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 Dix-huitième dimanche du temps ordinaire

 Année A              31 juillet 2011

« Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! » Cette invitation adressée par le prophète Isaïe (1ère lecture) ne peut que nous réjouir. C'est la suite qui devrait nous étonner : « Même si vous n'avez pas d'argent, venez acheter et consommer ». De nos jours, une telle proposition de venir acheter sans argent et sans rien payer ne peut que paraître suspecte ! Isaïe d'ajouter même qu'il s'agit de manger de bonnes choses, de se régaler de viandes savoureuses.

Quand Dieu veut nous combler, il n’y a de sa part aucune attente d'une contrepartie. C'est gratuitement qu'il veut nous rassasier, nous combler de bonnes choses. Le psalmiste prie même ainsi : « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! » (Psaume 34) Voilà qui éclaire l’Evangile de ce dimanche. La scène se déroule dans un lieu désert, c’est-à-dire dans un lieu inhabitable. Dans ce lieu aride et stérile, Jésus va manifester la surabondance de l’amour de son Père envers une grande foule de gens.

Jésus commence par voir cette foule, par se laisser remuer intérieurement par la détresse de chacun : « Il fut saisi de pitié ». Il passe alors sa journée à guérir les infirmes, à restaurer la vie blessée, et cela sans condition de sa part. Les disciples, témoins de cette compassion de Jésus, n'en demeurent pas moins pratiques : le lieu est désert, le jour baisse, il faut que Jésus renvoie chacun pour qu'il puisse se nourrir. Alors que Jésus donne gratuitement, les disciples calculent ce qu'il convient de faire.

C'est bien la tentation qui guette chacun de nous. La gratuité de Dieu envers nous peut nous mettre mal à l'aise. Nous préférons souvent une relation équitable, donnant-donnant, mais comme la mesure de l'amour de Dieu envers nous est sans mesure au regard que l'amour que nous lui manifestons, nous préférons souvent reprendre la maîtrise des choses en ne comptant que sur nos seules forces. Il est difficile d'accepter de recevoir sans avoir le sentiment d’être redevable. Or quand Dieu aime, il n'exige rien en retour : « Venez acheter sans payer ».

Et voilà que Jésus veut initier ses disciples à la même gratuité. Alors qu'il aurait pu lui-même nourrir cette foule, il donne cet ordre à ses disciples : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Nous imaginons sans peine le désarroi des disciples qui ne disposent que de cinq pains et deux poissons pour une foule d'environ cinq mille hommes sans compter les femmes et les enfants ! Là où Jésus peut faire seul, il préfère compter sur nous, pour une mission qui humainement est impossible.

Jésus n'attend pas de nous que nous fassions des miracles ! Il nous assure seulement que si nous lui offrons le peu que nous avons, le peu que nous sommes, il nous rendra capables de nourrir une foule, c'est-à-dire de transmettre la vie que nous aurons reçue de lui. Jésus « donne (les pains) aux disciples et les disciples les donnent à la foule ». Il nous appartient de repérer nos cinq pains et nos deux poissons et de les offrir sans calcul au Christ. Il n'est question ni de juger, ni de comparer ce que nous sommes au regard des autres. Seule l'offrande de nous-mêmes donne à notre vie toute sa fécondité, pour nous-mêmes et pour les autres.

C'est exactement cette attitude qu’exige notre participation à l'Eucharistie. Certes, chaque fois que nous communions en Corps du Christ nous communions à son amour. Mais cela n'a de sens que si nous-mêmes acceptons de devenir nourriture pour les autres. Chaque fois que nous participons à l'Eucharistie, nous devrions avoir l'humilité de présenter au Seigneur nos cinq pains et nos deux poissons. Ne rien offrir à l'Eucharistie c’est venir en consommateur, de façon quelque peu égoïste. Dans la prière eucharistique n° III nous formulons cette demande : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire », mais cela n'est possible que si nous commençons par offrir au Christ un peu de nous-mêmes.

Saint Paul nous rappelle avec insistance que « rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu » (2ème lecture). Nous sommes les grands vainqueurs en toutes choses grâce à celui qui nous a aimés. Mais nous ne pouvons garder cela pour nous seuls. Toute notre vie est appelée à manifester cet amour indéfectible de Dieu pour tout homme, pour tous ceux que nous rencontrons dans le quotidien. Si Dieu nous assure cette « alliance éternelle » qu'il fera avec nous (cf. première lecture) il nous confie d'en être les témoins par toute notre vie.

Et pour cela il n'y a pas grand-chose à faire : il suffit d'entrer dans une attitude d'offrande. Décidons alors, avant de participer à chaque Eucharistie, de repérer ce que nous voulons offrir au Christ. Il n'est pas pensable que nous demandions au Christ de renvoyer des gens qui ont besoin de nous comme les disciples l’ont demandé à Jésus. Par contre nous pouvons demander au Christ d’être « une vivante offrande à la louange de sa gloire » (prière eucharistique n° IV) pour toux ceux auprès desquels il nous envoie.

Père Bruno