retour entrée site

Fête du Saint Sacrement                10 juin  2012

Les textes du jour (cliquez ici)

Pour bien comprendre les textes de ce dimanche, il est nécessaire de considérer le sens du sacrifice dans la religion juive telle qu'il se pratiquait dans le Temple de Jérusalem. Dans toute religion, la question est de savoir comment passer du monde humain au monde divin. Pour effectuer ce passage, l'homme est obligé d'utiliser un objet de substitution, lui-même étant incapable d'accéder à Dieu. On utilise alors un animal – un agneau ou un taureau – qu'un homme mis à part pour cela – le prêtre – tue sur un autel, dans le Temple. L'autel est ce lieu sacré que l'on va asperger avec le sang de l'animal immolé.

Pourquoi le sang ? Un animal – comme un homme – qui a son sang, vit, tandis que l'animal saigné meurt. Ce constat empirique fait du sang le principe de vie. Versé sur l'autel, il devient alors cette vie reçue de Dieu. Une partie du sang est également aspergée sur le peuple pour que celui-ci, pécheur, vive de la vie de Dieu, pour qu’il soit purifié. Avec ce sacrifice animal est signifiée l'alliance que Dieu scelle avec son peuple : Dieu et son peuple sont liés pour la vie. C'est bien cette liturgie qui est relatée dans la première lecture.

Nous pouvons surtout retenir l'enthousiasme du peuple à vouloir rester fidèle à cette alliance : toutes les paroles que Moïse vient de rapporter de la montagne, entre autres les dix commandements, « nous les mettrons en pratique » (1ère lecture). Aspergé du sang de l'alliance, le peuple renouvelle son engagement devant le Seigneur. Cette première lecture, par-delà son caractère sacrificiel en décalage avec ce que nous vivons, nous interroge sur notre réel désir de mettre en pratique la Parole du Seigneur.

Notre vie, notre manière d’engager notre existence, est le lieu de l'alliance que Dieu désire vivre avec chacun d'entre nous. Il dépend de nous d’y répondre, avec enthousiasme. Vivre son quotidien en alliance avec Dieu c’est reconnaître à travers toute chose, y compris les plus routinières, la présence de Dieu qui nous accompagne fidèlement et faire de toute chose l'expression de notre volonté de vivre avec Dieu.

La limite du sacrifice tel qu'il est pratiqué dans le Temple – voire son imperfection –, vient du fait que c'est un animal de substitution qui est utilisé, animal qui n'est en rien lié au péché du peuple, et offert par un prêtre, lui-même pêcheur. Par sa mort librement consentie, par son sang librement versé, le Christ mène à sa perfection cette alliance entre Dieu et son peuple : « il a obtenu ainsi une libération définitive » écrit l'auteur de l'épître aux Hébreux. Son sang nous purifie une fois pour toutes. Il n'est plus besoin de recommencer ce sacrifice. Le Christ est ainsi « le médiateur de l'Alliance nouvelle ». L’Eucharistie que le Christ nous a laissé devient alors un mémorial, non pas un souvenir mais le lieu où est rendu présent le sacrifice du Christ, où le vin devient réellement le sang de la Nouvelle alliance « versée pour nous et pour la multitude ».

Le dimanche de l'Eucharistie est l'occasion de redécouvrir ce sacrement comme le sacrement de l'Alliance Nouvelle et Eternelle que le Père désire vivre avec nous et qui se réalise définitivement par l’offrande de son Fils sur la croix. Le sacrifice du Christ, à la différence du sacrifice des animaux du Temple, est un « sacrifice de louange », comme dit la Préface de ce dimanche. En donnant sa vie par amour des hommes, Jésus loue son Père pour la gratuité de son amour offert à chacun. L’Eucharistie est pour nous l'école de l'Amour !

Communier au Corps du Christ, vivre du sacrement de l'Alliance, c'est engager en réponse notre vie dans une alliance avec nos frères. Nous ne pouvons pas communier au Christ sans communier à nos frères, sans tout mettre en œuvre pour vivre en communion avec eux. Comme l’exprime la Préface de ce dimanche : « Quand tes fidèles communient à ce sacrement, tu les sanctifies pour que tous les hommes habitant le même univers soient éclairés par la même foi et réunis par la même charité ». Nous pouvons dire que l'Eucharistie, en nous unissant au Christ, nous unit à tous les hommes ; elle fait de nous des hommes universels dans l'Amour.

Le Christ se présente à nous comme « le grand prêtre du bonheur qui vient » (2ème lecture) mais nous ne pouvons vivre ce bonheur qu’avec les autres. Le Christ atteste que le bonheur passe par le don de sa vie pour les autres. Participer à l’Eucharistie nous entraîne dans cette dynamique. Nous pouvons alors demander au Seigneur ce même enthousiasme que le peuple recevant les paroles de Moïse et le sang de jeunes taureaux offerts en « sacrifices de paix »  – nous retrouvons la structure de toutes nos eucharisties –.

Cela suppose de notre part que nous acceptions que « notre vie ne soit plus à nous-mêmes mais à lui qui est mort et Ressuscité pour nous » (Prière eucharistique n° IV). Ainsi nous deviendrons « une éternelle offrande à la gloire de Dieu » (Prière eucharistique n° III) : nous deviendrons eucharistie – action de grâce – !

Père Bruno