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 Vingtième dimanche du temps ordinaire

 Année A              14 août 2011

Étonnante rencontre que celle de l'Évangile de ce dimanche : une femme, une païenne qui ne fait donc pas partie du peuple choisi par Dieu, le peuple d'Israël, vient se prosterner devant Jésus lui demandant de guérir sa fille possédée. Le texte dit même qu'elle crie sa supplication à tel point qu'elle agace les disciples qui demandent à Jésus de lui donner satisfaction, au moins pour qu'elle se taise. L'attitude de Jésus et sa réponse peuvent nous dérouter : il commence par se taire puis refuse d'exaucer la demande de cette femme car lui n’est venu que pour « les brebis perdues d'Israël », donc pas pour les païens.

L'Évangile de Mathieu est construit, entre autres, sur le passage d'une conviction juive spontanée du salut des brebis perdues d'Israël – au début de l'Évangile, l’ange annonce à Joseph que Jésus sauvera son peuple de ses péchés (cf. Mt 1,21) – à une ouverture aux nations – l’Évangile se termine par l'ordre donné par le Ressuscité d'aller vers toutes les nations (cf. Mt 28,12) –. Ce fut la lente découverte des disciples puis des premières communautés chrétiennes et Mathieu laisse entendre que ce fut aussi le chemin de Jésus, pleinement enraciné dans son peuple et pressé vers les païens, ému de la foi qu'il rencontre en eux.

La rencontre avec cette Cananéenne est un tournant de l'Évangile : la foi de cette païenne au Dieu révélé à Israël est profonde. Lorsque cette femme crie, elle exprime sa détresse mais surtout elle fait un véritable acte de foi en appelant Jésus, « Seigneur, fils de David ». Dans un second temps elle se prosterne devant lui. Son attitude n'est pas sans rappeler celle des disciples qui étaient dans la barque telle que nous l'avons entendu dans l'Évangile de dimanche dernier.

Lorsque Jésus lui fait la remarque qui n'est pas bon de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens – les Juifs, assurés d'être les enfants de Dieu, traitaient couramment les païens de petits chiens – celle-ci ne remet pas en cause la place privilégiée des enfants d'Israël – les maîtres – mais affirme que les païens peuvent eux aussi avoir part au salut – manger les miettes –. La « grande » foi de cette femme, comme le reconnaît Jésus, suscite chez lui une réponse émouvante : « Que tout se passe pour toi comme tu le veux ». Jésus reconnaît que la volonté de cette païenne est accordée à celle de Dieu. La foi est ajustement de notre désir au désir de Dieu.

Cette page d'Évangile éclaire notre propre manière de vivre notre foi. Celle-ci n'est pas d'abord des mots ou des idées confessés avec conviction. Elle est surtout une relation personnelle avec Dieu révélé en Jésus-Christ vivant aujourd'hui. Nous pouvons nous interroger sur la relation que nous vivons avec le Christ. À n'en pas douter, c'est à chacun que le Christ veut affirmer : « Que tout se passe pour toi comme tu le veux ». Cela rejoint ce qu'il dit avec certitude à ses disciples : « Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom il vous l’accordera » (Jn 15,16).

Dieu n'agit pas en nous de façon magique, indépendamment de notre volonté. Avoir la foi, vivre dans une vraie confiance avec le Christ, c'est vouloir accorder notre volonté à celle de Dieu. Saint Paul éclaire notre condition humaine de façon surprenante : « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous les hommes » (2ème lecture). Dieu ne supprime pas la réalité pécheresse en nous pour nous épargner d'être pécheurs mais il nous offre sa miséricorde pour que notre vie grandisse non par nos mérites mais par la grâce même qu’il fait à tous les hommes, celle de son amour miséricordieux.

Mais encore faut-il vouloir vivre de la miséricorde, s'attacher « au service du Seigneur pour l'amour de son nom » (1ère lecture). Car ceux-là, Dieu les rendra heureux dans sa maison de prière. Tout se passera pour nous comme nous le voulons si nous commençons par vouloir vivre de l'amour de Dieu et que nous engageons nos paroles et nos actes dans ce sens. La foi n'est pas une réalité extérieure à notre vie, un élément à côté d'autres éléments. Elle doit être ce qui nous anime et nous unifie intérieurement pour que toute notre vie corresponde à ce que nous croyons.

Il est un second enseignement que nous pouvons tirer de cet Évangile. Tout comme Jésus se laisse surprendre et émouvoir par la foi de cette païenne, nous avons à vérifier comment nous nous laissons bousculer par la foi de ceux qui sont différents de nous. Il est toujours plus facile de vivre et célébrer sa foi avec des gens qui ont la même sensibilité que soi. Il arrive fréquemment alors que nous jugions les autres, ne cherchant pas à nous ouvrir à cette différence.

Faire communauté commence par apprendre à reconnaître la richesse qu'il y a en chacun, y compris dans l'expression de sa foi. Jésus a su entendre, à travers les mots et l'attitude de cette femme païenne, une fois authentique. Imaginons ce que serait la vitalité d'une communauté où chacun de ses membres attesterait la foi qu'il perçoit en l'autre, même dans une expression qui ne serait pas la sienne !

Père Bruno