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 Trente troisième dimanche du temps ordinaire

 Année A              13 novembre 2011

À travers cette parabole, Jésus nous parle de sa venue. Il nous enseigne comment tenir aujourd’hui dans l’attente de cette venue. Il est question d'un homme qui, avant de partir en voyage, confie ses biens à ses serviteurs. Il fait donc confiance à chacun et les connait personnellement puisqu'il donne à chacun « selon ses capacités ».

Spontanément, nous pourrions penser que de ne pas donner autant à chacun n'est pas juste. Pourtant, nous savons bien que nous ne sommes pas tous capables des mêmes choses. Toute comparaison, qui ne peut être que stérile, conduit à la jalousie. Les exemples dans notre vie relationnelle ne manquent sans doute pas où nous avons l'impression que certains ont plus de chance que nous, et nous en sommes souvent jaloux.

Cet homme de la parabole tient compte du possible de chacun, sans comparer les uns aux autres. D'ailleurs, lorsqu'il revient, les deux premiers serviteurs s'entendent dire la même chose et partagent la même joie de cet homme : « Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître ».  Dieu donne à chacun selon ses capacités et ne demande à personne plus qu'il ne peut donner.

Il est nécessaire de prendre le temps pour reconnaître ses talents – si dans la parabole le talent correspond à une pièce de monnaie, nous pouvons lui donner le sens usuel que nous lui connaissons : don, aptitude… –. Ces talents donnés par Dieu sont nos capacités naturelles : la santé, la mémoire, l'intelligence, l'écoute, l'entrain, ce que je fais bien naturellement…, ainsi que les compétences acquises, souvent liées aux capacités naturelles.

Dire que ces talents nous sont confiés, c'est dire que nous en sommes responsables. Dieu nous veut responsables de notre vie. La question qui nous préoccupe devient : qu'est-ce que je fais de mes talents, de ce que Dieu m'a confié selon mes capacités ? Les deux premiers serviteurs les font fructifier, c'est-à-dire qu'ils leur font porter du fruit. Je suis appelé à mettre au service des autres ce que Dieu me donne ; c'est alors que ma vie portera du fruit.

C'est pourquoi la comparaison ne sert à rien : si je fais bénéficier à l'autre de ce que je sais bien faire il grandira et inversement je grandirai par les autres, m'appuyant sur leurs talents. Aux yeux de Dieu, ce n'est pas le résultat qui compte – quatre talents, c’est moins que dix ! – Mais il éprouve de la joie lorsqu'il nous voit déployer nos capacités au service des autres.

Il nous arrive parfois de vouloir nous construire en fonction d'un idéal de soi. C'est ne pas vouloir considérer la vérité de ce que nous sommes et ignorer nos vrais talents. Nous déployons alors une énergie qui ne nous mène pas à grand chose, si ce n'est à l'épuisement. Par contre, si j'engage ma vie en faisant fructifier ce qui de moi donne un élan de vie aux autres, alors je suis heureux et entre peu à peu dans la joie que Dieu a envers moi.

Pour autant, cela suppose de prendre des risques, de sortir de soi, parfois de sortir des voies que les autres imaginent pour nous. Trop souvent cette prise de risques nous fait peur : peur de se tromper, peur du regard des autres. C'est le drame du troisième serviteur : il est honnête puisqu'il rend son talent mais il a peur comme lui-même le dit: « J'ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre ».

Il a oublié que son talent lui avait été confié selon sa capacité et ne voit plus dans l'homme parti en voyage que quelqu'un de dur et sévère. Il s'est enfermé dans cette image fausse et refuse toute relation. Les deux premiers serviteurs s’adressent à leur maître en lui disant : « Tu m’as confié… », tandis que le troisième, centré sur lui, dit : « Je savais que… ».

À son retour, l'homme juge le troisième serviteur en fonction de l'image qu'il s'est fait de lui. Il est important de bien saisir que ce serviteur n'est pas puni par son maître mais ce dernier, prenant en compte qu'il ne veut pas de relation avec lui,  le met hors de sa relation. Nous savons bien que hors de Dieu qui est lumière et vie, ce sont les ténèbres et la mort.

Nous laisser guider par la peur et refuser de développer nos capacités, ce qu'il y a de bon et de beau en nous, c'est s'engager sur une voie où nous ne serons pas heureux et où peu à peu nous aurons le sentiment de ne plus avoir ce qui initialement nous mettait en route. « Celui qui n'a rien - pense ne rien avoir – se fera enlever même ce qu’il a ». Il n’est pas pensable que Dieu n’ait donné aucun talent à quelqu’un !

Dieu nous propose un chemin de vie et d'abondance : « Il sera dans l’abondance… ». Tout commence par l’écoute des possibles qui sont en soi. Je suis unique dans le cœur de Dieu, et ce que je suis appelé à faire fructifier pour les autres est également unique. Dieu espère la réponse de chacun, même balbutiante. « Entre dans la joie de ton maître ».   

Père Bruno