25ème dimanche du temps ordinaire 19 septembre 2010
Les textes du jour
Une nouvelle fois Jésus nous place devant un choix : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'Argent ». Le mot grec utilisé ici pour désigner l'argent est le mot mamônas qui désigne ce qui est sûr, ce sur quoi on peut compter. Dans la littérature biblique, ce terme désigne la richesse inique, injuste. Il a alors un caractère d'idole. C'est la raison pour laquelle les traductions mettent une majuscule, absente dans le grec. Jésus n'hésite pas alors à qualifier cet Argent de "trompeur" (l’expression revient deux fois dans l’Evangile), dans le sens où il détourne l'homme de la finalité pour laquelle il a été créée : Dieu. Comment comprendre cette alternative exclusive : servir de Dieu ou servir l'Argent (trompeur) ?
Saint Paul, dans sa lettre à Timothée, rappelle ce que Dieu veut : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité » (2ème lecture). Et Amos décrit ce dont nous sommes capables : « acheter le malheureux pour un peu d'argent, le pauvre pour une paire de sandales » (1ère lecture). D'où vient cet écart ? Du refus de l'homme d’user des biens matériels sans référence à celui qu'il nous les a donnés et sans souci du bien de tous.
Une société fondée sur l’injustice, une société qui laisse le pauvre exploité par le riche – quelle que soit cette richesse –, ne peut qu’offenser Dieu. Car il y a une idolâtrie qui le blesse profondément : celle qui consiste à "utiliser" son frère en bafouant sa dignité et en le réduisant en esclavage. Et l’Argent (au sens où Jésus emploie ce mot) en est souvent une des causes.
« Qui vous confiera le bien véritable ? » Jésus interroge ainsi celui qui n'a pas été digne de confiance avec l'argent trompeur. Être digne de confiance (cette expression revient quatre fois en quatre phrases) signifie engager notre vie de telle sorte que nos choix et décisions s'enracinent dans la confiance que Dieu nous fait. C'est d'ailleurs ce qu'exprime l'invitation à servir Dieu. Le disciple est celui qui est digne de confiance dans une toute petite affaire, au contraire de celui qui est trompeur dans une petite affaire. Il n'est pas de petites affaires qui ne puissent se vivre sans la lumière de l'Évangile. Or il nous arrive bien souvent de mettre des seuils, de relativiser ce qui nous semble sans grande incidence. Une telle logique conduit inévitablement à faire reculer le seuil de l'acceptable pour justifier des pratiques faussées.
C'est ce que dénonce Amos : Voici que certains commerçants aisés ne cherchent qu’à s’enrichir davantage – au point que le temps sacré du sabbat est pour eux un empêchement à faire des affaires – sur le dos des pauvres. À cette époque, les temps étaient paisibles et l’économie prospère, mais les pauvres n’avaient jamais été aussi pauvres. Ils étaient exploités au point d’être contraints de se vendre comme esclaves pour payer leurs dettes.
C'est dans cette perspective que nous pouvons entendre la parabole de ce dimanche qui pourrait, à première lecture, nous choquer. Voilà un gérant malhonnête dont le maître semble faire l'éloge. Comment Dieu pourrait-il faire l'éloge d'un tel homme ? La pointe du récit n'est évidemment pas là.
En fait, si ce gérant est bien trompeur, c'est son habileté qui fait l'admiration de son maître. Dans un premier temps ce gérant gaspillait les biens qui lui étaient confiés. Quand son maître décide de le renvoyer il ne cherche pas à s'enrichir malhonnêtement, il cherche des gens pour l'accueillir. Avec l'argent trompeur il est habile à se faire des amis. Notons au passage que la parabole ne nous dit pas s'il est arrivé à ses fins !...
Et Jésus insiste alors : si les fils de ce monde sont habiles, combien plus devraient l'être les fils de lumière, c'est-à-dire ceux qui suivent le Christ. « Autrefois vous étiez ténèbres ; maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Vivez en enfants de lumière » (Ephésiens 5,8). Ainsi l'alternative devant laquelle nous place Jésus – servir Dieu ou l'Argent – peut se résumer ainsi : servir ses frères ou se servir de ses frères.
Il revient à chacun d'entre nous de s'interroger sur son rapport aux choses qu'il possède : cela concerne notre rapport à l'argent mais aussi notre rapport à nos biens matériels et sans doute plus largement notre rapport à nos compétences voire même à Dieu. Ces rapports nous centrent-ils sur nous, dans une recherche excessive de sécurité et d'assurance, ou bien riches de ce que nous sommes – ce qui est bien plus large que riches de ce que nous avons – comment engager concrètement notre vie pour que le service de nos frères, de tous nos frères, soit premier ?
« Aucun domestique ne peut servir deux maîtres
», nous met en garde de Jésus. L'Évangile nous place face à un choix : suivre
le Christ en servant nos frères ou nous suivre nous-mêmes en nous servant.
Comment tenir dans la juste attitude ? En contemplant le Christ : « Jésus-Christ s'est fait pauvre, lui qui
était riche, pour qu’en sa pauvreté vous trouviez la richesse » (2 Corinthiens
8,9).
Père Bruno