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Nuit de Pâques - année C

30 mars 2013

Les textes du jour (cliquez ici)

« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est Ressuscité ! » Voilà la nouvelle inouïe qui retentit pour nous cette nuit. Tandis que les femmes se sont mises en route pour embaumer un cadavre, tandis qu’elles se sont mises en route de bon matin pour chercher un corps, elles repartent vers les Onze et tous les autres porteuses d’un message à peine crédible : Jésus crucifié est désormais le Ressuscité.

C’est cette même nouvelle qui retentit pour nous cette nuit. Heureux sommes-nous ce soir si ces propos nous semblent délirants ! Si seulement nous étions comme Pierre, étonné de ce qui était arrivé. Mais nous sommes tellement habitués à affirmer que le Crucifié est devenu le Ressuscité que cela finit par n’être plus qu’une banale nouvelle. Si la Bonne Nouvelle de la Résurrection ne produit rien en nous, c’est sans doute que notre foi devient tiède.

Comment les hommes qui se présentent aux femmes qualifient-ils le Ressuscité ? Ils parlent de lui comme du Vivant. Ainsi, croire au Christ Ressuscité ce n’est pas croire en une idée mais en quelqu’un. Nous pouvons même affirmer que le Ressuscité est le vivant avec un grand V.

La résurrection n’est pas la récompense qu’il aurait obtenue de son Père parce qu’il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Non ! La résurrection est l’aboutissement de tout ce qu’a été sa vie parmi les hommes. Jésus, présent au milieu des siens, n’a été que don, don d’amour auprès de chacun, et plus particulièrement les exclus de son temps : les malades, les pécheurs. Ce don d’amour n’a pas été que des paroles, même de compassion, mais un amour en acte.

Toute sa vie, Jésus a choisi de servir la vie de ses frères, d’être attentif au moindre signe de vie présente en l’autre, parfois enfouie sous le péché, la maladie, la peur. Rien en lui n’a pu empêcher sa vie, son amour, d’atteindre le cœur de celui qui était en face de lui, même ceux qui ont voulu le mettre à mort. C’est pourquoi la mort n’a pas eu de prise sur lui.

« Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? » Le Ressuscité est le Vivant : nous pourrions dire qu’il est la vraie Vie. Et parce qu’il ne peut pas garder cette vie pour lui-même, il veut nous la communiquer. Il veut faire de nous des vivants, des hommes et des femmes capables de rechercher et de déployer la vraie vie qui est latente en eux.

Nous avons cette facilité étonnante de nous satisfaire d’une vie à moitié, à moitié de nous-mêmes. Il nous semble plus facile de faire comme tout le monde, plutôt que d’être attentifs à la vie qui est en nous. Dieu veut faire de nous des vivants.

Nous avons entendu le récit de la sortie d’Égypte. Dieu marche en avant de son peuple pour lui ouvrir un chemin de libération, un chemin de vie nouvelle. Le prophète Isaïe, nous invitant à chercher le Seigneur, rapportait ce cri que Dieu adresse une nouvelle fois à chacun d’entre nous : « Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez ! » (Is 55, 3).

Le prophète Baruc faisait ce douloureux constat : « Si tu avais suivi les chemins de Dieu, tu vivrais dans la paix de Dieu pour toujours » (Ba 3, 13). Il nous donnait comme conseil : « Apprends où se trouvent de longues années de vie » (Ba 3, 14). L’apôtre Paul nous rappelait que par le baptême nous menons une vie nouvelle avec le Christ (cf. Rm 6, 4). Oui, Dieu veut faire de nous des vivants, et pour cela il nous communique sa vie éternelle en nous donnant son Fils.

A notre tour, nous deviendrons des vivants en ouvrant notre cœur à la présence du Ressuscité dans tout ce que nous vivons au quotidien. Avez-vous remarqué la première attitude des femmes devant ces hommes revêtus d’un vêtement éblouissant ? Elles baissent le visage vers le sol. Voilà bien le paradoxe : face à la lumière, elles regardent la ténèbre.

Mais ne nous y trompons pas, c’est bien souvent ce même paradoxe qui nous anime. Nous sommes pris par le tourbillon de la recherche de soi, de la reconnaissance des autres, du plaisir immédiat. Nous avons peur de ne pas être appréciés et avons parfois le sentiment de devoir toujours être à la hauteur.

Pourtant, qu’est-ce qui est déjà lumière en nous ? Non pas notre tête même si nous pouvons avoir des idées lumineuses, non pas ce que nous faisons car d’autres font comme nous et certains même mieux que nous. C’est notre cœur qui est déjà lumière en nous. Le Vivant vient à notre rencontre ce soir pour libérer tout ce qui étouffe l’élan généreux de notre cœur, pour nous libérer de cette peur qui nous centre sur nous-mêmes.

La vie nouvelle, celle que Dieu veut pour nous, avec nous, consiste à déployer le meilleur de nous-mêmes en le mettant au service des autres. Nos choix de vie, nos engagements, notre façon de vivre notre travail, de tisser nos relations sont-ils le reflet de la beauté intérieure de notre cœur ? Là où la tête complique tout, le chemin du cœur se déploie dans une simplicité de vie qui suscite une liberté intérieure.

Accueillir le Vivant dans notre vie c’est apprendre de lui à vivre, à vivre en vérité avec nous-mêmes. Notre cœur est fait pour aimer, notre vie est faite pour servir. Le Vivant veut nous communiquer sa vie pour que notre cœur anime toute notre vie, pour que toute notre vie prenne sens dans notre cœur.

Il nous redit ce soir : ne soit pas un demi mort ou un demi vivant ! C’est à chacun de décider ou non d’accueillir la vie du Ressuscité pour devenir vivant par Dieu en Jésus-Christ (cf. 2ème lecture). Comment vérifier que nous vivons de la vie du Ressuscité, que nous vivons en Jésus-Christ ? En devenant ami et icône du Ressuscité.

Peu avant sa mort, Jésus confie à ses disciples : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis » (Jn 15,15). Vivre de la vie du Ressuscité, c’est vivre en amitié avec le Christ. Interrogeons-nous sur ce compagnonnage que nous vivons avec le Christ. Pour saint Paul la réponse était limpide : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2,20).

Nous n’en sommes peut-être pas encore là mais le Christ est-il pour nous cette pierre angulaire sur laquelle nous construisons notre vie. Le Christ ne peut pas nous décevoir comme nous ne pouvons pas le décevoir, bien au contraire. Être disciple n’est-ce pas devenir chaque jour davantage amoureux du Christ ?

Ce qui suppose de notre part de prendre du temps avec lui, de nourrir notre relation avec lui. Parce que les femmes ne se rappelaient plus les paroles que Jésus leur avait dites, elles baissent le visage vers le sol. Écouter, méditer, ruminer la Parole de Dieu nous décentre de nous-mêmes, élève notre visage vers la source de la vie. Ces femmes du matin de Pâques ne voient pas le Ressuscité mais dès qu’elles se rappellent ses paroles, elles se mettent en route.

Nous avons aussi à nourrir notre relation au Ressuscité : dans la prière bien sûr, mais de façon encore plus radicale à chaque eucharistie où nous communions au corps Ressuscité du Christ. Chaque eucharistie devrait être pour nous l’occasion d’une renaissance, naissant à la vie du Ressuscité tandis que l’agitation de notre quotidien risque de nous replier sur nous-mêmes.

Vivre la vie du Ressuscité c’est grandir en amitié avec lui. C’est ainsi que nous devenons vivants. Cette amitié avec le Ressuscité nous propulse alors hors de nous-mêmes. Vivre du Ressuscité entraîne toujours une sortie de soi pour aller rejoindre nos frères. C’est bien ce que vivent ces femmes qui se mettent aussitôt en route dans les Onze et tous les autres.

La vie qui fait de nous des vivants passe par le don de nous-mêmes, par l’ouverture de notre cœur pour devenir proches de tout homme, pour servir la vie qui est en eux. Le Ressuscité nous entraîne à sa suite, hors de nous-mêmes : il fait de nous ses icônes auprès de nos frères. L’icône ne se contemple jamais elle-même mais elle reflète une vérité et une réalité qui la dépasse entièrement.

L’amitié avec le Christ purifie peu à peu nos désirs, notre volonté, notre intelligence de telle sorte que nous nous ajustons à lui et devenons ainsi le reflet de son amour. Le Christ purifie, parfois à travers des chemins que nous n’aurions pas choisis (cf. le sacrifice d’Isaac dans la 1ère lecture) de telle sorte que nous lui devenons semblables pour rayonner sa présence en allant à la rencontre de nos frères.

Dieu nous a créés à son image et à sa ressemblance. Le Ressuscité, le Vivant, fait de nous des créatures nouvelles : l’image devient amitié et la ressemblance devient icône. Ce soir ne cherchons pas le Vivant parmi les morts, ne cherchons pas le Vivant hors de notre vie. Accueillons sa Vie au plus intime de nous-mêmes. Devenons davantage amoureux du Christ. Reflétons par toute notre vie. Pourrait-on imaginer un plus grand bonheur que celui-là ? Christ est ressuscité ! Il est Vivant ! Avec lui devenons des vivants, pour notre joie et le service de nos frères !

Père Bruno