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Dix septième dimanche du temps ordinaire            29 juillet  2012

Les textes du jour (cliquez ici)

La suite logique de l’évangile de dimanche dernier aurait été de nous faire entendre le récit de la multiplication des pains en saint Marc. Cependant, c’est à partir de l’évangile selon saint Jean que la liturgie nous donne de méditer ce miracle important de la vie de Jésus. Nous avons là comme notre feuilleton de l’été : le miracle de la multiplication des pains aujourd’hui et le récit du pain de vie pour les quatre prochains dimanches.

Nous pouvons parfois rester perplexes quand nous lisons les récits de la multiplication des pains. Comment est-il possible de nourrir une foule de cinq mille hommes avec cinq pains d'orge et deux poissons ? Nous sommes plutôt dans l'attitude très pratique de Philippe – voire même très naturelle – « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain ». Pourtant, ce récit est commun aux quatre évangélistes – et rares sont ces récits ! – ce qui signifie sa grande importance qui n'est pas que symbolique.

Élisée avait déjà pu nourrir cent personnes avec vingt pains d'orge sans compter ce qui resta, mais nous sommes loin de la "prouesse" de Jésus : cinq mille hommes nourris avec cinq pains, sans oublier les douze paniers qui contiennent les restes ! Il semble évident que la lecture de ces récits ne peut pas se faire à un niveau comptable des choses. Quel peut donc être pour nous aujourd'hui le sens de ce signe, comme le nomme saint Jean ?

Ces textes insistent sur la volonté de Dieu de nous nourrir, de nous rassasier, comme il l'a manifesté à travers la manne donné au peuple dans le désert. Le psaume invite à l'action de grâces car le Seigneur « donne la nourriture au temps voulu », ajoutant même : « Tu rassasies avec bonté tout ce qui vit » (psaume). Ce n'est pas sans rejoindre la demande de Notre Père : « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour ».

Ce qui pourrait passer pour un détail dans l'Évangile nous éclaire sur le sens de cette nourriture que le Père veut pour nous : le signe de la multiplication des pains se situe « un peu avant la Pâque ». Plus qu'une indication chronologique, nous percevons que le signe de la multiplication annonce le sacrifice de Jésus sur la croix. Il y a un lien étroit entre le don des pains distribués à chacun – il n’est dit nul part dans le texte qu’ils sont multipliés – et le don de Jésus pour tous. La mort offerte de de Jésus nous révèle la prodigalité de l’amour de Dieu pour tous les hommes.

Jésus dit lui-même : « ma nourriture c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé » (Jean 4, 34). En faisant la volonté du Père nous nous nourrissons de son amour. Dans la prière du Notre Père, la demande du pain suit celle de la volonté. Dieu veut nous donner sa vie pour que nous vivions, et le sacrifice du Christ – que nous célébrons chaque eucharistie –, et ce par quoi nous atteint cette vie de Dieu. Mais nous ne savons bien, entrer dans cette communion d'amour exige de notre part que nous aimions en réponse celui qui nous aime déjà. Non pas bien sûr d'un amour équivalent, ce dont nous sommes incapables à cause de notre péché, mais d'un amour qui reste fragile.

C'est bien là le sens du signe de la multiplication des pains : d'un côté une nourriture surabondante, de l'autre cinq pains d'orge et deux poissons. Et ce qui est merveilleux dans ce récit, c'est l'attitude de ce jeune garçon anonyme qui donne sans compter aux Douze alors qu'il aurait pu garder tout ou partie de son précieux bien pour se nourrir par lui-même. Nous avons toujours à tenir compte de ce double échange : offrir au Seigneur notre vie avec nos limites, notre amour maladroit, pour recevoir de lui sa vie éternelle, son amour inconditionnel.

Comment vivre cette offrande de notre vie ? En suivant les conseils de Paul, qui nous redit l'appel que nous avons reçu de Dieu lui-même : « Ayez beaucoup d'humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour… » (2ème lecture). Offrir sa vie, c'est vivre avec humilité, douceur et patience, c'est porter les autres en étant dessous – sup-porter – pour les aider à grandir, c’est se nous nourrir du Christ pour nourrir ses frères.

Quand tout est accompli et que les pains restant sont rassemblés, la foule réalise ce qui vient de se passer. C’est alors que Jésus se retire. Il sait qu’ils veulent le prendre pour le retenir. Il se retire pour ne pas donner à cette multiplication des pains une signification matérielle et même spirituelle autre que la celle qui doit être la découverte du cœur de Dieu, de son amour pour les hommes. « L’homme ne vit pas seulement de pain. » Ce fut la tentation du désert aux premiers jours de sa vie publique.

Jésus se retire seul. Il n’est pas venu résoudre un manque de nourriture. C’est aux hommes de le faire. Il est venu nous rappeler l’essentiel. Ce n’est pas pour les pains multipliés gratuitement et les poissons distribués que nous devons le suivre. C’est pour la Parole qu’il donne. Celle qu’il leur a donnée, celle qu’il veut encore nous donner, celle à laquelle le long entretien qui suit (évangiles des prochains dimanches) donnera tout son sens : c’est lui le Pain de vie.

Père Bruno