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 Trente quatrième dimanche du temps ordinaire

 Année A              20 novembre 2011

Dans la première lecture, Dieu affirme avec solennité qu'il va lui-même veiller sur ses brebis. En Ezékiel 34, Dieu commence par dénoncer les pasteurs qui n'ont pas fait paître leur troupeau, ni soigner les brebis malades, ni chercher celle qui était perdue. Désormais c'est Dieu lui-même qui prend les choses en main : « J’irai moi-même à la recherche de mes brebis et je veillerai sur elles ». Une nouvelle fois, l'Écriture atteste la sollicitude de Dieu pour son peuple avec cette insistance sur la personne perdue, égarée, blessée, faible.

Lorsque Dieu promet, sa parole ne peut pas rester stérile et il réalise sa promesse en se faisant l'un d'entre nous. Il ne manque pas de passages dans l'Évangile où nous voyons Jésus se rendre proche de la personne fragilisée, relever celle qui est affaiblie. Jésus lui-même se présente comme le berger qui connaît ses brebis, veille sur elles, et donne sa vie pour elles (cf. Jean 10, 1-18). Saint-Paul insiste pour dire que tous les hommes revivront dans le Christ lorsque celui-ci reviendra (deuxième lecture).

En attendant  son retour, nous vivons le règne du Christ, « jusqu'au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis » y compris la mort. C'est le sens de cette fête du Christ Roi. Le règne du Christ n'est pas celui de la force et de la tyrannie mais un « règne de vie et de vérité, de grâce et de sainteté, de justice, d'amour et de paix » (préface du Christ Roi). Voilà le grand projet de Dieu pour toute l'humanité : que nous vivions pleinement la réalité du règne inauguré par la résurrection du Christ, le laissant régner en nous personnellement et entre nous tous.

Mais en même temps, ce règne ne peut advenir totalement sans notre consentement. Dieu associe l'homme à l'avènement de ce règne. Le Christ règne déjà sur l'univers et il nous appartient de tout mettre en œuvre pour que ce règne se réalise pleinement. C'est le sens de la dernière phrase de la première lecture : « Apprends que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs », illustrée parfaitement par la parabole de l'Évangile.

Le Fils de l'homme vient juger l'univers et sépare les uns des autres. Nous ne sommes pas très familier avec cette notion de jugement, qui n'a rien avoir avec un tribunal où les hommes seraient sanctionnés ou punis en fonction de leurs fautes. Lors du jugement individuel qui se passe au moment de notre mort, nous connaîtrons totalement l’amour dont nous sommes aimés et, par voie de conséquence, la pauvreté de notre propre amour. La parabole de ce dimanche nous décrit sur quels critères s'opère ce jugement.

Certains se retrouvent sauvés, presque malgré eux, tandis que d'autres vont au châtiment éternel sans trop s'en être inquiétés auparavant. Il est important de repérer que cette séparation ne se fait pas à partir d'une confession de foi en Dieu mais à partir de la manière dont l'homme a vécu avec son semblable. Nous pourrions dire que le critère de jugement est la confession de foi en l'homme, éclairée par ce qu'en dit le Christ. Saint Jean de la Croix affirme : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l'amour ».

Chaque fois que nous servons un petit, nous servons le Christ. C'est en nous faisant serviteurs des plus fragiles, à la manière du Christ, que nous nous ajustons à Dieu, que nous devenons ces justes promis la vie éternelle. Jésus nous appelle à vivre une qualité de regard et d'attention envers celui qui a faim, celui qui est étranger, nu, malade, en prison. Or trop souvent nous risquons de ne pas les voir ou de trouver toutes les bonnes raisons pour ne pas nous rendre proches d'eux. Le Christ nous appelle à un amour compatissant et gratuit pour tout homme, et plus spécialement envers les plus fragilisés, quelle que soit la raison de leur fragilité.

Comme le Christ lui-même l'a vécu durant sa vie terrestre jusqu'à donner sa propre vie, c'est sur ce même chemin qu’il nous attire, sans compromission. Nous participons ainsi à la réalisation de la promesse entendue dans la première lecture. Chacun peut s'interroger sur le ou les petits auprès desquels le Seigneur l'envoie. Vivre cette mission à la manière du Christ et non simplement comme le déploiement de notre générosité, c’est reconnaître en chacun de ces petits le visage du Christ et le servir avec autant d'attention que si nous servions le Christ lui-même.

À l'inverse, nous avons également à repérer ceux que le Christ envoie vers nous pour nous relever de nos faiblesses, de nos fragilités. Or trop souvent nous voulons y arriver par nous-mêmes ou bien nous croyons que nous n'y arriverons jamais. En révélant à l'autre ma fragilité, je lui témoigne quelque chose du Christ. Chemin de vie qui est à l'opposé de notre mentalité actuelle où il faut être fort, ou du moins donner aux autres l'impression d'être fort. La royauté du Christ passe par le don de sa vie pour tous les hommes.

Nous pouvons rendre grâce, en cette fête du Christ Roi, pour ce chemin qu'a emprunté le Christ par amour de chacun et lui demander d'engager davantage notre vie dans cette dynamique. Ainsi le règne du Christ ne sera pas simplement pour un futur lointain, mais c’est dans notre aujourd'hui que nous participerons à sa réalisation.   

Père Bruno