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Dixhuitième dimanche du temps ordinaire                 1er août  2010

Dans l’Evangile, tout part d’une question d’héritage à régler, ou plus exactement d’un homme qui vient chercher Jésus pour résoudre le différent qui l’oppose à son frère. Mettre Dieu à son service quand je ne peux pas – ou ne veux pas – y arriver par moi-même. Il va de soi que ce n’est pas ainsi que Dieu se révèle à nous, ce qui explique la réponse de Jésus à cet homme : « Qui m’a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? » Et d’ailleurs, supporterions-nous longtemps un Dieu qui fasse les choses à notre place ?

Quoiqu’il en soit, Jésus profite de cette question pour essayer de conduire la foule à considérer ce qui est essentiel pour la vie de l’homme. Jésus ne nous reproche jamais d’avoir des demandes maladroites. Bien au contraire, il part même de là pour nous permettre d’aller plus loin. Pour nous amener à réfléchir sur cette vie de l’homme qui ne dépend pas de ses richesses, Jésus utilise une parabole pleine de bon sens ! Voilà un homme qui a eu la chance de s’enrichir après une récolte abondante et dont le réflexe est alors de jouir de l’existence. Mais tout ce qu’il a entassé ne lui servira à rien puisque la nuit même il va mourir. Dans sa conclusion, Jésus oppose alors celui qui amasse pour lui-même et celui qui est riche en vue de Dieu.

Une lecture réductrice de cette parabole serait de l’interpréter comme une invitation à partager nos richesses avec ceux qui n’en n’ont pas. Certes, cela n’est pas faux, c’est même une nécessité ! Mais en quoi notre foi peut-elle nous aider pour cela puisque Jésus n’a pas été établi « pour être notre juge ou pour faire nos partages » ? La question à se poser est de savoir d’abord comment Jésus a vécu lui-même cette parabole. Comment Jésus est-il devenu riche en vue de Dieu sans amasser pour lui-même ? « Lui qui est de condition divine… s’est dépouillé en prenant la condition de serviteur » (Philippiens 2, 6-7). Spontanément, nous assimilons la richesse à ce que nous possédons. Mais la vie du Christ nous montre un chemin opposé : tu n’es pas riche en possédant ; tu es riche en te dépouillant ! Etrange contradiction. L’homme est riche en vue de Dieu en donnant, en se donnant à l’exemple du Christ.

L’Ecclésiaste fait le constat suivant : « Vanité des vanités, tout est vanité. Que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? » (1ère lecture) La seule chose qui reste c’est l’amour que l’on donne. Dans la parabole de l’Evangile, le drame de cet homme est qu’il finit par se laisser posséder par ce qu’il possède. Il dit exclusivement "je" : « je vais faire… je vais démolir… », jusqu’à se parler à lui seul : « je me dirai à moi-même ».

Dans notre propre vie, il peut nous arriver parfois d’entrer dans cette même spirale jusque dans nos relations avec Dieu ou les autres. Ce que je suis, ce que je fais – même pour eux – reste au centre de mes préoccupations. Comment repérer cet enfermement ?  En étant attentif aux greniers que l’on démolit pour en construire de plus grands ! Il peut arriver que l’on passe sa vie à vouloir toujours plus : sitôt une chose obtenue, nous en désirons une autre. Ce n’est pas toujours un bien matériel. Il y a parfois un idéal de soi, de sa vie, après lequel nous courrons sans jamais être satisfait ni de soi, ni de sa vie. Voilà nos greniers !

Nous cherchons bien souvent quelque chose à combler alors que Jésus nous propose toujours de devenir quelqu’un à donner. Là encore, le chemin qu’emprunte Jésus est éclairant qui « de riche qu'il était, s'est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté » (2 Corinthiens 8,9). Le Christ nous enrichit de sa pauvreté offerte. Nous pouvons alors repérer dans notre existence des personnes qui n’ont pas grand chose, voire même qui ne sont pas grand chose à nos yeux, et qui pourtant nous marquent, nous font grandir simplement par leur manière d’être. Il est nécessaire d’être attentif à ces personnes de notre entourage car elles peuvent devenir pour nous des écoles de vie, comme Jésus veut nous l’initier.

La vie d’un homme ne dépend pas de ses richesses mais de son souci de la vie des autres. Nous sommes en permanence traversés par de multiples désirs et il nous appartient d’être lucide sur ceux qui nous replient sur nous-mêmes et sur ceux qui, au contraire, nous ouvrent vers les autres. C’est la différence entre les réalités de la terre et celles d’en-haut telles que les décrit Saint Paul (cf. 2ème lecture). Après avoir énuméré quelques-unes de ces réalités qui appartiennent encore à la terre : débauche, impureté, passion… – et chacun est à même de discerner comment cette liste éclaire certains de nos désirs – il nous exhorte à revêtir l’homme nouveau, c’est-à-dire le Christ. « Il n’y a que le Christ : en tous, il est tout. »

Rechercher dans notre vie quotidienne les réalités d’en-haut consiste à conformer notre vie à celle du Christ. Voilà finalement la vraie richesse en vue de Dieu. Alors nous pourrons dire comme saint Paul : « Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est Christ qui vit en moi » (Galates 2,20).

Père Bruno