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Douzième dimanche du temps ordinaire                   20 juin  2010

Les textes du jour (cliquez ici)

 « Un jour, Jésus priait à l'écart. » Cette indication donne la tonalité de cette page d'Évangile. Le dialogue entre Jésus et ses disciples, l'annonce de sa passion et de sa résurrection, les exigences de celui qui veut être disciple sont le fruit de sa prière. Cela signifie qu'au-delà des mots, Jésus nous livre le fruit de la relation qu'il vit avec son Père et dans laquelle il veut faire entrer progressivement ses disciples.

Jésus commence par interroger ses disciples sur ce que la foule dit de lui. Il ne s'agit pas là d'une enquête d'opinion ou d'un audimat permettant à Jésus de connaître sa côte de popularité ! À travers ce « que dit-on de moi ? » Jésus donne l'occasion à ses disciples de donner une réponse sur son identité sans vraiment s'impliquer. Nous-mêmes avons des réponses toutes faites sur Jésus, réponses qui ne sont pas nécessairement fausses –apprises peut-être même dans le catéchisme de l'Eglise ! – mais sans véritablement d'implication de notre part. Cette façon de dire les choses sur Jésus nous laisse en dehors d'une relation avec lui.

D'où l'insistance de Jésus : « pour vous, – c'est-à-dire pour toi personnellement – que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? » La réponse de Pierre est le fruit d'un long compagnonnage avec Jésus : il l’a suivi tandis qu'il proclamait la Bonne Nouvelle, rendait la vue aux aveugles, guérissait les malades... Il reconnaît en lui celui dont le prophète Isaïe parle comme du Messie. Il peut alors répondre à Jésus, sans doute de tout son cœur et animé d'une profonde espérance : « Tu es le Messie ! Tu es celui que Dieu nous avait promis et que tout Israël attend. » Ce peut être l'occasion pour nous de faire silence, de prier notre réponse pour exprimer au Christ qui il est pour nous. Relisant notre chemin avec lui, nous pouvons prendre le temps de laisser jaillir de notre cœur notre cri de foi : « Pour moi, Jésus, tu es… ».

Jésus peut alors amener ses disciples à faire un pas de plus dans l'intimité qu'ils ont avec lui : il n'est plus question d'un enseignement à apprendre et à répéter : « il leur défendit vivement de le révéler à personne », mais d'une expérience à vivre avec lui, expérience qui passe par la contemplation du crucifié et la reconnaissance du Ressuscité, expérience qui transforme intérieurement celui qui la vit.

Le « il faut » qu'emploie Jésus n'exprime pas une fatalité mais un accomplissement. La passion que Jésus annonce à ses disciples n'est pas un programme voulu par son Père que Jésus accomplirait par obéissance, elle est la conséquence d'un amour que Jésus donne à chacun, amour qui s'accomplit dans le don de sa vie tandis que les hommes font tout pour empêcher cet amour ; amour plus fort que nos refus de nous laisser aimer et d'aimer. À travers cette annonce de sa passion, de sa mort et de sa résurrection, Jésus prépare ses disciples à ce qu’ils vont vivre avec lui.

À partir de là, ils seront eux-mêmes transformés par le message qu'ils annonceront. Il nous est nécessaire, à nous qui voulons suivre le Christ, de vérifier comment ce que nous disons de lui traduit ce que le compagnonnage avec lui produit en nous. C'est le sens des consignes que Jésus livre à la foule à la fin de cette page d'Évangile.

C'est une proposition que Jésus adresse à chacun : « Celui qui veut... » Décider de marcher à la suite de Jésus suppose d'abord de renoncer à soi. Non pas que le disciple perde toute identité mais on ne peut pas suivre Jésus et soi-même. Impossible de marcher sur ces deux voies à la fois : choisir le Christ Jésus suppose de n’en suivre qu’une. C'est pourquoi celui qui veut être disciple devra prendre sa croix.

Il n'est nullement question d'une souffrance qu'il faudrait accepter, voire rechercher, pour être capable de suivre le Christ ! La croix de Jésus est l'expression de son amour infini que rien n'arrête, pas même l'hostilité envers lui. Prendre sa croix personnelle – et non la croix de Jésus ! – c'est s'engager dans un amour de don qui ne cherche pas à être compris et accueilli ; c'est oser se décentrer de soi et se détacher de tout ce qui nous replit sur soi pour rejoindre l'autre, y compris dans son refus de nous accueillir. Un tel engagement n'est pas possible par notre seule volonté.

Il suppose de choisir en premier le Christ pour recevoir de lui cette capacité à se donner. Vouloir y arriver tout seul c’est ce perdre tandis que se livrer d'amour au Christ c'est le laisser nous apprendre à aimer davantage comme lui : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. » Le disciple est celui qui, ayant « revêtu le Christ » (cf. 2ème lecture), décide de lui appartenir : « Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est mort et ressuscité pour nous… » (Prière Eucharistique n° IV). C'est dans cette intimité avec le Christ que toute notre vie témoignera de ce qu’il est pour nous. « Et toi, que dis-tu ? Pour toi, qui suis-je ? »

Père Bruno