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Dixseptième dimanche du temps ordinaire                   25 juillet  2010

 « Apprends-nous à prier. » Qui de nous ne ‘est pas senti démuni dans la prière avec le sentiment de ne pas y arriver ? Certes la prière exige toujours de notre part un effort : il faut vouloir prier, en commençant par se donner du temps pour cela. Mais quel contenu donner à notre prière ? C'est le sens de la question des disciples à Jésus tandis qu'ils l’observent prier. C'est en le voyant ainsi que se développe en eux le goût de la prière. A de nombreuses occasions, les évangélistes nous présentent Jésus en prière.

La prière que Jésus enseigne est celle du "Notre Père". Dans l'Evangile de Luc, elle diffère légèrement de celle que nous prions habituellement et qui se rapproche davantage de l'Evangile de Matthieu (Matthieu 6, 9-13). Quoi qu'il en soit, la structure est la même : une ouverture du cœur pour se centrer sur le Père. On ne prie pas en se regardant soi-même !

Les premières demandes de la prière enseignée par Jésus, après que Dieu ait été nommé Père, concernent Dieu lui-même (son nom, son règne). Ensuite nous pouvons présenter au Père nos besoins (le pain de chaque jour) et lui demander de vivre en frères (le pardon). Ainsi la dynamique de toute prière chrétienne s'appuie sur trois temps : un décentrement de soi pour se centrer sur le Père, la formulation à Dieu de notre désir pour nous-mêmes, la volonté de vivre en frères.

Nous qui désirons prier, peut-être pouvons-nous commencer par méditer de façon renouvelée le "Notre Père", non pas en le récitant par cœur mais avec le cœur, en prenant du temps sur chaque demande, aussi longtemps que ces mots auront du goût en nous. Ainsi, ils descendront au plus profond de nous-mêmes.

La prière n'est pas d'abord un exercice intellectuel mais une affaire de cœur : ajuster notre cœur, notre désir, au cœur de Dieu, à son désir. Cela suppose de notre part un acte de foi : Dieu s'intéresse à moi, il a quelque chose à me dire personnellement, il écoute mes demandes qui ne restent pas sans réponse. C'est le sens de la suite de l'Évangile : « Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte... » Nous pouvons être surpris par cette suite d'impératifs quand il nous arrive parfois d'avoir le sentiment de ne pas obtenir, de ne pas trouver…

La prière peut s’exprimer ainsi : reconnaître qu’une parole de Dieu adressée à l’homme retentit dans l’histoire et que cette parole me concerne, m’interpelle personnellement. Toute prière est simultanément une écoute de la Parole de Dieu et une réponse à cette Parole. Ce qui rend notre prière difficile, c’est notre impatience à parler. La prière, comme la vie chrétienne, ne peut commencer que lorsque nous avons accepté d’ouvrir nos oreilles et notre cœur à Dieu.

Nous n'avons à juger notre prière en fonction de ce que nous ressentons. Ce n'est pas parce que nous n'avons rien éprouvé, qu’il nous semble ne rien avoir reçu durant la prière, que Dieu ne nous a pas comblés à sa manière. La prière n'est pas d'abord pour obtenir de Dieu – nous n'avons pas à exiger de lui – mais pour être avec lui, gratuitement. Il suffit de lui offrir notre désir, notre vie et celle de nos frères, et d’accueillir sa présence au plus intime de nous-mêmes, entre autres par la méditation de la Parole de Dieu. Nous prions Dieu pour lui et non pour nous ! La prière est louange pour la Gloire de Dieu avant d’être demande.

Cette attitude intérieure ne peut que toucher le cœur de Dieu, à la manière dont Abraham semble négocier avec Dieu les conditions de la destruction de Sodome. Dans ce texte, ce n'est pas tant Dieu qui revient sur sa décision au fur et à mesure que Abraham se fait insistant. C’est plutôt Abraham qui convertit son regard sur Sodome jusqu'à accepter que dans cette ville de perdition il puisse y avoir tout de même dix justes. Notons au passage que si Abraham s'arrête à dix c'est parce que pour qu'il y ait une communauté juive il faut un minimum de dix hommes. Jésus ramène cette limite à deux ou trois : « Là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux. » (Matthieu 18, 20)

La prière est toujours expérience de conversion personnelle car il ne s'agit pas de demander à Dieu de changer les autres ou le monde mais de changer son propre regard sur les autres et le monde. La prière nous apprend peu à peu à aimer comme Dieu pour que l’engagement de notre vie soit l’expression d'un plus grand amour. Ce que Dieu attend de nous ce n'est pas une grande ferveur mais une fidélité au quotidien.

Quels moyens puis-je alors choisir et décider pour faire un pas de plus dans la prière ? Peut-être suffit-il simplement de demander l'Esprit Saint comme nous le suggère Jésus, car « nous ne savons pas prier comme il faut, mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables » (Rm 8, 26).

Père Bruno