retour entrée site

 Dimanche de Pâques

 Année A              24 avril 2011

Étrange scène qui se déroule sous nos yeux : c’est le petit matin, des femmes viennent faire la visite au tombeau où Jésus a été déposé et devant lequel des gardes sont postés. Et voilà que soudain il y a un grand tremblement de terre, un ange tombe du ciel, la pierre du tombeau roule. On comprend que les gardes ont la peur de leur vie !

Les femmes, quant à elles, ne semblent pas s’émouvoir quand l’ange leur adresse la parole. Elles font confiance à cette parole inouïe : « Vous, soyez sans crainte ! » C'est cette même parole que le Ressuscité leur dira lorsqu'il viendra à leur rencontre. La foi en la résurrection nous affranchit de la peur. Plus étonnante encore est l’attitude que cela va faire naître chez ces femmes : elles quittent le tombeau, tremblantes et toutes joyeuses, et courent !

Si seulement cette nuit, nous pouvions être tremblants et tout joyeux, nous mettant à courir après avoir quitté le tombeau. C'est à cela que nous reconnaîtrons la force de notre foi en la résurrection. Si nous regardons notre vie et celle du monde, les motifs de crainte sont nombreux, et ils sont fondés. Alors, que peut changer la foi en la résurrection puisque le Ressuscité n’a pas l’air de changer le monde ?

De quelles peurs le Ressuscité vient-il nous libérer ? Pas celles de l’avenir dont il dépend de nous sa construction, mais de ces peurs plus subtiles qui nous enferment sur nous-mêmes et ferment peu à peu notre avenir. Peur de ne pas y arriver, peur de ne pas être heureux, peur de ne pas être à la hauteur, peur d'être jugé, peur de ne pas être aimé... Elles sont nombreuses ces peurs qui nous paralysent. La pire des peurs est la peur de nous-mêmes, la difficulté que nous avons à nous faire confiance.

C'est pour cela que la première parole du Ressuscité est : « Soyez sans crainte ! » C'est la toute première parole de Dieu après la résurrection. « N’aie pas peur de toi-même puisque je suis vivant avec toi ! » La peur de nous-mêmes entraîne la peur des autres qui se traduit par des jugements hâtifs, la volonté de toute-puissance, ou par le retrait vis-à-vis des autres. N’est-il pas temps de faire rouler la pierre de toutes ces peurs qui sont comme des tombeaux dans lesquels nous nous enfermons ? C'est ce soir que la lumière du Ressuscité révèle l'éclat de notre beauté intérieure.

Croire en la résurrection, c’est croire au possible qui est en chacun et en soi en particulier. Cela servirait à quoi que le Christ soit ressuscité si ce n'est pas pour nous dire que son amour nous rejoint au plus profond de nous-mêmes. Et si le Christ nous aime à ce point –  puisque la haine que les hommes ont envers lui n'affecte pas son amour pour eux – comment ne pourrions nous pas nous aimer nous-mêmes et ainsi aimer les autres ! Et c'est ainsi que notre monde changera.

Ce ne sont pas les structures qui changent le cœur de l'homme, c’est l’amour ! Un amour à l’exemple de celui du Christ, qui se donne sans compter pour faire grandir l’homme. Croire en la Résurrection, c’est risquer toute notre vie sur un oui à nous-mêmes, à ce que nous sommes capables d’être pour les autres et que trop souvent la peur étouffe, au risque de vivre à moitié, ou d’attendre plus tard pour vivre en vérité avec ce que le Seigneur nous a donné. Oui, soyons sans crainte !

Etant sans crainte, quelle est alors cette joie qui met en route ces femmes ? La plupart des récits de résurrection attestent cette joie qu'éprouvent les disciples. Non pas simplement parce qu'ils reconnaissent que Jésus est vivant, mais parce que leur vie prend un nouvel élan. « Il vous précède en Galilée. » Cela signifie que où que je sois le Ressuscité me précède : certitude intérieure que le Christ est toujours avec moi.

Pourquoi mettre ailleurs sa sécurité plutôt qu’en lui ! Parce que bien souvent nous sommes pris dans un engrenage avec nous-mêmes, nous limitons notre vie à la recherche d'un plaisir immédiat. Or la vraie vie, la vie pleine et entière à laquelle nous aspirons, cette vie, c'est le Christ ! Il n'y en a pas d'autre. Alors c'est vrai, croire en la résurrection nous invite à considérer notre vie pour nous assurer que c'est bien le Christ qui donne sens à nos choix et à nos décisions. Croire en la résurrection, c'est ouvrir notre cœur à sa présence, en lui demandant de nous éclairer et de guider notre vie.

N'allons pas chercher ailleurs ce que le Christ nous donne totalement, définitivement. Quand nous mesurons notre force à partir de ce que nous sommes capables de réaliser, croire en la résurrection, c'est découvrir que notre force c’est le Christ ! Avec lui, nous n'avons plus besoin de faire nos preuves, car c'est lui et lui seul qui peut donner à notre vie toute sa fécondité.

Il nous précède, c'est-à-dire qu'il s'engage à ce qu'en toutes choses, y compris avec nos limites les plus sombres, sa vie peut donner sens à la nôtre. Cela n’est-il pas source d’une grande joie ? Est-ce que le Christ nous rend heureux, d’une joie qui nous libère de nos peurs ? C'est sans doute la première question à nous poser ce soir. Bien souvent, ce qui nous empêche de vivre pleinement du Christ ce sont les stratégies que nous ne mettons en œuvre pour assurer par nous-mêmes les conditions de notre bonheur et de ceux que nous aimons. Croire en la Résurrection, c’est risquer toute notre vie sur un oui au Christ, un oui sans condition. Là est le véritable bonheur !

Mais alors, pourquoi les femmes courent-elles porter la nouvelle aux disciples toutes tremblantes ? Certainement pas parce qu'elles auraient peur de la réaction des disciples mais parce qu'elles mesurent l'ampleur de mission qui leur est confiée. Après tout, le Ressuscité n’aurait-il pas pu apparaître lui-même à ses disciples ? Il a préféré s'appuyer sur ces premières messagères de la résurrection. Voilà que le Ressuscité compte sur chacun d'entre nous pour témoigner de sa présence au cœur de ce monde.

En célébrant la Cène du Seigneur, je rappelais jeudi soir la nécessité pour l'Eglise et pour le monde que des jeunes de notre communauté s'engagent par toute leur vie à suivre le Christ en choisissant d'être prêtres. Avant la vénération de la croix, vendredi soir, je demandais à chacun d’offrir au Crucifié ce qu'il voulait donner de lui-même par amour de ses frères.

En cette nuit de Pâques, j'invite chacun à décider concrètement comment il peut être messager de la Résurrection, c'est-à-dire à pouvoir dire comme saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2,20). Il est vital pour notre monde que des jeunes, des couples, des familles engagent leur vie non pas sur leur carrière ou sur leur sécurité, non pas sur leurs projets pour le Christ, mais sur le Christ lui-même. Et j'insiste plus particulièrement auprès des jeunes qui sont à une période où ils décident de l'axe qu'ils veulent donner à leur vie. Confiez au Christ votre orientation. Demandez-lui ce qu’il attend de vous pour la vie des hommes.

Il appartient à tous de remettre toute sa vie au Christ pour recevoir de lui sa mission de témoin de la résurrection, de témoin de sa présence aimante pour tous les hommes. Même si cela peut nous engager sur des chemins nouveaux que nous n’avions pas prévu. Croire en la Résurrection c’est être audacieux, puisque le Christ nous accompagne ! Nous sommes parfois les premiers à dire que le monde va mal, à nous inquiéter de son devenir. Le Christ Ressuscité a ouvert une brèche.

Il est urgent que des hommes et des femmes témoignent radicalement par toute leur vie que seul l'amour donné transforme le monde. En Christ, la mesure de l'amour c’est sa démesure pour tous les hommes. Et nous garderions cela pour nous ! Croire en la Résurrection, c’est risquer toute notre vie sur un oui aux autres, un oui à servir la vie de nos frères sans hésitation de notre part. Le monde a besoin d’hommes et de femmes qui témoignent par toute leur vie qu’une vie réussie est une vie donnée.

Puissions-nous graver dans notre cœur, en cette nuit de Pâques, ces mots que je prononcerai sur vous en vous bénissant : « Par la résurrection de son Fils, Dieu vous a fait déjà renaître : qu’il vous rappelle toujours à cette joie. Suivez maintenant les pas du Ressuscité : suivez-le désormais jusqu’à son Royaume ! »

Père Bruno