Vingt troisième dimanche du temps ordinaire
Année A 4 septembre 2011
Les textes du jour
« Tu
auras gagné ton frère. » Voilà ce que nous proposent les textes de ce
dimanche : gagner les autres ! Quand souvent la critique ou le jugement peuvent
paralyser nos relations, Jésus nous met en garde : tout disciple est
responsable de ses frères ! Il va de soi que si je commets un péché, j’ai à
tout mettre en œuvre pour me réconcilier avec Dieu et avec celui que j’ai
blessé. Mais Jésus va encore plus loin puisqu’il considère la relation que je
dois avoir avec celui qui commet un péché.
J’ai toujours à considérer celui-ci comme
mon frère : « Si ton frère a commis un
péché… » Il n’est pas question d’ignorer ou de minimiser la faute commise
mais de poser un regard de foi sur l’autre. Tout homme est plus grand que le
mal qu’il commet. Et Jésus d’insister : « montre-lui
sa faute », non pas de façon accusatrice « ce n’est pas bien ce que tu as
fait ! Tu n’aurais pas dû faire cela !... », mais avec un réel désir que
l’autre progresse.
C’est toujours ainsi que Jésus s’y prend
dans l’Evangile. Nous pouvons penser à la rencontre avec la femme adultère (cf.
Jean 8) ou avec Zachée (cf. Luc 19). S’il invite le pécheur à changer de
conduite, c’est toujours en commençant par lui manifester la confiance qu’il a
en lui. Bien sûr il appartient à l’autre de vouloir m’écouter : « s’il t’écoute… ». Je ne peux pas faire
son chemin à sa place, mais j’ai à tout mettre en œuvre pour qu’il puisse
progresser, ce qui suppose de ma part de ne pas l’écraser à cause de sa faute.
Jésus nous demande, dans un premier temps,
de nous adresser à ce frère seul à seul. Il est hors de question de lui faire
honte devant tout le monde. Si la démarche n'aboutit pas, nous sommes invités à
faire appel à deux ou trois. A plusieurs, on arrivera peut-être à mieux
persuader le pécheur. S'il refuse de les écouter, nous le dirons à la
communauté de l'Eglise. Elle va tout faire pour le porter dans sa prière et le
ramener vers Dieu. S'il refuse d'écouter la communauté considère-le comme le
païen et le publicain. Ce n'est pas la condamnation finale. Jésus a fait preuve
d'une grande sollicitude envers ces personnes. Matthieu qui écrit cette page
d’Evangile est justement un publicain que Jésus a appelé alors qu’il était à
son travail (cf. Matthieu 9,9).
Nous retrouvons dans la première lecture
cette même exigence d’être responsable de son frère. Dieu dit au prophète
Ezéchiel – c’est-à-dire à chacun d’entre nous – « je fais de toi un guetteur » (1ère lecture). Le guetteur est
attentif aux dangers qui pourraient faire du mal. Guetter son frère, c’est
veiller à ce qu’il se détourne de sa conduite mauvaise, non pas en lui faisant
la morale, mais avec la même miséricorde que celle qui anime le cœur de Dieu.
Dieu laisse même entendre à Ezéchiel que s’il n’aide pas l’autre à changer de
conduite, s’il ne l’avertit pas, c’est lui, Ezéchiel, qui sera responsable de
la mort du pécheur – la mort n’est pas la mort physique mais le fait de vivre
hors de la relation avec Dieu –. Si je vois un frère s’enfermer dans le péché
et que je ne fasse rien pour lui je suis moi-même pécheur.
Jésus élargit la relation interpersonnelle à
la relation avec toute la communauté : « prends
encore avec toi une ou deux personnes… dis-le à la communauté de l’Eglise ».
Un tel enseignement ne peut que nous interroger sur notre manière de nous
accueillir les uns les autres. « Quand
deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux ».
Le Christ est présent au milieu de nous quand nous nous réunissons en son nom,
d’une manière très concrète quand nous nous réunissons en nous accueillant
comme des frères.
Avons-nous vraiment à cœur de gagner notre
frère au Christ ? Mais pour cela encore faut-il qu’il ne nous soit pas étranger.
Etre responsable de ses frères – ce qui ne peut que souder toute communauté,
quelle soit familiale, paroissiale ou humaine –, suppose de s’intéresser à lui,
de découvrir ce qui l’anime sans se limiter à ce qu’il dit ou fait. Il arrive
sans doute trop souvent que nous restions centrés sur nous-mêmes. Nous nous
retrouvons alors en petit cercle, au mieux en ignorant les autres, au pire en
les jugeant. Or nous devons gagner tous nos frères.
Cela exige également de notre part que nous
nous laissions gagner par nos frères, que nous acceptions que tel ou tel vienne
nous trouver seul à seul pour nous montrer notre faute. Reconnaissons que
lorsque cela arrive, nous préférons nous justifier ou nous cherchons des
circonstances atténuantes. Nous pouvons donc commencer par repérer comment nous
écoutons ce qui viennent fraternellement remettre en cause notre conduite. Peut-être
sommes-nous alors comme ceux qui refusent…
Saint Paul assure que « l’amour ne fait rien de mal au prochain » (2ème lecture), il nous
encourage à ne garder aucune dette envers personne si ce n’est celle de l’amour
mutuel qui est l’accomplissement de la Loi. Voilà encore qui devrait éclairer
notre façon de faire communauté. Sommes-nous prêts à tisser entre nous des
liens nourris d’un amour mutuel, à nous ouvrir non seulement à ceux qui nous
ressemblent mais aussi à ceux que nous ne connaissons pas, à ceux qui ont une
expression de foi, une manière de vivre différente de la nôtre ? Alors nous
nous gagnerons mutuellement au Christ.
Père Bruno