23ème dimanche du temps ordinaire 5 septembre 2010
Les textes du jour
Venir à lui sans le préférer ; ne pas porter sa croix ; ne pas renoncer à tous ses biens. Et ainsi ne pas être son disciple. Jésus annonce clairement le programme pour celui qui veut être son disciple. Il n'est pas question ici seulement de ceux qui suivent le Christ dans la vie sacerdotale ou religieuse. C'est tout disciple qui est appelé à vivre cette exigence.
Il est d'abord question d'un amour de préférence pour le Christ duquel découle le reste. Spontanément nous nous imaginons que nous pouvons aimer le Christ comme nous aimons les autres. Si cela était juste notre relation au Christ serait alors identique à celles que nous vivons avec ceux qui nous entourent. Le disciple, au contraire, choisit de vivre un amour de préférence – on pourrait même dire un amour exclusif – pour le Christ.
Non pas que le Christ nous demande de moins aimer les autres mais de les aimer fortifié par l'amour que nous avons pour lui. Le disciple apprend du Christ à aimer les autres et son amour s'en trouve démultiplié car plus ressemblant à celui que le Christ a déjà pour eux. Nous lisons en Luc 18, 29-30 : « Personne n'aura quitté à cause du royaume de Dieu une maison, une femme, des frères, des parents, des enfants, sans qu'il reçoive en ce temps-ci bien davantage. »
Un tel amour pour le Christ ne peut que nous entraîner peu à peu à aimer comme lui aime. Or le Christ aime en se donnant totalement et gratuitement. Son amour le conduit sur la croix. C'est pourquoi le disciple est inévitablement amené à porter sa croix. Non pas à porter la croix du Christ car lui seul peut aimer jusqu'au bout, mais à porter sa croix en essayant de se donner à la mesure de ce qui lui est possible et en mettant ses pas dans ceux du Christ. Ainsi donc porter sa croix ne signifie pas choisir la souffrance mais choisir d'aimer à la manière du Christ en se laissant guider sur son chemin – marcher derrière lui –.
De la même façon, cet amour de préférence pour le Christ fait que ce que nous possédons devient second puisque le Christ est premier. C'est pourquoi le disciple renonce à tous ses biens. Cette exigence est à entendre comme un appel à n’user de nos biens que lorsqu'ils nous aident à aimer davantage. Sinon nous risquons de nous laisser posséder par ce que nous possédons. Ce renoncement n'a de sens que parce qu'il traduit de façon concrète le choix pour le Christ. De façon abrupte nous pouvons dire que le Christ veut tout de nous, pour tout nous redonner – et même au centuple – à travers la relation que nous avons avec lui.
Saint Jean, dans l’Apocalypse écrit : « Puisque tu es tiède, je vais te vomir » (Ap 3,16). Devenir disciple, suivre le Christ, suppose une adhésion de tout notre être. On ne peut pas suivre le Christ à moitié, gardant pour soi tel domaine de sa vie, de ses relations. C'est ce qu'illustrent les deux exemples donnés par Jésus : celui qui veut bâtir une tour et le roi qui part en guerre contre un autre roi. Dans ces deux cas, l’homme commence par s'asseoir pour voir s'il peut aller jusqu'au bout de son entreprise. Sinon il renonce.
Appliqué à celui qui veut devenir disciple, cela suppose d'être sûr de tenir le cap. Présenté ainsi, personne ne pourrait s'engager sur ce chemin. Mais alors, « quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » (1ère lecture), s’interroge l'auteur du livre de la Sagesse. Qui donc peut vivre cette exigence demandée par Jésus ? Personne si Dieu n'avait pas donné la Sagesse et envoyé son Esprit Saint. Dieu a déjà mis au plus intime de nous-mêmes la capacité de vivre ce qu'il enseigne. « C'est ainsi que les chemins des habitants de la terre sont devenus droits ; c'est ainsi que les hommes ont appris ce qu'il te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés » (1ère lecture).
Le disciple est donc celui qui prend le temps d'écouter l'Esprit Saint pour entrer dans un amour de préférence pour le Christ. C'est peut-être cela s'asseoir. En même temps, Saint Luc mentionne que de grandes foules faisaient route avec Jésus et c'est alors qu'il se retourne. Son exigence n'est donc pas un ordre mais une invitation adressée à celui qui veut être son disciple. Ce n'est imposé à personne.
Jésus a besoin encore aujourd'hui de disciples, d'hommes et de femmes ordinaires qui enracinent toute leur vie dans cet amour de préférence pour lui, à travers leurs relations, leurs occupations ordinaires. Cela commence par laisser le Christ prendre peu à peu toute sa place dans notre vie, par laisser sa Parole nourrir notre vie et notre prière, de telle sorte qu'il nous devienne de plus en plus familier.
Etre
disciple commence par vivre un cœur à cœur régulier avec le Christ. Alors nous
pourrons l’aimer davantage, apprendre de lui à aimer les autres et à leur
donner un peu de notre vie. Ainsi nous deviendrons vraiment disciple.
Père Bruno