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Fête de la Toussaint - année C                     1er novembre 2010

Les textes du jour (cliquez ici)

« Rassure-nous devant les épreuves en cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets. »

À chaque eucharistie, après avoir prié le Notre Père, nous affirmons que nous espérons le bonheur promis par Dieu, et forts de cette conviction nous lui demandons de nous rassurer devant les épreuves. Ce bonheur est l’objet d'une promesse, d'une espérance qui ne supprime pas les épreuves puisque nous souhaitons simplement être rassurés devant elles et non débarrassés d'elles.

Dieu nous promet le bonheur. Mais de quel bonheur s'agit-il ? Ce bonheur n'est pas une récompense puisqu'il n'est attaché à aucune condition de la part de Dieu. Se limite-t-il à la vie que nous vivrons dans l'éternité, devant continuer à subir notre vie sur terre ? Probablement pas car Dieu resterait alors un dieu lointain. Dieu ne peut pas ne pas réaliser ce qu'il promet ! Ce bonheur n'est donc pas à conquérir mais à accueillir ; il n'est pas la conséquence de ce que nous entreprenons mais un don gratuit reçu.

En même temps, ce bonheur est l'objet d'une espérance, c'est-à-dire qu'il n'est pas encore réalisé. Nous devons donc tenir à la fois la certitude de ce bonheur et l'expérience d'une réalisation encore partielle. Pourquoi ce délai durant lequel les épreuves sont toujours là même si nous demandons à Dieu de nous rassurer ?

Saint Jean, dans la deuxième lecture, nous permet de saisir un peu mieux le choix de Dieu. « Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. » La volonté de Dieu est que nous soyons appelés enfants de Dieu en nous comblant de son amour. En même temps nous serons totalement comblés lorsque nous verrons face à face le Fils de Dieu car alors nous lui serons semblables. Voilà le vrai bonheur ! Le bonheur promis par Dieu n'est pas quelque chose à posséder, il est quelqu'un à contempler, un peu comme deux amoureux qui se regardent tendrement.

Saint Jean invite le croyant à fonder sa vie « sur une telle espérance ». Ce temps qui nous est donné avant la réalisation définitive de ce bonheur est donc un temps pour apprendre à voir. En effet, si nous ne voyons pas encore le Fils de Dieu, nous voyons chaque jour notre frère. Le bonheur promis par Dieu passe par notre capacité à voir les autres.

Être heureux, dans la Bible, n'est pas étranger à la manière de vivre avec les autres. Il n'est jamais question d'un bonheur pour soi. Bien souvent une vision du bonheur prédomine aujourd'hui : pour être heureux il faut avoir des biens, de l'argent, du travail, la santé, une famille… Bien sûr cela n'est pas faux et nous savons bien que celui qui n'a rien a du mal à être heureux. Mais le Christ nous invite à aller plus loin en liant bonheur et attitude intérieure.

Le mot traduit par "heureux" dans l'Évangile exprime une idée de mise en route. C'est dans une qualité d'attention à l'autre, une qualité de regard comme Saint Jean l’évoque, que naît en soi le bonheur. Dans les Béatitudes Jésus en propose plusieurs : la pauvreté de cœur, la douceur, la compassion, la soif de justice, la miséricorde, la recherche de la paix, le combat pour la justice, la vie donnée à cause du Christ. Si Jésus a vécu jusqu'au bout chacune d'elles, il nous appartient de choisir d'abord l'une ou l'autre qui nous est plus familière pour nous mettre en route vers les autres. Ainsi nous serons heureux et commencerons à vivre ce bonheur que Dieu nous promet et que nous espérons.

Chacune de ces béatitudes porte en elle une promesse de bonheur. Hormis les deux béatitudes qui promettent le Royaume de Dieu – réalité déjà là même de façon partielle – toutes les autres sont au futur pour nous signifier que pour être heureux il faut toujours marcher, aller vers. Il n'y a de vrai bonheur que dans la soif de la rencontre de l'autre. Il n'y a de vrai bonheur que dans un amour qui se donne jour après jour sans compter.

C'est ce que la Bible appelle la sainteté, qui n'a rien à voir avec une perfection. Dieu seul est saint et nous rend capables de devenir saints en nous communiquant son amour pour que nous le rayonnions à notre tour dans les moindres détails de notre vie. L'appel au bonheur et l'appel à la sainteté sont très liés : tous deux se déploient dans le don désintéressé et total de soi. Une telle exigence peut nous paraître hors de notre portée. C'est exact ! Nous n’y arriverons pas tout seul.

Les saints sont des hommes et des femmes ordinaires qui ont enraciné leur vie en Christ pour la donner à leurs frères. La multiplicité des saints reconnus par l'Eglise atteste qu'il n'y a pas une seule voie possible. C'est à chacun, en s'appuyant sur l'une ou l'autre des béatitudes, d'engager concrètement sa vie pour témoigner d'un plus grand amour de ses frères, en puisant sa force dans l'amour dont Dieu le comble. C'est ainsi que Dieu rend notre pas ferme, et nous rassure devant les épreuves en cette vie où nous espérons le bonheur qu'il promet.

Père Bruno