Fête du Christ roi de l'univers 21 novembre 2010
Les textes du jour
Avec ce dimanche se clôt l’année liturgique. Après avoir suivi Jésus de sa naissance à sa résurrection, en s'arrêtant longuement sur sa vie publique dimanche après dimanche, nous voici parvenus au terme. Nous célébrons le Christ roi de l’univers. Nous pourrions nous attendre à ce que l'Évangile nous fasse contempler la gloire de celui qui est confessé comme Roi de l'univers. Or il nous conduit au pied de la croix, au lieu même de la souffrance et de la dérision.
La vie humaine de Jésus semble être un échec, et son message une supercherie. Ceux qui sont présents ne s'y trompent pas. Les chefs des prêtres qui attendent le Messie le ridiculisent : « Qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Elu ». Les soldats qui obéissent à l'empereur se moquent de lui : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ». Un des malfaiteurs l’injurie : « N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même » et ajoute aussitôt « et nous avec ».
Jésus qui a tant prêché sur le salut et dont le nom signifie « le Seigneur sauve » (cf. Matthieu 1,21) semble totalement impuissant à mettre en œuvre ce qu'il a dit. Saint Luc, dans la construction de son Évangile, établit un lien étroit entre les trois tentations de Jésus au désert, au début de son ministère public, et ses trois tentations sur la croix, à la fin de sa vie : « Sauve-toi toi-même ».
Le second malfaiteur ne s'y trompe pas. Il ne demande pas à Jésus de se sauver et de le sauver, il lui demande simplement de ne pas l'oublier, de se souvenir de lui quand il viendra inaugurer son Règne. Il a saisi de quel Royaume Jésus est le roi. Jésus peut alors lui proclamer : « Aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le paradis ». Cet aujourd'hui fait écho à la parole des anges annonçant aux bergers la naissance de Jésus : « Aujourd'hui, un Sauveur vous est né » (Luc 2,11).
Saint-Paul affirme explicitement : Dieu « a voulu tout réconcilier par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux ». Dans cet hymne liturgique, Paul décrit avec des expressions très fortes la Seigneurie du Fils bien-aimé sur toute la création, lui qui est « le premier-né par rapport à toute créature », « le premier-né d'entre les morts », celui par qui et pour qui le Père a « tout créé dans les cieux et sur la terre ». Dans le Christ, toute la création trouve son « accomplissement total » mais pour cela il faut que le Christ réconcilie avec Dieu cette création marquée par le péché, c'est-à-dire marquée par la capacité à refuser Dieu.
C'est le Père qui nous rend « capables d'avoir part, dans la lumière, à l'héritage du peuple saint » ; c'est le Père qui veut nous réconcilier avec lui ; c'est le Père qui nous sauve. Il a choisi de nous sauver à travers l'offrande de son Fils par amour de tous les hommes, « en faisant la paix par le sang de sa croix ». La Royauté du Christ se déploie dans l'amour, un amour qui se donne totalement et sans condition. Étonnant royaume où pour en faire partie, il suffit de se laisser aimer. La puissance de son Roi est celle de l'amour qui se risque à nos refus d'aimer. La croix n'est pas le lieu d'une impuissance mais d'une vulnérabilité : en Jésus-Christ, Dieu prend le risque que son amour soit refusé sans pour autant rejeter celui qui le rejette.
Confesser le Christ Roi de l'univers a pour conséquence immédiate de le laisser régner dans notre vie. Comment cela est-il possible ? En le laissant faire sa demeure en nous, en lui donnant la première place. Sans doute nous arrive-t-il parfois de vouloir nous sauver nous-mêmes, c'est-à-dire de compter sur nous seuls pour sortir de nos impasses, pour nous libérer de ce qui nous enchaîne.
Pour reprendre ce que les uns et les autres demandent Jésus dans l'Évangile de ce dimanche, notre salut vient-il de nous-mêmes ou de Dieu ? Jésus ne cède pas à la tentation de se sauver lui-même car le salut vient de Dieu ; il se reçoit. Laisser le Christ régner dans notre vie consiste alors à nous appuyer avec confiance sur sa présence au quotidien qui libère en nous la vie.
Par le baptême, nous sommes aussi roi, c'est-à-dire artisan de ce Royaume dont le Christ est Roi. Laisser le Christ régner dans votre vie, c'est donc également engager notre vie pour que le Règne de Dieu progresse dans la vie de notre monde, un règne de vie et de vérité, de grâce et de sainteté, de justice, d'amour et de paix comme le dit la préface de ce dimanche. La contemplation du Christ Roi ne nous soustrait pas de notre quotidien. Bien au contraire ! Elle nous engage à participer pleinement à la construction d'un monde ajusté à l'esprit des Béatitudes.
« Nous sommes du même sang que toi ! » s'exclamait le peuple devant David qui allait devenir son roi. Nous sommes aussi du même sang que le Christ. Sa royauté se révèle dans le don de sa vie. S'engager à sa suite pour que le Règne de Dieu vienne, comme nous le demandons en priant le Notre Père, c'est avec lui choisir de donner de notre vie par amour pour nos frères. Et c'est en contemplant le Christ en croix que nous pourrons entrer davantage dans cette attitude.
Père Bruno