Seizième dimanche du temps ordinaire 18 juillet 2010
Les textes du jour
Dieu s'invite chez nous ! Tel pourrait être le thème de ce dimanche. C'est d'abord Abraham qui reçoit chez lui trois hommes qui sont le Seigneur. L'icône de Roublev souvent appelée "icône de la Trinité" reproduit cette visite. Saint-Paul ensuite affirme que le Christ est au milieu de nous. Marthe et Marie, enfin, reçoivent chez elles Jésus. Que ce soit Abraham ou les deux sœurs, ces visites sont l'occasion d'un repas : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Apocalypse 3,20)
Lorsqu’Abraham offre l'hospitalité à ses visiteurs il ne fait pas les choses à moitié. Le texte s’attarde à développer l'activité du patriarche qui va chercher l'eau, le pain, demande à Sarah de faire des galettes et fait préparer un veau. Une telle générosité est banale dans cette civilisation-là. Ce qui l'est moins c’est qu'Abraham reconnaît que c'est Dieu lui-même qui s'est invité chez lui. Il ne fait aucun doute pour lui que ces trois visiteurs sont Dieu en personne, ce qui explique l'hésitation du texte qui mentionne indistinctement « le Seigneur », « le voyageur », « trois hommes ».
Si Dieu s'invite chez l'homme c'est que désormais ce n'est plus à l'homme de se hisser à la hauteur de Dieu au prix de sacrifices inhumains. Il revient à l'homme de l'accueillir chez lui, au milieu de ses activités quotidiennes : « Il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. » (Luc 19,5) De plus lorsque Dieu est accueilli, il est toujours porteur d'une promesse : la vie avec lui porte un fruit qui demeure (cf. Jean 15,5). C'est le sens de l'annonce de la naissance d'Isaac faite à Abraham. Comment alors accueillir Dieu dans son quotidien ?
La visite de Jésus chez Marthe et Marie nous donne la manière : une manière d'être plus qu'une manière de faire. On a souvent opposé Marthe et Marie, faisant de la première une active et de la seconde une contemplative, interprétant à l'excès la remarque de Jésus : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. » Qu'en est-il réellement ? Les deux femmes accueillent Jésus en lui donnant toute leur attention : Marthe pour bien le recevoir prépare le repas, Marie pour bien recevoir sa parole est assise à ses pieds.
Jésus ne remet en cause l'activité dont fait preuve Marthe. Il est évident que l'hospitalité souvent rime avec bon repas, surtout à cette époque, ce qui suppose des préparatifs comme Abraham en a lui-même fait preuve en recevant ces trois visiteurs. Ce que Jésus pointe, c’est la manière dont peu à peu Marthe, se laissant accaparer par le service, finit par donner plus d'importance à ce qu'elle fait plutôt que pour qui elle le fait. A tel point que sa relation avec sa sœur en devient faussée : elle ne s'adresse plus à elle, mais demande à Jésus de lui dire ce qu'elle pense.
Dans tout service, il y a le danger de s'activer, parfois même de s'épuiser, pour que tout soit bien fait, en oubliant le destinataire du service. Le service n’est alors vécu que pour lui-même et non comme expression de l'accueil de l'autre. C'est là le sens de la remarque de Jésus qui mentionne combien Marie reste tendue vers l'accueil, à l'écoute de celui qui s'est invité. L'écoute est nécessaire si on ne veut pas rester centré sur soi en voulant servir l'autre. Accueillir le Seigneur chez soi commence donc par écouter sa parole, se laisser modeler par elle pour que nos engagements, nos services… soient réponses à cette parole.
L'auteur de l'épître aux Hébreux affirme : « N'oubliez pas l'hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges. » (Hébreux 13,2) Cela signifie que nous sommes appelés à vivre chaque visite comme Dieu lui-même venant nous visiter. C'est un des sens de l'affirmation de Paul : « Le Christ est au mieux de nous » (2ème lecture) que l'on peut mettre en parallèle avec : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. » (Matthieu 25,40) Puisque Dieu s'invite chez nous, il nous appartient de vérifier la qualité de notre accueil pour tout homme. Le disciple n'est pas appelé à déployer une générosité sans bornes mais à accueillir tout autre comme le Seigneur en personne, à écouter son hôte avant de vouloir faire pour lui.
Il
arrive parfois qu’à la fin de la journée nous nous posions la question de ce
que nous avons bien fait, repérant aussi ce que nous pourrions améliorer ou ne
plus faire. Cet examen de conscience est pertinent mais risque de réduire notre
vision des choses à leur aspect moral (bien–mal). Les textes de ce dimanche nous
invitent à nous poser la question autrement : « comment ai-je accueilli les
autres ? » ou bien encore : « comment ai-je écouté les autres ? »
Pourquoi ne pas essayer de considérer ainsi nos journées durant tout le temps
de l'été. Et nous ferons alors l'expérience que l'hospitalité est un véritable
chemin de conversion.
Père Bruno