retour entrée site

Fête de l'Epiphanie - année C                    6 janvier 2013

Les textes du jour (cliquez ici)

 « Voici que des mages venus d’Orient arrivent à Jérusalem. » Que n’a-t-on dit sur ces mages ! La tradition de l’Église a lu ce récit à la lumière du psaume 72 (psaume du jour) – faisant de ces mages des rois – et d’Isaïe 60 (1ère lecture) – accompagnant ces mages de dromadaires –. Et parce qu’ils offrent de l’or de l’encens et de la myrrhe la tradition a estimé qu’ils étaient trois. Or le texte nous dit simplement : « Voici que des mages venus d’Orient arrivent à Jérusalem ». Ce sont donc des hommes venus de loin, géographiquement mais aussi religieusement, qui sont arrivés à Bethléem avec une seule intention : se prosterner devant le Roi des Juifs qui vient de naître. La présence de Dieu au milieu de nous peut provoquer en nous un mouvement contradictoire comme le décrit l’Évangile de Matthieu : soit nous acceptons de nous mettre en route, soit nous sommes pris d’inquiétude. L’inquiétude d’Hérode se comprend : si un roi vient de naître, lui-même risque de perdre sa royauté.

L’inquiétude d’Hérode traduit le choix qui se pose à chacun : ou bien rester son propre maître, ou bien accepter que le Christ dirige notre vie. Reconnaissons qu’une telle alternative peut nous faire peur. Bien sûr nous sommes prêts à suivre le Christ, mais acceptons-nous aussi facilement qu’il vienne bousculer nos habitudes, notre vie parfois trop rangée. Il est plus facile de laisser le Christ dans le domaine des idées que de lui donner la première place dans notre vie. L’Évangile place toujours devant ce choix : se suivre soi-même ou suivre le Christ, en nous engageant à sa suite de tout notre cœur. Si nous décidons de lui donner la première place alors, comme les mages, bien loin de comprendre et de connaître qui est réellement le Christ, mettons-nous en route.

À quel signe pouvons-nous alors le reconnaître dans notre vie ? Tout d’abord en confrontant notre vie avec la Parole de Dieu. C’est bien ce que font les chefs des prêtres et les scribes qui scrutent les Écritures pour comprendre la venue des mages. Nous sommes toujours invités à croiser le fil notre histoire avec le fil des Écritures pour tisser le sens de notre vie. En vivant cette démarche de notre cœur, cela ne peut que produire en nous une très grande joie, à l’image de celle qui habite les mages quand ils voient l’étoile. Relire notre vie à travers l’Écriture ne peut que l’éclairer d’une façon toujours nouvelle, renouvelée, car alors nous sommes capables d’y lire le signe de la présence de Dieu dans notre vie et d’en éprouver alors une grande joie. Avec les mages, osons nous interroger avec foi : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? », « Où est le Christ qui vient me rejoindre dans mon histoire ? »

Les mages, enfin parvenus devant l’enfant, tombent à genoux et se prosternent. Nous pouvons avec eux vérifier notre capacité à nous prosterner devant le Christ. Se prosterner devant quelqu’un c’est reconnaître sa grandeur et la grandeur du Christ n’est pas là pour nous écraser mais au contraire pour nous relever. Avons-nous cette humilité de nous laisser toucher par sa présence de notre vie. Nous le percevons bien, se prosterner n’est pas une attitude intellectuelle, c’est le langage de notre corps qui tout entier se laisse saisir par la grandeur de l’amour de Dieu. La prosternation est très proche de l’attitude d’adoration réservée à Dieu seul : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu » (Dt 6,13). L’adoration traduit la louange qui monte des profondeurs de notre cœur, exprimant un sentiment d’amour extrême. La prosternation dans l’Évangile est une attitude que l’on retrouve dans le récit des apparitions du Ressuscité. Dans le même Évangile de Matthieu il est dit que les femmes quittent le tombeau avec grande joie et se prosternent devant le Ressuscité.

C’est cette même attitude qui devrait nous habiter lorsque nous nous trouvons devant l’Eucharistie : se prosterner, adorer celui qui se rend visiblement et réellement présent à nous. Il va de soi que chacun doit vivre cette attitude dans la forme corporelle qu’il lui convient mais notre cœur est invité à entrer dans cette attitude intérieure. Lorsque nous nous approchons de l’Eucharistie, comment laissons-nous s’ouvrir notre cœur devant le Ressuscité. Quand l’hostie nous est présentée et que nous répondons « Amen ! », notre réponse est-elle l’écho d’une adoration, l’expression d’une prosternation ? Cette même attitude devrait déjà nous habiter après la proclamation de l’Évangile quand toute l’assemblée proclame : « Louange à toi, Seigneur Jésus ! ». C’est encore cette même démarche que nous sommes appelés à vivre à travers la proposition de l’adoration eucharistique sur la paroisse. Avons-nous saisi la chance que c’est pour nous et pour notre communauté ? Certes, l’adoration eucharistique n’est pas une forme exclusive de prière, mais elle est le lieu par excellence où nous nous mettons dans une attitude de prosternation, d’adoration gratuite devant la présence réelle du Christ Ressuscité. Nous savons bien que l’adoration invite à un double mouvement : rejoindre et adorer le Christ Ressuscité, glorieux près du Père, et rejoindre l’ensemble de l’humanité pour laquelle le Christ s’est offert.

Se prosterner devant le Ressuscité traduit une attitude d’offrande de tout notre être afin que notre vie ne nous appartienne plus. Cela pourrait nous scandaliser mais c’est pourtant bien le sens de l’eucharistie comme nous le rappelle la prière eucharistique n° IV : « Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est mort et ressuscité ». Cela nécessite de notre part de nous offrir entre tout entier au Christ, corps âme et esprit, pour que notre vie devienne offrande pour les autres. La fête de l’Épiphanie nous place donc devant un choix : ou bien rester sur place gagnés par l’inquiétude, ou bien nous mettre en route gagnés par l’émerveillement pour aller jusqu’à nous prosterner devant le Christ et le laisser peu à peu modeler notre cœur à l’image du sien, dans une offrande plus parfaite de nous-mêmes pour le service de nos frères.

Père Bruno