Quatorzième dimanche du temps ordinaire 04 juillet 2010
Les textes du jour
Tandis que l'Évangile de dimanche dernier nous présentait trois façons d'être disciple pour lesquelles le Christ n'était pas vraiment la priorité, la mission des soixante-douze disciples nous ouvre à une juste attitude, celle à laquelle est appelée tout disciple : soixante-douze signifiant l'universalité.
Ceux-là sont d'abord désignés par le Christ, c'est lui qui a l'initiative du choix. Le disciple est celui qui commence par rendre grâce pour avoir été choisi par le Christ. Ce choix ne signifie pas des qualités ou des compétences que les autres n'auraient pas – voire même une supériorité – mais il rappelle que la suite du Christ est réponse à un appel qui est premier et non élan de générosité.
Ces soixante-douze sont ensuite envoyés par le Christ : ils reçoivent leur mission et vont apprendre à la vivre deux par deux, formant ainsi une cellule d'Eglise. « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom je suis au milieu d’eux. » (Matthieu 18,20) Personne ne peut être disciple à son compte, tout seul ; toute mission est reçue et vécue en Eglise. C’est donc bien l’envoi de l’Eglise de tous les temps par le Seigneur Ressuscité, dont il est question dans l’Evangile de ce jour. Les soixante-douze préparent la venue du Christ : « Là où lui-même devait aller ». Le disciple a pour mission de désigner un Autre, le Christ.
Jésus développe alors le contenu de cette mission. Il ne dit rien sur ce qu’il faut faire mais s’attarde sur l’attitude à avoir. Le préalable de la mission est la prière de telle sorte que le maître de la moisson – c'est-à-dire le Père – envoie des ouvriers et non pas m'envoie personnellement pour sa mission. La mission est d’abord l’œuvre du Père. Elle n’est pas d’abord quelque chose à faire mais l’accueil de la manière d’aimer du Père. Le disciple offre sa disponibilité au Père, le laissant envoyer qui il veut.
À ceux qui sont envoyés « comme des agneaux au milieu des loups », il est demandé de ne rien emporter – ni argent, ni sac, les sandales –, rien qui puisse donner de l'assurance par soi-même. La force du disciple est dans la confiance qu'il reçoit du Christ et qu'il met en lui. Jésus lui-même a été cet agneau au milieu des loups ; c’est dire combien le disciple ne peut vivre sa mission qu’uni au Christ.
Il n'est pas question alors d'enseigner une vérité, de se perdre en discours inutile ; il s'agit seulement d'annoncer la Paix, c'est-à-dire la présence de Ressuscité au milieu de nous qui engage celui qui l’accueille à la vivre. Le disciple ne peut obliger celui qui le reçoit d'accueillir son message. A celui qui l’accueille il doit se rendre disponible ; à celui qui le rejette il n'a pas à s'imposer, pas même à lui prendre quoique ce soit, jusqu'à la poussière. Rien n’empêche néanmoins au règne de Dieu d'être proche. Ce règne de Dieu n’est pas à redouter comme le temps de la vengeance du Tout-puissant contre son peuple rebelle ; tout au contraire : « de même qu’une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai », dit le Seigneur (1ère lecture). Il ne revient pas au disciple de l'imposer, seulement d'en témoigner par toute sa vie.
La finale de l'Évangile met bien en évidence que s’il y a un résultat à la mission, l'essentiel n'est pas là. Si les disciples sont tout joyeux de raconter à Jésus ce dont ils ont été capables, c'est parce que cela leur a été donné. Le plus important c'est que leur nom soit inscrit dans les cieux, c'est-à-dire qu'il soit dans le cœur de Dieu, source de toute fécondité.
Jésus ajoute également qu’il a donné un pouvoir à ses disciples : « Je vous ai donné pouvoir d'écraser serpents et scorpions, et pouvoir sur toute la puissance de l'Ennemi. » De quel pouvoir s’agit-il ? Le seul dont était habité Jésus : le pouvoir de l’amour. Le disciple est appelé à engager toute sa vie sur ce pouvoir-là : aimer sans juger, sans chercher à convaincre ; aimer jusqu’à donner de sa vie pour les autres. C’est dans ce sens que nous pouvons comprendre : « Rien ne pourra vous faire du mal. »
Le disciple n’est pas un « super héros » ou indifférent au mal mais, comme le souligne Saint Paul, il met son orgueil dans la croix du Christ (cf. 2ème lecture). Comment la croix peut-elle est objet d’orgueil ? L’orgueil est ce qui nous rend fort devant les autres. La croix, lieu de la vulnérabilité offerte, est le lieu où l’amour est manifesté comme plus fort que tous les refus d’aimer. Sur la croix, Jésus ne dit rien mais il livre sa vie et son amour sans rien attendre en retour, en s’en remettant totalement à son Père. Le disciple est appelé à emprunter le même chemin, à la suite du Christ.
Tel
est le message que nous avons à annoncer, à proposer, à offrir de la part de
Dieu notre Père. Sans chercher à convaincre par des procédés et des astuces de
ce monde, mais dans la simplicité d’un cœur livré à l’Esprit et qui le laisse
parler et agir à travers nous. Cela suppose que le disciple se laisse déjà
envahir par cette présence de Dieu, qu’il sache lui-même accueillir ceux que le
Père envoie au devant de lui.
Père Bruno