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Jeudi Saint - année C

28 mars 2013

Les textes du jour (cliquez ici)

« Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » s’interroge le psalmiste. Rendons-nous compte de tous les biens que nous fait le Seigneur, jour après jour ! Ce soir, c’est un peu comme si nous prenions le temps non seulement de nous rappeler mais surtout d’accueillir tous les biens que le Seigneur nous fait personnellement et à tous les hommes.

Nous le savons bien, le plus grand bien qu’il nous fait se réalise à travers l’offrande de Jésus sur la croix. Le plus grand bien s’accomplit en nous à travers le don sans mesure de Jésus pour le salut du monde et la gloire de son Père. Ce soir, prenons le temps de nous laisser pénétrer par ce mystère d’amour, car, comme nous le proclamons, « il est grand le mystère de la foi ». En cette année de la foi, nous pouvons nous interroger honnêtement sur notre foi en l’Eucharistie, notre foi en la présence réelle du Christ Ressuscité dans ce sacrement. Non pas une foi intellectuelle qui sait formuler des vérités sur l’Eucharistie, mais une foi qui exprime notre attachement, notre adhésion à celui qui se donne réellement à nous quand nous communions à lui. « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? »

Rendons-nous compte de ce qui va se passer maintenant sous nos yeux ? Le curé d’Ars aimait dire : « Si nous avions assez de foi, la Sainte Messe serait un remède pour tous les maux que nous pourrions avoir pendant notre vie ; en effet, Jésus-Christ n’est-il pas notre médecin de l’âme et du corps ? » Ce soir, cette nuit, en venant prier devant le reposoir, prenons le temps de méditer sur ce qui s’accomplit à chaque Eucharistie.

A chaque messe, sous nos yeux se déploie le sacrifice nouveau de l’Alliance éternelle, le sacrement de l’amour du Christ comme nous l’avons entendu dans l’oraison de cette messe. Dans l’Eucharistie, nous ne célébrons pas n’importe quel amour mais l’amour qui va jusqu’au bout, sans mérite de notre part. Il suffit simplement que nous ouvrions notre cœur. « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? »

Nous pouvons alors nous interroger sur ce que produit ce sacrement de l’amour en chacun de nous. Il nous guérit ; il guérit notre cœur ; il nous purifie. Tout au long de la messe, il y a sans cesse le rappel de notre condition pécheresse que l’offrande du Christ vient guérir. C’est en cela que l’Eucharistie est le sacrement d’un amour plus fort que notre péché, d’un amour qui va jusqu’au bout.

Les paroles de la consécration du vin nous le rappelle chaque fois : le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle est versé pour nous et pour la multitude en rémission des péchés. Chaque messe commence par la reconnaissance de notre état de pécheur et l’accueil de la miséricorde de Dieu. Juste avant la communion, nous affirmons avec foi : « Dis seulement une parole et je serai guéri ». Mais encore faut-il que nous ayons conscience de notre mal, et plus encore que nous voulions nous laisser guérir par le Christ.

L’Eucharistie nous guérit de quoi ? De nos maladresses à aimer. Patiemment, l’amour du Christ vient à bout de nos résistances les plus fortes à aimer, comme l’eau qui coule sur la pierre la plus dure finit par la polir. Comment se fait-il que nous laissions si peu de place dans notre vie à cet amour offert du Christ, n’en faisant pas vraiment la priorité et le sens de notre vie. Avec le Christ, Dieu le Père nous a tout donné (cf. Rm 8,32). Que signifie alors un amour qui va jusqu’au bout ? Certes, il exprime un amour qui va jusqu’au bout du don total du Christ mais c’est aussi un amour qui va jusqu’au bout des zones les plus sombres qui sont en nous pour les purifier. Quand nous nous approchons de l’Eucharistie, nous nous approchons du sacrement de notre guérison.

Si seulement nous en prenions davantage conscience quand nous avançons vers l’autel pour recevoir l’Eucharistie et que nous répondons « Amen ! » quand nous est présenté le Corps du Christ. Mais trop souvent, nous nous levons par habitude, sans ouvrir vraiment notre cœur. Or c’est le Christ lui-même, dans un amour donné jusqu’au bout, qui se présente à nous, tout petit, dans une hostie.

Comment ne serions-nous pas bouleversés chaque fois que nous venons communier. Émerveillons-nous car notre cœur est purifié par l’amour du Christ et ainsi nous devenons capables de ressembler davantage au Christ, d’aimer davantage comme lui. Ne doutons pas que l’Eucharistie transforme notre cœur. Elle nous engage alors à entrer dans un plus grand amour de nos frères, à les aimer un peu plus jusqu’au bout, à devenir à la suite du Christ serviteurs de nos frères.

Dans l’évangile de saint Jean, Jésus pose un ultime geste avant d’être arrêté. Il lave les pieds de ses disciples. Le « jusqu’au bout » de l’amour est rendu visible alors que Jésus prend la condition de l’esclave. On comprend la réaction de Pierre. Il ne supporte pas que celui qu’il considère comme le Maître et Seigneur puisse se tenir à ses pieds, comme un esclave. Mais Pierre réagit avec sa tête ! Alors que Jésus s’adresse à lui au niveau du cœur.

Ce soir, laissons l’eucharistique nous rejoindre au niveau de notre cœur. Pour cela nous allons revivre le geste du lavement des pieds. Il ne s’agit pas de mimer les gestes du Christ. Ce geste, même s’il peut paraître étonnant, rend visible l’amour qui va jusqu’au bout et qui se déploie dans le service du frère. « Faites ceci en mémoire de moi » que nous entendons à chaque Eucharistie, et « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » que nous venons d’entendre dans l’évangile d’aujourd’hui sont une seule et même consigne de Jésus, un appel à vivre un amour en acte auprès de nos frères. En vivant ensemble ce geste, accueillons celui qui se tient au milieu de nous « comme celui qui sert » pour reprendre cette belle expression de Jésus que nous avons entendue dans le récit de la passion de dimanche dernier. Apprenons du Christ à nous mettre à genoux les uns devant les autres.

A travers ce geste, nous découvrons le sens profond de notre vocation de fils et de fille de Dieu. Aimer et Servir nos frères ! Si le Christ est important pour nous, si l’Eucharistie est la nourriture qui transforme notre amour en le sien, aimer et servir ne peut être que l’axe de toute notre vie. J’ajouterai même, aimer et servir jusqu’au don total de nous-mêmes pour nos frères, quel que soit notre état de vie, nos âges, nos compétences… Il ne peut y avoir d’autre route que celle tracée par le Christ.

Nous sommes appelés par le Christ à sortir de nous-mêmes, de nos habitudes, y compris celle de notre fois, pour nous rendre proches de nos frères. Il y a urgence pour nos frères que nous soyons auprès d’eux la présence aimante et compatissante du Christ. Laissons-nous saisir par cet amour. Notre pape François nous invitait hier : « Vivre la semaine sainte, c’est entrer davantage dans la logique de Dieu qui est avant tout celle de l’amour et du don de soi ».

Ce geste est significatif de la place du Christ dans notre vie et, agissant au nom du Christ, de la place du curé dans la communauté paroissiale. Durant la messe chrismale que nous avons célébrée hier, l’évêque, dans le dialogue qu’il a eu avec les prêtres, rappelait que le prêtre, toujours plus uni au Seigneur Jésus, doit chercher à lui ressembler en renonçant à lui-même.

En vivant maintenant ce geste, que chacun puisse entendre le Christ lui redire avec tout son cœur : « Accepte que je t’aime jusqu’au bout ; laisse-moi t’aimer tel que tu es. J’ai donné ma vie par amour pour toi, pour servir la vie qui est en toi, pour te guérir de tout ce qui blesse ton existence. »

Bien sûr, prêtre, je reste un homme pécheur, mais en versant de l’eau sur le pied de douze membres de notre communauté, comme le Christ l’a fait pour ses douze Apôtres, j’aimerais tellement que chacun puisse mieux sentir le Christ à genoux devant lui, s’abaissant humblement devant lui, pour lui manifester toute sa tendresse.

Alors, venant communier tout à l’heure, dites au Christ votre désir de le recevoir au plus intime de vous-mêmes pour qu’il guérisse votre cœur. Pensez à tout le bien que le Seigneur a fait et continue de faire en vous. « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? », « Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce », répond le psalmiste. En répondant alors « Amen ! » laissez éclater votre joie.

« Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » C’est maintenant que cette parole s’accomplit pour chacun d’entre nous.

Père Bruno