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Onzième dimanche du temps ordinaire                   13 juin  2010

Les textes du jour (cliquez ici)

« Heureux l’homme dont la faute est enlevée et le péché remis. » (Psaume 31) C'est par cette béatitude que nous pouvons accueillir les lectures de ce dimanche où est réaffirmé avec force comment l’amour de Dieu se déploie à travers sa miséricorde infinie pour tout homme. Mais en même temps, cette miséricorde n'est pas automatique. Il ne suffit pas de se tourner vers Dieu et de lui demander pardon. Une telle démarche ne nous responsabiliserait guère.

Dieu attend de nous que nous reconnaissions notre péché, que nous prenions conscience que notre péché blesse le cœur de Dieu tout autant que le cœur de l'homme. Si le Seigneur ne retient pas l'offense, il nous demande de lui faire connaître notre faute (cf. Psaume 31). Alors que le roi David avait commis un double péché (l'adultère et le meurtre : cf. 2 Samuel 11) le Seigneur ne lui pardonne que lorsqu'il a reconnu et confessé son péché : « J'ai péché contre le Seigneur ! » (1ère lecture)

C'est ce qui sépare le pharisien de la femme pécheresse de l'Évangile. À aucun moment le pharisien n’a conscience de son péché : il réduit la femme qui se tient derrière Jésus à son péché et doute de l'autorité de Jésus « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse » (Evangile). Il refuse d'accueillir en vérité cette femme et Jésus, il s'enferme dans ses vues à lui. Cette attitude correspond à une des facettes du péché : considérer l'autre à partir de soi alors qu'une juste attitude est l'accueil de l'autre tel qu'il se révèle à moi. Le péché est un regard faussé sur l'autre, et plus largement sur soi et sur Dieu.

La femme, quant à elle, se présente à Jésus dans une attitude radicalement différente. Elle ne dit rien, ne cherche ni à convaincre ni à justifier. Elle s'en remet totalement à Jésus, comme l’exprime son geste de verser du parfum sur ses pieds. C’est bien ce que perçoit Jésus : « Si ses péchés, ses nombreux péché, sont pardonnés, c'est à cause de son grand amour. » Jésus laisserait-il entendre que les péchés de cette femme sont pardonnés parce qu'elle a aimé. Certainement pas !

En effet la miséricorde est gratuite et sans condition. Mais cette femme vit déjà dans l'espérance du pardon qu'elle va recevoir. Sa foi en Jésus est telle que sa vie en est déjà convertie. Elle manifeste un grand amour avant même que le pardon ne lui ait été donné. Une telle foi signifie la reconnaissance de son péché et de son indignité, la confiance qu'elle met en celui-là seul qui peut la relever, et la vie nouvelle qu'elle désire à partir du pardon reçu. C'est pourquoi Jésus pourra lui dire : « Ta foi t'a sauvée ». Faire l’expérience du pardon divin implique donc que l’on ait reconnu, accepté et offert sa pauvreté au Seigneur. En effet, celui qui est riche de lui-même n’a pas besoin de pardon ; parce qu’il n’en voit pas l’utilité. Du coup, comment pourrait-il exprimer de l’amour vis à vis de celui dont il pense ne rien avoir à recevoir ?

Nous ne pouvons que nous émerveiller de la façon dont Jésus s'y prend : à aucun moment il n'enferme cette femme dans son péché à la différence du pharisien. Il a sur elle un regard d'espérance. Et c'est ce même regard qu'il porte sur Simon. Plutôt que de lui annoncer une vérité toute faite, il lui raconte une petite parabole. C'est à Simon de trouver par lui-même le sens de cette histoire : « Lequel des deux l'aimera davantage ? » Et c'est à lui de décider ou non de l'appliquer à sa propre vie.

C’est toujours ainsi que Jésus s'y prend. Il ne commence jamais par montrer du doigt le péché mais il invite le pécheur à reconnaître par lui-même ce qui est faussé en lui de telle sorte qu'il puisse accueillir le pardon de tout son cœur et en vivre dans le concret de son existence (cf. Zachée). Il nous appartient avec humilité de laisser la Parole de Dieu éclairer notre péché pour éviter deux écueils : le sentiment de ne pas pécher et une mauvaise perception de son péché, culpabilisante ou malfaisante.

C'est la foi qui nous rend justes devant Dieu et non l'observance de la loi (cf. 2ème lecture). L’oraison de ce dimanche part de ce constat « sans toi l'homme ne peut rien » (oraison du 11ème dimanche) et Saint-Paul nous livre sa propre expérience « je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi » (2ème lecture). Si le péché reste toujours une réalité de notre vie, il dépend de nous de bâtir notre vie profondément enracinés en Christ pour vivre le pardon offert.

Pour ne pas faire de la miséricorde une simple banalité qui efface notre péché mais qui déploie en nous une vie nouvelle, nous avons toujours à vérifier notre attachement Christ. C'est lui qui nous donne d'accueillir et de reconnaître la vérité de ce que nous sommes, c'est avec lui que nous pouvons nous tourner vers le Père en lui disant : « Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péché. » (Psaume 31).

Père Bruno