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24ème dimanche du temps ordinaire                12 septembre  2010

Jésus nous enseigne à travers trois paraboles : la brebis retrouvée, la pièce retrouvée et le père prodigue. Le contexte dans lequel il les donne est important : les publicains et les pécheurs viennent à lui pour l’écouter tandis que les pharisiens et les scribes récriminent contre lui. Ces paraboles s’adressent à la fois à ceux qui se savent pécheurs comme à ceux qui ont du mal à accepter que Jésus accueille les pécheurs. Aux uns et aux autres, Jésus veut faire découvrir ce qui est plus important que le pécheur : celui qui pardonne les péchés ; le père de toute miséricorde.

Ces trois paraboles sont toutes centrées sur l'attitude de celui qui part à la recherche soit de sa brebis, soit de sa pièce d'argent, soit de ses deux fils. Nous découvrons même avec quelle insistance il cherche, laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres brebis seules, balayant toute sa maison, guettant inlassablement le retour d'un de ces fils et allant au-devant de l'autre.

Le mot que l'on traduit couramment par ‘miséricorde’ exprime littéralement, en hébreu, les ‘entrailles maternelles’. Face aux pécheurs, Dieu est pris "aux tripes" car il souffre de voir l'homme se perdre. Dieu ne nous épargne pas d'être pécheur de telle sorte que la reconnaissance de notre péché nous centre sur la prodigalité de son amour envers nous, amour gratuit et inconditionnel offert à tous. D’où la joie de cet homme qui a retrouvé sa brebis ou de cette femme qui a retrouvé sa pièce : Dieu est à la joie quand nous nous laissons trouver par lui ! C'est cela la conversion : non pas faire des choses en plus mais se laisser retourner par la tendresse du cœur de notre Dieu.

C'est vrai ! Il faut parfois du temps pour se laisser saisir par la seule chose que Dieu puisse nous donner : son amour infini de père. Quand bien souvent nous voulons y arriver par nous-mêmes, l'Évangile de ce jour nous rappelle que la juste attitude est celle qui consiste à laisser d'abord l’amour de Dieu éclairer notre vie, purifier nos zones d'ombre pour que nous inventions notre façon concrète d'engager notre existence. Nous n'avons rien à craindre de la miséricorde de Dieu !

C'est bien l’expérience que fait le fils cadet de la troisième parabole. Voilà qu'un beau jour il décide de vivre seul : il ne veut plus être fils et demande sa part d'héritage. Son père respecte sa liberté même s'il sait intérieurement que son fils sera malheureux. D'ailleurs il guette chaque jour son retour possible. Le fils fait alors le constat qu'il ne peut plus avancer. Il réfléchit, nous dit le texte (littéralement, il rentre en lui-même). Certes son retour vers son père est surtout dicté par sa faim mais en même temps il se reconnaît incapable d'être à nouveau fils, simplement ouvrier de son père. Avant même qu'il ait fini de dire à son père la phrase qu'il avait préparée, celui-ci le rétablit dans sa dignité de fils (le vêtement, la bague, et les sandales).

Aussi profond que soit notre péché, notre désir de vivre hors de l'amour de Dieu, Dieu ne se lasse pas de vouloir faire de nous ses fils bien-aimés. Si Dieu condamne le péché, il ne peut condamner le pécheur. La place qu'il nous réserve est celle d'être un avec son Fils. Encore faut-il que nous ayons l'humilité de reconnaître devant lui la pauvreté de ce que nous sommes sans lui, de confesser à la fois la force de son amour fidèle pour nous et la fragilité de notre amour indécis. Nous découvrons alors combien la relation que Dieu désire avec nous est une communion d'amour et non une perfection d'agir.

C'est là le drame du fils aîné dont on ne sait pas s'il finira par rentrer à la maison. Lui qui a conscience de tout bien faire ne supporte pas l'idée que son père puisse faire la fête quand son frère revient après avoir tout gaspillé – ce qui reprend le contexte de ces paraboles –. Sa réaction est normale et ressemble sans doute un peu à la nôtre. À quoi bon vouloir bien faire, vouloir vivre les exigences de l'Évangile, si le dernier des mécréants est autant aimé que nous par Dieu et assuré de son pardon !

« Toi mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. » Si notre relation à Dieu se limite à ce que nous faisons pour lui, nous sommes en règle mais sans vivre une véritable affection filiale. Nous considérons que Dieu nous doit. Or Dieu nous donne, il nous donne tout et se donne à nous à travers son Fils. C’est la conscience de cet amour que rien n'entrave qui devient ainsi le moteur de notre relation avec Dieu et le préalable à l'exigence d’une vie fidèle à cet amour. Notre vie devient lumineuse quand nous découvrons que nous sommes des pécheurs pardonnés.

L'accueil de la miséricorde de Dieu dans notre vie renverse l'ordre des choses. Nous sachant aimé, désiré, relevé, nous ne pouvons que décider de vivre une existence qui réponde à l'engagement de Dieu à nos côtés. Puisse cet enseignement de Jésus faire de nous des hommes et des femmes habités par la miséricorde de Dieu et la rayonnant à travers nos paroles et nos actes.

Père Bruno