Fête de la Sainte Trinité 30 mai 2010
Les textes du jour
Quand nous évoquons la Trinité, nous pensons
souvent à quelque chose de compliqué. Nous en parlerons alors comme d'un
mystère – au sens mystérieux, obscur –,
alors qu'il s'agit bien d'un mystère mais comme Paul utilise ce mot : la façon
dont Dieu se révèle progressivement aux hommes.
Il est vrai que même les textes de ce
dimanche ne sont guère explicites sur la Trinité. Et pour cause, rares sont les
passages de l'Ecriture qui contiennent un tel développement. Alors
qu'affirmons-nous lorsque nous confessons Dieu Père, Fils et Esprit, « un seul
Seigneur dans la Trinité des personnes et l'unité de leur nature » (préface) ?
Simplement que Dieu n'est pas statique !
Lorsque nous évoquons notre amour humain nous percevons bien qu’il s’agit d'une
expérience plus que d'un raisonnement. Qui peut expliquer l'amour entre deux
personnes ? Au mieux nous pouvons en percevoir les fruits mais nous ne
trouverons jamais une explication rationnelle. Par contre, nous mesurons à quel
point l’amour vrai est élan, mise en route, mouvement... Il en est de même en
Dieu. Confesser un Dieu qui n’est qu'Amour, c’est reconnaître à la fois un
mouvement de lui à nous (Dieu nous communique son amour) et un mouvement en lui-même,
à l’intérieur de lui-même.
Les trois personnes de la Trinité – en
sachant que le mot "personne" n’a pas là son sens habituel mais
reprend une notion de la philosophie grecque – sont comme les trois
"pôles" d'une même réalité. Le véritable amour n'est que don gratuit
et inconditionnel : le Père est la source absolue de ce don, le Fils accueille
sans aucune entrave ce don pour le rendre à son Père, l'Esprit est cette
communion d'amour qui unit le Père et le Fils.
Mais le plus inouï, ce n'est pas tant que
Dieu soit trinitaire, soit Amour en lui-même, c’est bien davantage que nous soyons
invités à participer à cet Amour, à nous y associer alors que notre amour est
fragile et infidèle. La Trinité nous appelle à naître à son amour. Comment ? En
naissant avec le Christ, c'est-à-dire en con-naissant
le Christ. Comment connaître le Christ ? En accueillant l'Esprit qui « nous le fait connaître ». Cette
expression revient trois fois dans l'Évangile. Cette connaissance n'a rien d'une
réalité intellectuelle : il s'agit bien de naître à quelqu'un.
Nous percevons alors que la confession de
foi au Dieu Trinitaire nous engage tout entier. Dieu n'est pas une idée à
laquelle nous nous référons, il vient à nous en nous communiquant son amour de
telle sorte que notre vie soit comme "aspirée" par cet amour. C'est
pour chacun de nous un appel à engager notre vie de telle sorte que ce qui est
premier c'est notre façon d'aimer et non notre façon de faire, en puisant à la
source de l'amour de Dieu. Pour nous permettre de vivre dans cette dynamique,
le Père nous donne l'Esprit ; c'est lui « qui
nous guidera vers la vérité tout entière » (Evangile). Quelle vérité ? Le
Fils puisque Jésus dit : « Je suis le
Chemin, la Vérité et la Vie » (Jean 14,6).
Dieu a de l'ambition pour nous ! Celle de
l'amour. Il veut nous rendre capables de vivre et de rayonner son amour. Cela
ne vient pas de nous ; il s'agit d'un appel qui retentit dans le cœur de tout
homme, chacun restant libre de sa réponse. Croire que nous pouvons y arriver
par nous-mêmes est une illusion. Paul parle même de détresse. Acceptant
résolument de nous en remettre à Dieu, notre orgueil n'est plus en nous mais en
Lui.
C’est ce que développe Saint Paul dans sa lettre aux Romains (2ème lecture). Cette détresse – acceptation de ne pas y arriver tout seul – produit la persévérance, car c'est sans cesse qu'il nous faut choisir d'enraciner notre vie dans l'amour de Dieu. Cette persévérance produit la valeur éprouvée car nous grandissons alors dans l'amour. Cette valeur éprouvée produit l'espérance, celle de vivre pleinement dans la communion de l'amour trinitaire. Voilà le projet de Dieu sur tout homme. Pour y parvenir il suffit de s'appuyer sur l'amour de Dieu qui « a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné » (2ème lecture). Nous pouvons même nous émerveiller que l’Esprit Saint trouve « ses délices avec les fils des hommes ». En effet, la sagesse dont parle le livre des proverbes a très vite été identifiée par les premiers chrétiens à l’Esprit de Dieu présent à ses côtés quand il a créé le monde (cf. 1ère lecture).
Fêter Dieu Trinité, c’est donc nous redire
que notre foi n’est pas qu’une adhésion intellectuelle à la vérité de Dieu, Un
et Trine. A travers elle, nous reconnaissons de quel amour Dieu nous aime, nous
accueillons cet amour pour en vivre et le répandre autour de nous. Nous ne
pouvons pas confesser cette dynamique de l’amour en Dieu et de Dieu sans décider d’engager notre vie dans un même
élan d’amour envers nos frères. En nous voyant, devrait transparaître la Bonne
Nouvelle de l’Amour de Dieu pour tout homme.
Père Bruno