifs à la capacité d’aimer qu'il y a en chacun.

Père Bruno