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Ascension du Seigneur                   13 mai  2010

Les textes du jour (cliquez ici)

Le Mystère de l’Ascension est toujours assez difficile à se représenter. Il risque d’apparaître comme une évasion. Et pourtant la Parole de Dieu nous met en garde : « Qu’avez-vous à regarder vers le ciel ? » Ce mystère en effet concerne notre vie concrète de chrétien, de disciple du Christ, aujourd’hui. Le temps entre Pâques et l’Ascension est un temps symbolique auquel seul Saint Luc donne une durée de quarante jours pour nous rappeler, sans doute, les quarante ans de présence mystérieuse de Dieu à son Peuple au désert. Il veut nous dire par là que ce temps, comme celui de l’Exode, est à la fois un temps d’épreuve et de joie, un temps privilégié où les disciples vivent une expérience fondatrice pour l’Eglise, celle de la présence mystérieuse de Jésus vivant au milieu d’eux.

Voilà que les apparitions du Ressuscité cessent le jour où Jésus disparaît à leur regard. Saint Luc a soin de préciser : il disparut à leurs regards dans une nuée, en souvenir sans doute de la Transfiguration mais en référence aussi à l’Exode. Mais ce qui est nouveau c’est la signification même de cette nuée qui auparavant exprimait la présence de Dieu à son peuple mais qui désormais témoigne de son absence physique. Ce n’est plus en regardant du côté du ciel que nous trouverons la présence de Dieu… Comment saisir ce mystère de la foi ?

Si maintenant le temps des apparitions est clôt, c’est un nouveau temps qui est inauguré. Que ce soit à travers la finale de l’Evangile de Luc ou le récit des Actes des Apôtres, ce n’est pas tant du départ de Jésus dont il est question que de l’inauguration d’un nouveau mode de présence. Il est d’ailleurs significatif qu’après que Jésus ait été emporté au ciel les disciples se prosternent devant lui : c’est donc qu’il n’est pas absent mais présent autrement.

Avant d’être élevé au ciel, Jésus insiste sur deux points : les disciples vont recevoir une force, celle du Saint Esprit, et ils seront les témoins du Ressuscité jusqu’aux extrémités de la terre. Si Jésus reviendra de la même manière, il n’est pas question de rester là à regarder le ciel, c’est-à-dire à attendre passivement son retour. Pourtant, jusqu’au bout les Apôtres auront de la peine à se débarrasser de l’idée d’un Messie tout-puissant venant lui-même rétablir la royauté en Israël. Un des aspects de l’Ascension est peut-être justement de convertir notre perception de Dieu.

Dans la relation que nous entretenons avec lui nous savons que nous risquons toujours de faire de sa toute-puissance un moyen pour transformer les situations, les événements, voire même les personnes, dans le sens que nous espérons. Butant alors sur nos limites à nous changer et à changer le monde, nous gardons en nous l’espérance d’un Dieu qui peut modifier les choses. D’où notre déception, parfois notre révolte, quand malgré toutes nos bonnes résolutions, notre prière fidèle et nos efforts à vivre l’Évangile, il nous semble que nos demandes restent sans réponse.

En cette fête de l’Ascension, le Ressuscité nous fait la promesse d’une force, et comme le dit l’auteur de l’épître aux Hébreux : « Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis » (2ème lecture). Cette force fait de nous des témoins. C’est nous désormais qui devenons continuateurs de la mission du Ressuscité. Dieu a choisi de déployer la toute-puissance de son amour n’ont pas sans ou malgré nous mais avec nous.

Certes, le mode de présence du Ressuscité n’est plus extérieur à nous-mêmes, comme durant sa vie publique. Le corps charnel de Jésus se limitait à un lieu et un temps. L’Ascension ouvre le temps de sa présence universelle à tous les hommes, de tous les siècles, et de tous les pays. Le Ressuscité nous est présent de façon plus intime par son Esprit. Loin de disparaître, il est dans nos yeux, dans nos mains, dans notre bouche qui sont désormais les yeux, les mains, la parole de Jésus.

Avant de se séparer de ses Apôtres, Jésus Ressuscité les bénit. La bénédiction exprime, dans l’Ancien Testament, le lien permanent entre le Créateur et sa créature. Cette bénédiction exprime bien que leur relation avec le Ressuscité n’est pas rompue, même s’ils ne le voient plus. La joie qu’éprouvent alors les Apôtres signifie ce lien profond qu’ils vivent désormais avec le Ressuscité. Le corps du Christ ne leur est plus visible car c’est l’Eglise naissante qui est devenue son Corps. En acceptant de ne plus le voir, nous le rendons présent à tous.

Les dix jours qui nous séparent de la fête de Pentecôte sont donc un temps pour nous préparer à la fois à saisir ce que signifie cette absence physique de Jésus et à recevoir cette force venue d’en haut. C’est l’Esprit Saint qui nous donne de comprendre notre manière concrète de vivre notre mission de baptisé. En la recevant de Dieu et non en la choisissant nous-mêmes, nous deviendrons pour le monde les témoins de la présence du Ressuscité au milieu de nous.

Père Bruno