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22ème dimanche du temps ordinaire                29 août  2010

Jésus participe à un repas et observe la façon dont les invités choisissent leur place. À partir de ce qui est souvent le plus naturel – choisir les premières places – il nous adresse cette parabole mais en employant une forme toute personnelle : « quand tu es invité… » C'est donc à chacun de nous, non pas de façon générale, mais dans le secret de notre cœur que s'adresse cet enseignement.

Le propos de Jésus est clair : « quand tu es invité, va te mettre à la dernière place ». Jésus a toujours l'art de nous demander des choses qui semblent contre nature. Quand nous désirons être apprécié, considéré, pourquoi faut-il choisir la dernière place ? Saint-Paul va dans le même sens lorsqu'il écrit : « Ayez assez d'humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » et il ajoute aussitôt : « Ayez entre vous les dispositions que l'on doit avoir dans le Christ Jésus : lui qui était dans la condition de Dieu, il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. » (Philippiens 2, 3.5-6).

Le Christ lui-même a choisi la dernière place : il s'est toujours manifesté proche des petits, des exclus jusqu'à devenir lui-même un exclu crucifié hors de la ville. Cette dernière place est la place du serviteur qui ne cherche pas par lui-même à se mettre en valeur mais qui au contraire cherche à mettre en valeur son frère. « Mon fils, accompli toutes choses dans l'humilité » enseigne Ben Sirac (1ère lecture) et Marie proclame dans son Magnificat que Dieu « élève les humbles » (Luc 1,52).

L'humilité n'est pas la faiblesse. L'humilité consiste à mettre ses talents au service de l'autre sans vouloir l’écraser mais à la mesure de sa demande. C'est ce qu'exprime la parole adressée à celui qui est humble et qui attend d'être appelé : « Mon ami, avance plus haut » (Evangile). L'esprit du monde nous fait croire que la puissance nous donne la sécurité. Jésus nous enseigne que la vraie force se révèle dans la douceur, dans l'humilité du cœur.

C'est pour cela qu'il nous demande de choisir la dernière place. Cette même place qu'il occupe au plus intime de nous-mêmes, comme au soir du Jeudi Saint, attendant que nous lui disions : « Seigneur, mon ami, avance plus haut ». Jamais le Christ ne s'impose, il attend patiemment que nous l’invitions à prendre la première place de notre vie, ce qui suppose de notre part que nous le considérions comme le plus important.

L'enseignement de Jésus ne s'arrête pas là et il considère ensuite la situation réciproque : « quand tu donnes un déjeuner ou un dîner ». Après avoir considéré celui qui est invité, il s'intéresse à celui qui invite, ou plus exactement à ce qui anime intérieurement celui qui invite. Si c'est dans le secret espoir que l'invitation lui soit rendue, c'est contraire à ce que demande Jésus. Il déclare même heureux celui qui invite ceux qui ne peuvent rien rendre. La gratuité est au cœur de cette attitude : agir sans rien attendre en retour. D'où la suggestion de Jésus d'inviter des pauvres, des estropiés, des petits...

La gratuité consiste à considérer l’autre non pas pour ce qu'il fait ni pour ce qu'il peut nous apporter mais pour ce qu’il est. C'est être plus attentif à la beauté intérieure qu'à ce qui se voit extérieurement ou à ce qui se sait de l'autre. Alors que facilement nous calculons tout, réduisant parfois nos relations à du donnant-donnant, Jésus nous rappelle l’importance de cette attitude du cœur : n’attendre que la joie de se donner aux autres.

Là encore, c'est exactement ainsi que s'y prend Jésus, nous invitant personnellement, nous qui ne sommes peut-être pas boiteux ou aveugles mais qui sommes pêcheurs. Lorsque Jésus nous invite à sa table, il nous invite à avancer devant même lorsque nous ne sommes pas à la hauteur. Il nous reçoit comme un hôte de marque, ayant toujours la première place dans son cœur.

C’est en contemplant comment Jésus s’invite chez nous ou nous invite chez lui que peu à peu sera converti notre besoin d’être reconnu, apprécié par les autres. « Qui s’abaisse sera élevé ». Jésus ne nous demande pas de nous écraser devant les autres mais de vouloir les faire grandir. La logique de l’Evangile est ainsi : c’est en faisant grandir les autres que l’on grandit soi-même.

C’est de cette manière que Jésus a vécu toute son existence. A sa suite, le disciple est celui qui choisit résolument de se rendre proche des autres, prioritairement des petits et des derniers, avec pour seule force l’humilité et la gratuité. Laissant la première place au Christ, le disciple est celui qui, humblement et patiemment, donne et se donne sans rien espérer en retour. C'est en vivant comme le Christ dans cette humilité et cette gratuité du cœur que nous trouverons la vraie joie.

Père Bruno