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Cinquième dimanche de Carême                25 mars  2012

L’Evangile de ce dimanche porte en lui-même une profonde dynamique. Les Grecs « abordent » Philippe, lequel « va » voir André. Les deux disciples « vont » alors vers Jésus qui, lui, ne va nulle part, mais parle de la « venue » de l’Heure. C’est alors qu’une voix « vient » du ciel pour confirmer la glorification du nom de Dieu. Les dernières lignes de ce passage expriment le résultat ou l’effet produit par cette série de venues. Tout s’achève par une élévation, celle de Jésus. Nous sommes invités à venir vers Jésus élevé en croix.

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. » C'est par cette image que Jésus annonce aux siens non seulement sa mort mais la fécondité qui jaillira de cette mort. Pour exprimer la fécondité de sa mort appelée à conduire à sa glorification, Jésus part de cette petite parabole familière au monde paysan sur le grain qui meurt pour porter des fruits. L’opposition introduite par Jésus est moins entre mourir ou vivre qu’entre mourir ou porter des fruits.

La demande des Grecs était de voir Jésus. La réponse de Jésus porte sur le grain de blé qui porte du fruit en abondance s’il meurt. Voir Jésus renvoie donc à la mort sur la croix comme lieu de l’abondance des fruits produits. C’est au Golgotha que « voir » Jésus permet de recueillir les fruits de la vie de la même manière que la vue du serpent d’airain élevé permettait d’échapper à la mort (cf. Evangile de dimanche dernier).

Dans l'Évangile de Jean la mort de Jésus, ou plus exactement son élévation de terre (cf. fin de l'Évangile) est aussi sa glorification. Le mot « gloire » vient d’une racine hébraïque qui signifie « qui donne du poids ». C’est le poids de l’amour de Dieu rendu visible. Ce qui rend féconde la mort de Jésus c’est qu'elle est la conséquence de l'offrande de sa vie. Jésus ne subit pas sa mort mais choisit de donner librement sa vie, même si les hommes ne veulent pas accueillir son amour. La dernière phrase de l’Evangile d’aujourd’hui signifie bien que Jésus est maître de sa mort.

Jésus insiste encore : « Celui qui aime sa vie la perd. » Celui qui garde jalousement sa vie pour lui se referme sur lui-même et, au bout du compte, perd sa vie. La vie prend tout son sens et porte du fruit lorsqu'elle se donne. En livrant ainsi sa vie entre nos mains, en se donnant sans réserve et sans condition, Jésus manifeste la gratuité de son amour pour les hommes, il nous révèle la grandeur de l’amour de Dieu. Ainsi il rend gloire au nom de Dieu. « Père, glorifie ton nom ! »

L'auteur de l'épître aux hébreux parle de la soumission du Christ. Cette soumission est celle de l'amour. Le Christ est totalement soumis à son Père, totalement confiant en son amour. Non seulement il offre sa vie, mais il nous assure que par son sacrifice il met en échec le prince de ce monde, c'est-à-dire Satan. C'est l'amour qui sauve le monde et par l'offrande de Jésus, le salut est offert à tous les hommes. C'est ce qui fait dire que le monde est jugé – mais là encore il ne s’agit pas d’une sanction – car le péché est définitivement vaincu. C'est le don du Christ par amour qui nous sauve et non nos mérites.

C'est ainsi que se réalise une fois pour toute l'Alliance voulue par Dieu. En prenant la coupe de vin Jésus le dit lui-même : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude » (Marc 14,24). Il réalise ainsi l’Alliance dont parle Jérémie. Cette Alliance n’est plus quelque chose d’extérieur à nous-mêmes comme pouvait l'être l'obéissance à la Loi. Cette Alliance est désormais gravée au plus profond de nous-mêmes. Elle est inscrite dans notre cœur car cette Alliance est réalisée par l'offrande d’amour du Christ.

Vivre de cette Alliance, c’est se laisser attirer par le Christ : « J’attirerai à moi tous les hommes ». Ce 5ème dimanche de Carême nous invite à nous laisser attirer par l’offrande du Christ de telle sorte que notre vie devienne peu à peu offrande pour les autres. « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive. » Le disciple est invité à s’engager sur le même chemin que celui du Christ, mais cela reste une proposition : « Si quelqu’un veut… ». Comment saisir alors cet appel à nous détacher de notre vie en ce monde ?

Il s’agit de mourir à soi-même, à ses projets qui nous centrent sur nous-mêmes. Nous avons souvent une vision étriquée de ce que nous croyons être notre chemin de bonheur. Or Dieu veut que nous donnions beaucoup de fruit, car là sera notre bonheur durable, éternel. Il n’y a qu’un seul chemin : celui du détachement par amour du Christ. C’est sur ce chemin pascal que le Christ nous attire. Venir à Jésus, se laisser conduire par lui à la croix, nous engage tout entier. Nous ne pouvons pas rester spectateurs devant la croix ! Le disciple choisit de mourir à lui pour naître au Christ. C’est ainsi qu’il devient à son tour glorifié – qu’il reflète le poids d’amour de Dieu – et porte ainsi beaucoup de fruit.

Père Bruno